La politisation des aides internationales dans des contextes de catastrophes, phénomène notamment combattu par les Nations Unies, a été particulièrement prégnante dans le cas de la réponse internationale au séisme de magnitude 6,8 qui a touché le Maroc le 8 septembre. La carte des pays dont l’aide a été acceptée et refusée reflète les traits actuels de la diplomatie marocaine, en particulier sur la question sensible du Sahara occidental. 

  • L’Espagne est le seul pays de l’Union européenne dont l’aide a été acceptée par le Maroc. Il s’agit aussi du pays européen qui a le plus récemment reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en février dernier – en conclusion d’une séquence de grave crise diplomatique durant depuis le printemps 2021 – sortant de la posture de neutralité jusqu’ici adoptée. 
  • La position officielle de l’Union européenne est le soutien à la mise en place d’un référendum d’autodétermination, position alignée sur celle des Nations unies. La Cour de justice européenne a par ailleurs annulé en septembre 2021 deux accords commerciaux avec le Maroc suite aux recours déposés par les indépendantistes du Front Polisario1
  • La position des États-Unis, qui fait partie des pays dont l’aide a été refusée, est ambivalente. Alors que le président Donald Trump a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en 2020, l’administration Biden refuse d’afficher un alignement complet sur la position de Rabat à propos du statut du territoire, ou de clarifier sa position2
  • La Ligue arabe dont font partie le Qatar et les Émirats arabes unis (qui ont vu leur aide internationale acceptée), reconnaît officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

La France et l’Algérie sont, parmi les pays dont les aides ont été refusées, les deux États avec qui la relation était le plus explicitement dégradée en amont de la catastrophe. 

  • En France, le mois de novembre 2021 a constitué un moment décisif de la dégradation des relations, date à laquelle la France avait déclaré vouloir réduire le nombre de visas accordés aux citoyens marocains.
  • Les tensions franco-marocaines sont aussi à relier à la question de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, que Paris refuse d’accorder à Rabat, contrairement au gouvernement espagnol. 
  • Les gestes de rapprochement du chef de l’État français avec l’Algérie, avec laquelle les relations du Royaume sont au plus mal, a également pu être un facteur de refroidissement de la relation bilatérale.

Si pour la France et l’Algérie les raisons du refus s’ancrent également dans un contexte de relations tendues depuis plusieurs mois, avant la survenue du séisme, la politique du Royaume face aux aides internationales a également pour résultat (et pour but ?) de démontrer une capacité à se reposer sur ses propres ressources tout en choisissant ses partenaires. 

  • Le gouvernement a annoncé une aide équivalente à environ 2 800 euros pour les ménages dont le foyer a été touché par le séisme, ainsi que des aides à la reconstruction des quelque 50 000 foyers détruits, de 12 800 euros pour les destructions complètes ou 7 300 euros dans les cas de destructions complètes. 
  • La pandémie de Covid-19 a entraîné une baisse du niveau de vie et un creusement des inégalités économiques dont les effets continuent à se faire sentir dans la société marocaine, d’après une note publiée par Haut commissariat au plan du Royaume en 2022. 
  • Le taux de pauvreté absolue a doublé dans les zones urbaines, et connu une augmentation de 74 % dans les zones rurales. L’inflation qui a suivi la pandémie a davantage touché les ménages ruraux (de 6,2 % en moyenne au premier semestre 2022 contre 5,2 % pour les ménages urbains). Après un pic à plus de 10 % en glissement annuel en février 2023, l’inflation est cependant repassée sous la barre des 5 % en juillet dernier.