Depuis 1998 le magazine américain Time établit une liste des cent personnes les plus influentes dans le monde. À partir du numéro de la semaine dernière, la rédaction a décidé d’élaborer une liste spécifiquement dédiée à l’Intelligence artificielle : TIME100 AI1.
- La liste a été établie en utilisant une méthode qualitative. Selon le magazine américain : « les rédacteurs et journalistes les plus compétents de Time ont passé des mois à recueillir les recommandations de dizaines de sources, pour rassembler des centaines de nominations que nous avons réduites au groupe que vous voyez aujourd’hui ».
- Les personnalités du TIME100 AI vont de l’activiste américaine Sneha Revanur (18 ans) au fameux chercheur canadien Geoffrey Hinton (76 ans) qui a quitté son poste chez Google au printemps dernier pour pouvoir parler librement des dangers de la technologie qu’il a contribué à créer.
L’étude de cette liste — qui présente un biais évident (Time est un influent magazine basé à New York) et qui ne se concentre pas uniquement sur la dimension technologique mais présente plusieurs catégories (leaders, innovators, shapers, thinkers) — permet toutefois d’avoir accès à une prosopographie d’un milieu en pleine évolution.
Les talents européens occupent une place marginale qui mérite d’être étudiée.
- Avec 9 sur 100, les talents européens sont bien représentés dans une liste qui reste très focalisée sur les États-Unis.
- Seulement 2 personnes travaillent sur le continent dans des secteurs hétérogènes au développement de l’industrie. Margareth Vestager, Commissaire européenne à la Concurrence actuellement en disponibilité, a été particulièrement présente dans le débat sur le rôle d’Union comme puissance régulatrice ; Sarah Chandere est l’une des principales conseillères du European Digital Rights, un réseau collectif d’organisations à but non lucratif, d’experts, de défenseurs et d’universitaires travaillant pour défendre et faire progresser les droits numériques à travers le continent, et dont le siège se situe à Bruxelles.
- 7 personnes sur 100 sont nées au Royaume Uni et 5 y travaillent.
- Les États-Unis sont surreprésentés dans cette liste où ne figurent que 4 Chinois de naissance dont 2 ont décidé de continuer à y travailler. 76 personnes travaillent actuellement aux États-Unis, alors que « seulement » 41 y sont nées.
- De leur côté, l’Inde et le Canada figurent en bonne place parmi les puissances de l’IA : avec respectivement 8 et 4 nationaux. Le Canada parvenant à réduire la dispersion de ses talents : 3 personnes travaillent en Inde, 4 au Canada.
Ces données confirment une tendance observée par le Global AI Talent Tracker2, une des plus complètes bases de données disponibles sur les publications scientifiques portant sur l’Intelligence artificielle.
- Avec près de 60 % des chercheurs de haut niveau travaillant pour des universités et des entreprises américaines, les États-Unis ont une large avance sur tous les autres pays en matière de recherche sur l’IA de pointe. Même si selon une étude Sequoia « le vivier de talents en ingénierie logicielle de l’Europe comprend une concentration d’experts en IA par habitant 30 % plus élevée qu’aux États-Unis et presque trois fois plus élevée qu’en Chine »3.
- La capacité à attirer des talents du système américain est cruciale. Plus de deux tiers des chercheurs en IA de haut niveau travaillant aux États-Unis ont obtenu leur diplôme de premier cycle dans d’autres pays.
- La Chine est la principale source de chercheurs de haut niveau : 29 % d’entre eux ont obtenu un diplôme de premier cycle en Chine. Toutefois plus de 55 % poursuivent leurs études, travaillent et vivent aux États-Unis.
Le rôle des migrations scientifiques ne doit pas être sous-estimé :
- Plus de la moitié (53 %) de l’ensemble des chercheurs en IA de haut niveau sont des immigrants ou des ressortissants étrangers qui travaillent dans un pays différent de celui où ils ont obtenu leur diplôme de premier cycle.
Près de la moitié (48 %) de l’ensemble des résidents de la Silicon Valley ayant un emploi et 66 % des travailleurs du secteur technologique sont nés à l’étranger ; 73 % des femmes travaillant dans la Silicon Valley sont nées à l’étranger4.