Depuis sa création en l’an 2000 par le climatochimiste Paul Crutzen, le concept d’Anthropocène s’est imposé pour désigner une époque en laquelle « l’homme » (en grec ánthrôpos) est devenu « une force géologique majeure » capable d’impacter l’écosystème terrestre, en l’occurrence sous la forme de ce que l’écologue Gerardo Ceballos et les biologistes Anne et Paul Ehrlich ont appelé en 2015, dans un livre qui porte ce titre, « l’annihilation de la nature » : notre époque est en effet celle de la Sixième extinction dans l’évolution de la vie sur terre, la dernière en date étant celle qui, à la fin du Crétacé il y a 66 millions d’années, a conduit à la disparition des dinosaures et à l’avènement des mammifères. Le concept d’Anthropocène demeure problématique, la rapidité avec laquelle il s’est imposé atteste néanmoins du besoin de nommer, pour la penser, la situation critique en laquelle se trouve aujourd’hui l’humanité : la crise écologique constitue en effet, avec l’avènement de l’Intelligence Artificielle, le plus grand défi qu’elle ait jamais eu à affronter.
S’il est de formation récente, ce concept a pourtant une lente genèse, puisque la conscience des effets dévastateurs de l’activité humaine sur son environnement date des débuts de l’ère industrielle : dès 1821, Charles Fourier écrivait un texte intitulé Détérioration matérielle de la planète où il constatait le « déclin de la santé du globe » provoqué par l’industrialisation, Karl Marx dans Le Capital en 1867 concluait de son analyse du machinisme que le mode de production capitaliste « perturbe le métabolisme entre l’homme et la terre et donc l’éternelle condition naturelle d’une fertilité durable du sol », Auguste Blanqui, dans L’Usure en 1869, déplorait que « depuis bientôt quatre siècles, notre détestable race détruit sans pitié tout ce qu’elle rencontre, hommes, animaux, végétaux, minéraux. La baleine va s’éteindre, anéantie par une poursuite aveugle. Les forêts de quinquina tombent l’une après l’autre. La hache abat, personne ne replante. On se soucie peu que l’avenir ait la fièvre » : la crise contemporaine est cette fièvre pronostiquée par Blanqui. « Ménage-t-on les trésors amassés par la nature, trésors qui ne sont point inépuisables et ne se reproduiront pas ? Le présent saccage et détruit au hasard, pour ses besoins ou ses caprices » poursuivait Blanqui dans Le Communisme avenir de la société : la destruction de l’environnement fut ainsi tout d’abord constatée par des critiques de la civilisation industrielle, son analyse relevait alors d’une pensée économique et sociale, c’est-à-dire des sciences humaines qui s’élaborent au même moment.
La crise écologique contemporaine n’est pas comparable à celles du passé en effet : il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle, semblable à une éruption volcanique ou à la chute d’un astéroïde, mais d’un processus d’origine humaine. D’où la difficulté d’assumer le concept d’Anthropocène, qui semble systématiser la misanthropie ; il faut alors ici plus que jamais rappeler le principe que Spinoza fixait à l’enquête philosophique : « Non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere — Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre ». C’est-à-dire : ni misanthropie, ni philanthropie, mais anthropologie ; la pensée de l’Anthropocène impose de reprendre à nouveaux frais la question anthropologique, pour tenter de comprendre quel est cet anthropoïde doté d’une telle puissance d’annihilation.
L’originalité du concept d’Anthropocène, cependant, tient à ce qu’il ne relève pas d’une science humaine mais de la géologie, puisqu’il entend désigner l’époque qui succède à l’Holocène. La géologie est elle-même une science de l’ère industrielle, élaborée par Charles Lyell en 1830 dans les Principles of Geology où il proposait les noms d’Éocène, de Miocène et de Pliocène pour désigner les époques du Tertiaire, et, par la méthode stratigraphique, révélait les centaines de millions d’années de la terre quand la chronologie biblique lui donnait moins de six mille ans : révolution aussi considérable que la révolution copernicienne, susceptible de provoquer le même effroi (celui de Pascal), et qui imposait de rechercher les origines de l’humanité dans ce que Buffon au XVIIIe siècle avait nommé « le sombre abîme du temps ». C’est dans ce cadre géologique, à partir des principes de la stratigraphie, que Darwin a pu concevoir l’évolutionnisme : il fallait en effet pour cela avoir rompu avec la chronologie biblique pour admettre l’existence d’hommes « préadamites » (antérieurs à Adam), et avec le créationnisme pour montrer l’émergence de l’homme au cours du temps long, dans l’immanence de la nature et de ses lois, en élaborant donc une anthropologie naturaliste.
Anthropologie et métaphysique
L’Anthropocène conduit alors à radicaliser cette archéoanthropologie, pour concevoir l’humanité, non plus seulement comme un moment de l’évolution de la vie, mais comme une force physique, au même titre que le volcanisme, les cycles océaniques ou la tectonique des plaques, dont il s’agit d’étudier la place au sein du complexe de forces qui définit le système terrestre et son effet sur lui. L’anthropologie de l’Anthropocène se caractérise ainsi par une sorte de géologisation de l’humanité, qui la situe non seulement à l’échelle des temps géologiques, mais aussi dans le système des forces géophysiques, et a ainsi conduit à la circonscrire par le concept d’anthroposphère, dont il est possible d’observer et de mesurer les effets sur la biosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère et même la lithosphère, ce qui tend alors à montrer — contre Spinoza cette fois — que l’homme est un empire dans un empire, que sa puissance est impérialiste.
Le concept d’anthroposphère est ainsi celui par lequel la géologie elle-même passe le relais à une anthropologie, il montre aussi qu’il n’est pas possible d’en rester à une anthropologie positiviste et naturaliste, qui tenterait de concevoir l’homme à partir des lois et des normes qui régulent l’ordre des phénomènes : il s’agit en effet ici précisément de comprendre un désordre, un dérèglement ; de concevoir l’homme, non pas comme un phénomène naturel, mais comme un phénomène anormal par rapport aux lois de la nature, de le définir comme source de désordre, et de le penser finalement comme principe d’anarchie. Claude Lévi-Strauss le reconnaissait dans Tristes tropiques : il rappelait alors que la thermodynamique avait établi l’entropie comme principe de désagrégation, concevait l’homme comme facteur de désordre dans la nature, et concluait que, « plutôt qu’anthropologie, il faudrait écrire “entropologie” le nom d’une discipline vouée à étudier dans ses manifestations les plus hautes ce processus de désintégration ».
Dès lors, la référence de l’anthropologie n’est plus Darwin mais Nietzsche. Suivant en cela le principe méthodologique qui s’impose à tout philosophe, Nietzsche assume en effet les acquis des sciences de son temps, il conçoit l’homme comme résultat d’un processus d’émergence à partir de l’immanence naturelle, non pas cependant pour y voir l’accomplissement des lois de la nature, l’être suprêmement évolué, en lequel la nature réaliserait ses potentialités les plus hautes, mais au contraire une déviation, une anomalie, un accident : « L’homme est l’animal non encore fixé », celui qui a échappé à la logique de la spéciation, qui ne s’est pas intégré harmonieusement à la nature en y trouvant son biotope ou sa niche écologique, mais qui d’emblée s’est retourné contre elle. « L’homme est l’animal désanimalisé », l’animal qui use de toute son ingéniosité et de toute sa cruauté pour tuer l’animal en lui : l’ethnologie a depuis lors largement documenté l’extraordinaire diversité des mutilations, scarifications, excisions, interdits, tabous, rites, coutumes… par lesquels les hommes mettent à distance, criminalisent et éliminent leur propre nature. Freud a ensuite minutieusement développé l’analyse nietzschéenne en montrant que le psychisme humain se définit par le refoulement de la libido et de la pulsionnalité, c’est-à-dire la négation de la nature en soi : pour mettre alors évidence que ce refoulement est puissamment productif, en ce qu’il produit, par sublimation, les contenus fantasmatiques qui constituent la substance de la vie psychique. Freud mettait ainsi en évidence une dialectique de l’hominisation où le refoulement impose la sublimation, sublimation qui produit les idéaux de la culture, lesquels sont introjectés et intériorisés comme Surmoi et imposent de nouveaux refoulements, qui produisent à leur tour de nouvelles sublimations. Ainsi l’homme fuit la nature pour se réfugier dans sa propre production fantasmatique : l’ethnologie le confirme, qui montre que, contrairement à l’hypothèse de l’« état de nature » des XVIIe et XVIIIe siècles, les peuples dits primitifs ne vivent pas du tout dans la nature, ils n’ont strictement aucun rapport avec elle mais sont au contraire installés à demeure dans une surnature, celle de ce fantasme collectif qu’est le Mythe.
L’homme ne peut donc plus être défini par une essence stable, comme une espèce fixée — fixisme qui est une des conséquences du créationnisme —, mais doit se concevoir par cette dynamique qui le pousse à aller au-delà (en grec méta) de la nature (en grec physis). L’homme est en cela l’animal métaphysique : être de nature qui se définit entièrement par sa tendance à dépasser la nature, à la surmonter, à la fuir pour se réfugier dans une surnature. C’est justement parce que l’homme est d’origine animale qu’il faut le définir par cette dynamique métaphysique : s’il n’était pas métaphysique, il serait resté un animal. L’Histoire même doit alors être conçue comme une métaphysique réelle, processus pratique et concret par lequel des hommes en chair et en os mettent en œuvre un processus d’anthropisation de la nature qui est sa dénaturation et son dépassement. L’anthropologie que requiert l’Anthropocène est donc métaphysique, non pas qu’elle prétendrait que l’homme appartient de droit à un ordre de réalité transcendant, mais parce qu’elle constate que l’homme consacre de fait tous ses efforts à échapper à l’ordre immanent de la nature et produit un ordre de réalité qui la transcende.
Métaphysique et épistémologie
Penser l’homme aujourd’hui, c’est le penser à partir de cette anti-nature, c’est-à-dire dans son essence métaphysique. De ce point de vue, la métaphysique en tant que doctrine philosophique, est l’expression, l’explicitation et la systématisation de cette essence anthropologique, à laquelle Platon a donné sa forme achevée en revendiquant le refus du corps, du monde et de la vie, et l’aspiration à rejoindre un au-delà « étranger à l’infection des chairs humaines, des couleurs et de toutes les autres balivernes mortelles », selon l’expression du Banquet : la métaphysique est nihilisme, mais ce nihilisme n’est pas rien, il exprime une négativité inhérente à l’être humain.
L’originalité de la métaphysique platonicienne n’est pourtant pas de chercher à fuir la nature pour une surnature, puisqu’il y a là une caractéristique propre à tous les Mythes : son trait distinctif est de rationaliser cette surnature et de la redéfinir par l’idéalité. La théorie métaphysique se fonde en effet sur une physique, c’est-à-dire une science de la nature, qui rompt avec le rapport intuitif et charnel au monde environnant au profit d’idéalités pures, celles des mathématiques et de la géométrie, et constituent ainsi un milieu intelligible, accessible uniquement à l’intellect. Il ne faut donc pas opposer sommairement science et métaphysique : la métaphysique est une volonté de fuir le réel vers l’idéal, et cette fuite s’opère par le biais de la connaissance scientifique, qui est réduction de toute réalité à une idéalité. Ce projet est aujourd’hui achevé : la science depuis Galilée n’a en effet cessé de se mathématiser, de se formaliser et de s’idéaliser, ce qui lui a fait retrouver le dualisme platonicien entre le monde environnant que nous éprouvons par notre corps vivant, et celui que formalisent l’astrophysique et la mécanique quantique dans des espaces mathématiques vectoriels non intuitifs.
L’achèvement moderne de ce projet a conduit à un essor fulgurant et sans précédent de la connaissance scientifique, qui procure aujourd’hui un savoir précis et vérifié sur la totalité du réel, et a notamment permis l’élaboration de la géologie, de la météorologie, de la climatologie, de la biologie…, sciences qui ont permis de prendre conscience de l’événement en cours et du rôle que l’homme y joue : si le concept d’Anthropocène désigne une époque géologique, il est aussi la manifestation d’une époque gnoséologique, c’est-à-dire un certain état du savoir dont dispose l’humanité, qui est aussi — par la paléoanthropologie, l’ethnologie, l’histoire… — un certain état de la conscience qu’elle a d’elle-même. L’Anthropocène est aussi un événement épistémologique qui concerne la situation épistémique de l’humanité contemporaine : « l’homme » de l’Anthropocène est celui qui se définit par ce savoir.
Anthropocène et Noocène
Ce n’est pas en effet « l’homme » en général qui est aujourd’hui responsable de la crise écologique : force est de constater que les peuples Inuits du Nunavik, les Yanomami d’Amazonie et les Amungme de Papouasie n’y sont pour rien, les Tibétains et les Malgaches non plus. L’Anthropocène est la conséquence d’un événement historique précis et localisé : la révolution industrielle, déclenchée à la fin du XVIIIe siècle en Europe occidentale, c’est-à-dire dans l’Europe des Lumières, de la révolution galiléenne et du progrès scientifique. L’homme devient une force géologique dans et par le régime de régime de vérité, ou régime ontologique, défini par la scientificité occidentale : d’abord au point de vue théorique, puisque ces sciences comprennent l’humanité comme un élément du système terre et à l’échelle des temps géologiques, mais aussi et surtout au niveau pratique, puisque, depuis la révolution industrielle, l’humanité s’adjoint le charbon, le gaz, le pétrole, l’électricité puis la fission nucléaire pour déployer son activité. Seule cette hybridation de l’humanité avec les puissances telluriques de la nature peut expliquer un impact sur le système terre disproportionnée par rapport à sa réalité physique : pour donner une idée, si tous les êtres humains étaient situées les uns à côté des autres, avec un mètre carré pour chacun, l’humanité entière aujourd’hui occuperait la superficie de la Corse, tout le reste de la surface terrestre serait vide d’homme. « L’homme » devient une force géologique par l’appropriation et l’instrumentalisation des puissances celées dans les profondeurs de la terre, ce qui est rendu possible par l’essor de sciences qui permettent l’arraisonnement des forces fondamentales de la nature, ce qui culmine dans la physique nucléaire où s’établit la convertibilité de la matière en énergie. Ce n’est donc pas en tant que simple anthropoïde que « l’homme » a aujourd’hui un tel impact sur le système terrestre, puisque, précisément, les sciences contemporaines montrent qu’à cet égard il est quasiment indiscernable du chimpanzé — et c’est pourquoi l’anthropologie de l’Anthropocène ne peut pas rester purement naturaliste —, mais en tant qu’il se caractérise par ce type savoir, c’est-à-dire — selon l’anthropologie métaphysique élaborée par les Grecs — en tant que zôon lógon ékhon, « animal doué de raison ».
Le minéralogiste et chimiste Vladimir Vernadski fut l’un des fondateurs de la biogéochimie, il a imposé le concept de biosphère dans le livre de 1929 qui porte ce titre, et a en cela contribué à fonder l’écologie scientifique ; il constatait dès 1924 dans La Géochimie qu’« une force géologique nouvelle est certainement apparue à la surface de la terre avec l’homme » : il est en cela le premier scientifique à avoir conçu l’Anthropocène. Mais il soulignait aussitôt que l’humanité tout entière ne représentait qu’une masse insignifiante dans le système-terre, que sa force ne venait pas de son corps mais de son esprit : ce qui le conduisait à reconnaître la spécificité de « notre époque géologique », pour la caractériser par « l’action de la conscience de l’esprit collectif de l’humanité sur les processus géochimique » et finalement la définir comme « ère psychozoïque, ère de la Raison ». La puissance qui aujourd’hui parvient à l’hégémonie mondiale n’est donc pas tant « l’homme » que la « raison » ou l’« esprit » dont il est porteur, le vecteur ou l’agent, ce qui a conduit Vernadski à ajouter au système terre la noosphère (du grec nóos, intelligence, esprit, pensée) : il conclut ainsi dans un article paru en 1943 que « la noosphère est un nouveau phénomène géologique sur notre planète. En elle, pour la première fois, l’homme devient une force géologique à grande échelle ».
L’Anthropocène est donc en vérité Noocène, et c’est en quoi elle est un événement métaphysique : l’entité qui devient puissante, dominante, hégémonique n’est autre que l’univers noétique, le lieu intelligible en lequel Platon voulait fuir la nature, et par laquelle il entendait dominer toute nature pour l’assujettir à l’idée. La métaphysique platonicienne est en effet le projet d’une dénaturation réelle et d’une rationalisation réelle de l’humanité, projet politique qui passe par l’État totalitaire de La République et des Lois où c’est la logique de l’idée — l’idéologie — qui devient principe unique de commandement : dans Le Politique néanmoins, Platon souligne que la médiation de l’État, de la constitution et de la loi n’est qu’un pis-aller, et que l’idéal est celui où « le pilote (kubernètès) de l’univers » gouverne immédiatement les « marionnettes » que sont les hommes, et ce par le biais de « la commande sacrée, le calcul » ; l’idéal platonicien est celui de la souveraineté directe et totale de « l’esprit gouverneur » (kubernètikós nóos).
Or notre époque n’est pas seulement caractérisée par le triomphe d’une science intégralement mathématisée et formalisée, mais aussi par l’avènement de l’informatique et la mise en place, d’une rapidité foudroyante, d’un réseau planétaire tentaculaire qui a redéfini les sociétés et a instauré un espace-temps nouveau, le cyberespace, sans plus aucun rapport avec l’espace-temps naturel où vivent et se rencontrent les corps. La noosphère n’est pas restée un simple concept, elle est une superstructure réelle qui double réellement le monde vécu d’un au-delà idéel en lequel chacun est constamment tenté de fuir, elle constitue un univers numérique défini par la puissance de commandement du calcul, qui met effectivement en œuvre la réduction de la totalité du réel à des quantités d’information et détermine la réalité matérielle par ces entités formelles. Norbert Wiener, mathématicien qui a contribué à l’avènement de l’informatique, a anticipé l’ampleur de ses effets politiques et sociaux, il a compris d’emblée que la logique formelle allait devenir principe universel de gouvernement (kubérnèsis) et a proposé à la fin des années 1940 le concept de cybernétique pour la désigner : le Noocène est l’âge cybernétique, avènement de « l’esprit gouverneur » (kubernètikós nóos) platonicien en puissance hégémonique souveraine.
Indépendamment même de ses sources énergétiques — énergie fossile productrice de CO2 ou énergie non polluante —, ce dispositif annihile le monde concret au profit d’un univers abstrait, il dissout toute réalité dans son avatar numérique, il est dénaturation totale et réduit l’homme au rang de cybernanthrope, anthropoïde qui a délégué toutes ses capacités intellectuelles à la machine, constamment assisté par ses fonctions et dépendant de son fonctionnement. C’est donc un contresens complet que de concevoir notre époque comme « règne de l’homme », selon l’expression de Bacon dans le Novum organon, comme celle en laquelle il devient « comme maître et possesseur de la nature », selon l’expression de Descartes dans le Discours de la méthode : le moment où l’homme devient comme maître et possesseur de la nature, c’est la révolution néolithique, quand il domestique plantes et animaux ; le règne de l’homme, c’était l’histoire, où l’humanisation de la nature sauvage crée des paysages que l’on peut voir aujourd’hui comme autant d’œuvres d’art. La Rome antique reste un exemple éminent de ce règne, dont les Romains eux-mêmes avaient parfaitement conscience : « L’homme a la maîtrise complète des dons de la terre » écrivait ainsi Cicéron dans La Nature des dieux, « Nous tirons profit des plaines et des montagnes, les fleuves sont à nous, comme les lacs ; nous semons des céréales, nous plantons des arbres, nous rendons les terres fécondes par des irrigations ; nous retenons les cours d’eau, nous les rectifions, nous les détournons. De nos mains nous tâchons de produire dans la nature comme une seconde nature ». Notre époque est tout au contraire elle où le rapport à la nature ne passe plus par la main, mais par l’ « esprit collectif » — seul à même de s’approprier ses puissances telluriques —, elle est celle où l’homme perd la main sur des processus qui s’émancipent de tout contrôle, et auxquels il se trouve lui-même soumis : notre époque n’est certainement pas celle où l’homme est maître et possesseur de la nature, elle est celle où l’homme est dépossédé de toute nature et asservi à la logique numérique du dispositif numérique, c’est-à-dire d’un dispositif métaphysique qui instaure le Noocène.
Les clefs d’un monde cassé.
Du centre du globe à ses frontières les plus lointaines, la guerre est là. L’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine nous a frappés, mais comprendre cet affrontement crucial n’est pas assez.
Notre ère est traversée par un phénomène occulte et structurant, nous proposons de l’appeler : guerre étendue.
Noocène et Capitalocène
Si l’Anthropocène est Noocène, alors il requiert non pas seulement une anthropologie, mais une noologie, qui tente de déterminer quelle est cette entité, le noûs, « l’esprit » ou « l’intellect » : mais une noologie réélaborée dans le cadre de la révolution épistémologique contemporaine, qui explique sa genèse dans l’immanence naturelle tout en constatant que sa puissance efficace est celle de l’annihilation — principes qu’il importe de rappeler pour s’épargner les niaiseries new age à la Teilhard de Chardin qui a aussitôt récupéré le concept de noosphère.
L’esprit est résultat de processus de spiritualisation, produit de sublimation de la part d’un être naturel caractérisé par la négation de la nature en lui. D’où la question de savoir comment cette négativité peut surgir au sein de la positivité naturelle et y demeurer. Par la mort, qui est précisément la négativité immanente à la vie : l’homme est le mortel, non pas simplement qu’il décède et périt, sort commun à tout être vivant, mais parce qu’il se définit par la présence de la mort en lui. L’homme est en effet un être historique et pas simplement naturel en ce qu’il se définit non par l’hérédité mais par l’héritage, c’est-à-dire la mémoire des générations disparues et ainsi la présence en lui de l’esprit des morts. Toute anthropologie implique une thanatologie (grec ho thánatos, la mort), la généalogie de l’esprit découvre le deuil comme comme productivité psychique originaire, intériorisation idéalisante d’un disparu ainsi revenant pour hanter le survivant : l’homme est le vivant qui refoule la vie en lui pour donner toute la place à l’esprit des morts, et creuse ainsi en lui l’espace cryptique d’un psychisme défini par la hantise. Hegel dans la Science de la logique écrivait déjà que « la mort de la vie est la venue au jour de l’esprit », et Marx en a tiré la conclusion qui s’imposait : l’esprit est spectre, toute communauté est hantée par la tradition des générations disparues.
Mais l’enjeu ici est de penser l’origine de « l’esprit » qui permet l’appropriation des forces géologiques, c’est-à-dire l’Intellect (noûs) que les Grecs ont opposé à la nature (physis), configuration métaphysique caractérisée par sa rationalisation, qui le détermine par la logique formelle et l’abstraction de l’idéalité numérique : la question est donc d’identifier l’émergence d’un principe réel de numérisation formelle. Or le trait distinctif des Cités grecques est de s’être organisé autour de l’espace marchand de l’agora — et non plus du sanctuaire comme en Asie mineure — et d’avoir introduit la monnaie dans les échanges. L’échange économique impose la réduction de toutes les qualités particulières et concrètes des denrées matérielles échangées pour n’en laisser subsister qu’une quantité universelle, abstraite et formelle, à savoir leur valeur d’échange, et, dans le même moment, il génère un étalon de mesure qui permet la détermination de cette valeur par une quantité numérique. L’échange fait ainsi émerger un équivalent universel, qui réduit la multiplicité des choses particulières à une fraction numérique de la même unité abstraite, et pose l’Un numérique en principe unique de cette multiplicité concrète. La monnaie est alors la réification de l’équivalent universel, dont elle institutionnalise la fonction de mesure, elle est au principe de l’abstraction réelle qui, dans l’immanence des pratiques, impose la réduction de toute chose à une idéalité numérique : Platon lui-même le reconnaissait et, dans Les Lois, fait du commerçant un « bienfaiteur, qui, alors que tous ces biens sont par essence sans mesure et sans proportion, en uniformise l’essence en la proportionnant. C’est la puissance de la monnaie que de réaliser cela ». Les citoyens grecs étaient salariés (par la misthophorie instituée par Périclès), les hommes eux-mêmes pouvaient être réduits à une quantité de valeur (par l’esclavage) : les sociétés grecques étaient ainsi réellement soumises à l’Un que la métaphysique platonicienne a institué en clef de voûte de son édifice.
La monnaie cependant n’est pas seulement un étalon de mesure, elle est aussi et surtout réserve de valeur, qui la réifie et permet de l’accumuler. La valeur n’est pas purement formelle en effet, elle a un contenu substantiel, acquis décisif de l’analyse marxienne. Marx met en évidence l’abstraction réelle immanente à l’échange, qui opère la réduction des choses concrète à une quantité abstraite — « cette réduction apparaît comme une abstraction, mais c’est une abstraction qui s’accomplit tous les jours dans le processus de production » précise-t-il dans la Contribution de 1859 —, mais surtout pour identifier le contenu qui est ainsi abstrait. Le point commun à toutes les choses échangées est d’être des produits du travail humain : un produit vaut par la valeur ajoutée à une matière première par un travailleur, le contenu de toute valeur est le travail. La réduction à la quantité universelle abstraite de la valeur d’échange est ainsi réduction à un travail universel abstrait, travail réduit à son essence pure, c’est-à-dure à son statut de puissance — au double sens du mot puissance : force et potentialité. La monnaie est alors la pétrification et l’accumulation d’une quantité de travail abstrait, elle se caractérise par l’autonomisation du travail par rapport au travailleur, auquel elle survit : la monnaie matérialise du travail mort. La monnaie, disait déjà Hegel dans ses manuscrits d’Iéna, est « la vie mouvante en soi de ce qui est mort », et les recherches les plus récentes en ethnologie montrent que les formes proto-monétaires les plus archaïques avaient une fonction magique d’appropriation et de transmission de la substance des morts ; la monnaie a ainsi un lien essentiel avec l’héritage, avec la dette, elle rationalise le deuil qu’elle soumet à la mesure et au calcul.
Or la révolution industrielle est fondée sur une inversion pure et simple du statut de la monnaie, qui, de moyen d’échange, devient principe et fin de la production : la révolution industrielle est la conséquence de la révolution capitaliste. Il y a capitalisme en effet quand une quantité de valeur, autonomisée dans la monnaie, est investie dans l’achat de marchandises, avec pour finalité d’accroître sa quantité initiale : le capital, c’est l’acquis fondamental de Marx, est « l’autovalorisation de la valeur ».
Le seul sujet du processus est la valeur, et c’est précisément quand la valeur devient sujet, et même « sujet automate » précise Marx, qu’elle est capital. La révolution industrielle est la mise en place de l’infrastructure technique nécessaire à l’autovalorisation : c’est-à-dire l’automatisation, dans un machinisme fondé sur l’émancipation des processus de la main humaine. L’homme n’est plus à la manœuvre, il n’est plus que le servant d’une machine ; cette dépossession et cette aliénation ne concernent pas uniquement son habileté manuelle, mais aussi ses capacités intellectuelles : « Le processus de production est déterminé comme étant non plus subsumé sous l’habileté immédiate de l’ouvrier, mais comme application technologique de la science. Donner à la production un caractère scientifique est donc la tendance du capital », constate ainsi Marx dès 1857. Contrairement à l’artisan en effet, le travailleur ne réalise plus une idée qu’il aurait en tête, il contribue à la réalisation d’un savoir objectif — celui des sciences modernes : physique, mécanique, chimie, informatique… — intégré à la machine, savoir universel et abstrait qui constitue la logique interne et l’unité systématique de cette machine : ainsi, souligne Marx, « le travail apparaît au service d’une volonté et d’une intelligence étrangère, dirigé par cette intelligence, ayant son unité animatrice hors de lui, de la même façon que dans son unité matérielle, il apparaît subordonné à l’unité objective de la machinerie, du capital fixe, qui, monstre animé, objective la pensée scientifique ». La science contemporaine conquiert donc elle-même le statut de sujet, elle devient « l’âme » de la machinerie qui acquiert ainsi un semblant de vie, et dont Marx souligne constamment la monstruosité. Bien loin d’être le règne de l’homme, notre époque est celui de cette entité monstrueuse, elle est le règne de l’inhumain ; le penseur décisif n’est pas Descartes, mais Hobbes, qui a conçu l’avènement d’une puissance nouvelle issue de l’aliénation de tous les hommes, l’État, qu’il a nommé Léviathan : Marx fait de même et parle du « Moloch » du capital. « La connaissance est devenue force productive immédiate et par suite les conditions du processus vital de la société sont elles-mêmes passées sous le contrôle de l’intellect général » conclut Marx : le capitalisme est ainsi l’avènement de « l’esprit gouverneur » (kubernètikós nóos) platonicien, il est cybernétique — où l’on comprend, non sans effroi, que l’avènement de l’Intelligence Artificielle n’est pas un épiphénomène, mais une lame de fond qui définit le Noocène.
Molysmocène et Thanatocène
Vernadski a le premier mesuré l’impact géologique de l’homme, pour préciser que cet impact était celui de « l’esprit collectif de l’humanité », et avait proposé le concept de noosphère pour le désigner ; il voyait néanmoins aussitôt le problème laissé en suspens : « La pensée n’est pas une forme d’énergie. Comment peut-elle changer le processus matériel ? Cette question n’a pas encore été résolue ». Marx avait résolu la question, en découvrant dans le capital la logique même de la subordination de la force de travail à l’idéalité formelle qui procure à celle-ci une puissance dont elle est dépourvue. La genèse moderne du capitalisme est la massification de la force de travail qui par l’exode rural rassemble des masses de travailleurs, l’abstraction de cette force qui par le salariat la réduit à une quantité de puissance indifférenciée, et l’aliénation de cette puissance qui la met au service d’un dispositif objectif dont l’unité est celle de « l’Intellect général », lui-même constitué par l’abstraction, la formalisation et l’objectivation de la pensée.
Le Noocène est Capitalocène, et Marx — parce qu’il hérite de toute l’histoire de la métaphysique, qu’il s’emploie à démystifier — est celui qui permet de le penser : d’où l’urgence de libérer sa pensée de la gangue idéologique du marxisme qui l’a réduite au minimum syndical, c’est-à-dire à un sociologisme étroit qui n’a compris le capitalisme qu’en terme de rapport de classes. Les inégalités sociales et les rapports d’exploitation sont évidents et obscènes : ils sont pourtant aussi anciens que l’histoire elle-même, leur niveau aujourd’hui comparable à celui qui avait cours sous l’empire romain. Le problème du capitalisme n’est pas celui de l’appropriation privative par la bourgeoisie de la valeur produite par les ouvriers : si le bourgeois s’appropriait cette valeur pour son usage personnel, il ne serait pas capitaliste, il serait juste riche, il ne devient capitaliste que s’il réinjecte continûment cette valeur dans la circulation pour alimenter le perpetuum mobile de l’autovalorisation et se définit précisément par cette fonction. Marx précise à chaque page que le capitaliste n’est que le « fonctionnaire » du capital, il le répète en 1880 quand il découvre consterné dans le Traité d’économie d’Adolph Wagner l’indigence des thèses qu’on lui attribue, et notamment celle selon laquelle les capitalistes « volent » les ouvriers : il rappelle alors que « le profit du capital n’est pas un vol au détriment de l’ouvrier. Le capitaliste est au contraire le fonctionnaire nécessaire de la production capitaliste ». La contribution décisive du bolchevisme au marxisme consiste d’ailleurs à avoir démontré, par voie expérimentale, que l’élimination de la classe dirigeante ne changeait rien, ses fonctions de direction étant aussitôt assumées par d’autres fonctionnaires, en l’occurrence des commissaires politiques, qui n’ont fait que déchaîner le potentiel de destruction inhérent au fonctionnement de l’appareil de production. Bien loin de fonder le capitalisme sur un rapport social, Marx montre tout à l’inverse que les rapports sociaux sont fondés sur des modes de production : ce ne sont pas les capitalistes qui instaurent le capitalisme, c’est le capitalisme qui produit les capitalistes, de même qu’il produit la masse consumériste nécessaire pour écluser la surproduction de ses marchandises. C’est l’offre qui crée la demande, et le passage souhaitable, et souhaité ici même par Christophe Bouton, d’Homo consumens à Homo continens ne peut advenir à moindre frais qu’un dépassement du capitalisme.
Le mode de production redéfinit intégralement le champ social par les fonctions requises par son fonctionnement, ce fonctionnement est celui de l’autovalorisation, c’est-à-dire de l’augmentation de la quantité de valeur, et cette quantité peut toujours être augmentée : c’est pourquoi le capitalisme se développe dans une spirale qui augmente continûment la vitesse de sa rotation, l’ampleur de son emprise et la quantité de valeur produite. Il ouvre donc à une ère de croissance illimitée, que ses fonctionnaires célèbrent et appellent : mais cette croissance est celle de la quantité de valeur, c’est-à-dire d’une entité numérique abstraite, qui élargit sans cesse la bulle spéculative de ce que Marx nommait le « capital fictif », fondé sur la valeur fictive de la monnaie de crédit. Le capitalisme n’a pas pour finalité la production de richesses concrètes et réelles : celles-ci ne sont que des moyens, provisoires et dont l’obsolescence est programmée, pour l’accroissement de la quantité de valeur ; leur destin est celui du déchet. Cinq milliards de tonnes de plastique ont déjà été produites et polluent terres et océans, l’ensemble des plastiques, béton, métaux, résidus d’hydrocarbure, composés chimiques… issu de l’activité humaine dépasse aujourd’hui la totalité de la biomasse terrestre (organismes vivants, plantes, animaux, champignons, microbes…) : l’Anthroposphère est Molysmosphère (du grec molysmós, souillure), le Capitalocène est Molysmocène, ou Poubellien, c’est-à-dire époque des détritus.
Le capitalisme n’est pas un dispositif de production, c’est un dispositif de destruction, qui consume toute réalité pour en retirer l’entité abstraite de la valeur : la question n’est pas celle de la redistribution de la valeur, le problème est celui de la production de cette valeur, parce que cette production est combustion. Marx fait systématiquement l’analogie avec l’alchimie, forme de mystique contemporaine de la genèse du capitalisme en Europe qui entendait transmuer la matière en esprit : le dispositif capitaliste de production est ce gigantesque creuset qui plonge toute réalité dans la cornue du marché pour en retirer le « sublimé » de la valeur pure, il parachève, en l’industrialisant, la dialectique de la sublimation en laquelle Freud a vu la logique même de l’anthropisation.
Le ferment de la sublimation est l’intériorisation de la mort, l’esprit est spectre, l’idéalité pure qui conquiert la toute-puissance n’est autre que le résidu autonomisé d’un travail mort : Marx précise que le capital produit « l’objectivité spectrale » de la valeur, il définit la révolution capitaliste par « cette inversion, cette perversion même du rapport du travail mort au travail vivant » et conclut que son alchimie est un vampirisme : « Le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage » ; le réseau cybernétique contemporain, en imposant l’appareillage de chacun par un appareil mobile de connexion, a réussi à universaliser le parasitage de toute activité humaine, et non plus seulement du travail, par ce milieu spectral qui vit désormais sa vie propre. L’histoire s’est certes toujours définie par la hantise, la religion et le patriotisme ont institutionnalisé la soumission et le sacrifice des vivants au spectre des morts : mais le dispositif capitaliste n’impose plus simplement le renoncement de la puissance vitale à elle-même, il systématise et industrialise le transfert en masse de cette puissance dans l’objectivité morte de la valeur qui ainsi prend vie : « En incorporant la force de travail vivante à l’objectivité morte », écrit Marx dans Le Capital, « le capitaliste transforme de la valeur, c’est-à-dire du travail passé, objectivé, mort, en capital, c’est-à-dire en valeur qui se valorise elle-même, monstre animé qui se met à travailler comme s’il avait le diable au corps ». Ainsi la valeur peut déchaîner toute sa puissance thanatocratique : le Capitalocène est Thanatocène.
L’homme est le mortel : notre époque n’est pas tant le règne de l’homme que celui de la mort qui le définit. L’anthropologie de l’Anthropocène accède ainsi ultimement au niveau métapsychologique qui avait conduit Freud, dans Par-delà le principe de plaisir en 1920, à introduire au cœur de l’appareil psychique la pulsion de mort, compris comme tendance fondamentale de la vie à revenir « à un état ancien, un état de départ que la vie a jadis abandonné et vers lequel elle tend à retourner par tous les détours de l’évolution », pulsion inavouable de « retourner à l’état inorganique », c’est-à-dire nostalgie des âges géologiques et désir de minéralisation. Le Thanatocène est le déchaînement illimité de la pulsion de mort, ce que Freud, contemporain de la Première Guerre mondiale et des totalitarismes, avait pressenti : Malaise dans la civilisation en 1930 se conclut en affirmant que « la question décisive pour le destin de l’espèce humaine » était désormais de savoir s’il était possible de maîtriser « la pulsion humaine d’auto-anéantissement ». Freud notait alors que, « à cet égard, l’époque actuelle mérite peut-être un intérêt tout particulier » : quel que soit le nom que l’on voudra lui donner, notre époque en effet ne manque pas d’intérêt.