Prigogine menace de retirer les combattants de Wagner de Bakhmout le 10 mai

Le chef de la milice Wagner, Evgueni Prigogine, a menacé Moscou vendredi 5 mai de retirer ses combattants de Bakhmout d’ici le 10 mai en raison d’un manque de munitions qui conduirait ses troupes à mourir « de manière absurde ».

• Wagner combat et gagne du terrain à Bakhmout depuis octobre 2022, lorsque l’opération « Bakhmut Meat Grinder  » a été lancée conjointement avec l’armée russe.
• Or, depuis plusieurs mois, le chef de la milice Wagner fait savoir publiquement qu’il considère que ses unités sont délaissées au profit de l’armée régulière, notamment en termes d’approvisionnement en munitions et en appui logistique.
• Dans un communiqué, Prigogine affirme que c’est après avoir pris connaissance du fait que Wagner devrait avoir capturé entièrement Bakhmout d’ici le 9 mai — jour de la fête de la victoire de la Grande Guerre patriotique — que l’état-major russe aurait décidé de priver la milice de « toutes munitions d’artillerie »¹. 

Selon les journalistes de l’agence de presse officielle russe RIA Novosi, Vladimir Poutine aurait pris connaissance de la déclaration du 5 mai de Prigogine « sans faire de commentaire »². Le Kremlin n’a jamais réellement commenté publiquement les prises de parole de Prigogine qui lui étaient adressées en raison de l’inaction de ce dernier malgré des menaces répétées. Cependant, il s’agit de la première fois qu’un tel ultimatum est posé en ces termes accompagné d’une vidéo montrant des combattants de Wagner décédés alignés sur le sol.

Le timing de cette déclaration est critique :

• Selon le chef de Wagner, l’armée ukrainienne ne contrôle plus que 2,64 kilomètres carrés de Bakhmout. Malgré une progression très lente, le contrôle russe de la ville s’est étendu au nord, au sud ainsi qu’au-delà de la rivière Bakhmouta, dans la partie ouest de la ville au cours des derniers mois³.
• Tandis que le 9 mai constitute chaque année un des événements patriotiques majeurs en Russie, au moins 21 villes ont annoncé au 4 mai avoir décidé d’annuler les défilés prévus pour l’occasion⁴ pour : des raisons « de sécurité » (par crainte qu’ils ne soient perturbés par des attaques), pour « ne pas provoquer l’ennemi » à Belgorod, ou bien pour que les militaires en convalescence dans l’oblast de Pskov ne soient pas exposés aux bruits des feux d’artifice (qui sont désormais perçus « très différemment »), et que les fonds alloués pour la célébration puissent être utilisés « pour des produits de première nécessité »⁵.

À Moscou, le défilé est pour le moment maintenu malgré l’attaque de drones ayant visé le Kremlin mercredi 3 mai. Pour Moscou, cette « tentative d’assassinat de Vladimir Poutine » a été orchestrée par l’Ukraine avec l’aide des États-Unis — ce qui a été démenti par Kiev et Washington⁶. Selon l’ISW, l’attaque serait utilisée par le pouvoir russe pour servir de prétexte à l’annulation des défilés militaires, et donc masquer la dégradation de l’armée depuis le lancement de l’invasion. Vladimir Poutine devrait organiser aujourd’hui une réunion du Conseil de sécurité pour discuter de l’incident.

Ces menaces interviennent également dans un contexte de regain d’initiative à Bakhmout de la part de l’armée ukrainienne. Selon plusieurs sources, les forces de Kiev auraient progressé mercredi 3 mai au sud-ouest de la ville, vers le village de Kurdiumivka⁷. Si les gains réalisés sont marginaux et doivent être pris avec précaution en raison du délai nécessaire pour évaluer les progrès réels, ils témoignent toutefois de la résilience des forces ukrainiennes à Bakhmout et de la vulnérabilité du dispositif russe dans l’éventualité d’un retrait de la milice.