En lançant l’initiative Bridgetown en amont de la COP 27, la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, avait appelé à une réforme des principales institutions financières internationales — Banque mondiale et FMI — visant à donner les capacités à ces dernières de fournir aux pays en développement des financements suffisants pour lutter contre le changement climatique tout en continuant à investir dans leur propre croissance et développement.
En octobre, OIaf Scholz a annoncé que l’Allemagne, les États-Unis et d’autres pays (qui représentent plus de la moitié des actionnaires de la banque et regroupent notamment les membres du G7) avaient proposé « une série d’approches de réforme afin que la Banque mondiale soit mieux armée pour relever les futurs défis mondiaux »1.
- Le constat de l’inefficacité de la Banque face à l’ampleur de ces derniers — dont les décaissements de fonds prennent en moyenne 465 jours et qui est en retard par rapport aux autres banques multilatérales de développement concernant la part de ses financements consacrée aux projets climatiques2 — est également partagé par les pays en voie de développement, qui demandent une augmentation du capital de l’institution afin d’accroître ses capacités de prêts sans nuire à la notation de ses émissions.
- Des critiques visant l’institution ont commencé à émerger après que son président, David Malpass — dont la démission est attendue fin juin —, ait laissé entendre à plusieurs reprises qu’il avait des doutes quant aux causes et conséquences du changement climatique3.
- Le conseiller spécial du Secrétaire général pour l’action climatique et une transition juste des Nations unies, Selwin Hart, avait alors accusé la Banque mondiale — et les « grandes banques » d’une manière générale — d’être trop passifs tandis que « le monde en développement brûle »4.
Mercredi 12 avril, au cours des réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, Malpass a annoncé que les pays membres étaient parvenus à un accord sur des mesures qui permettront notamment « d’ajouter jusqu’à 50 milliards de dollars aux capacités de prêts de la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement, dont les services financiers sont destinés aux pays à revenus intermédiaires) au cours des dix prochaines années »5. Ce renforcement des capacités de prêts de l’institution correspond à une augmentation de 15 % par rapport aux niveaux de financement actuels de la BIRD (à raison de 5 milliards de dollars par an).
Malgré ces premiers efforts, le Comité de développement de la Banque a prévenu que cet accroissement des capacités de prêts de l’institution « ne sera pas suffisant par rapport aux vastes besoins des pays clients »6.
- En outre, le comité de pilotage de l’institution plaide pour une augmentation du capital de la Banque qui seul permettrait d’élargir les capacités d’aide aux pays à revenus faibles et intermédiaire pour faire face au changement climatique tout en continuant à investir dans la lutte contre la pauvreté — ce que Washington et les autorités européennes sont réticents à accorder.
- L’épineuse question d’une augmentation du capital de l’institution est défendue par les pays en développement qui considèrent que celle-ci pourrait « être un moyen de tirer parti des ressources disponibles et le signe le plus clair d’un soutien solide de la part des actionnaires », comme l’ont écrit dans Project Syndicate trois directeurs exécutifs de l’institution représentant 41 pays asiatiques, africains et sud-américains7.
- Ces derniers revendiquent également que les pays riches « respectent leurs engagements existants » en matière de financements climatiques, comme la promesse faite en 2009 lors de la COP de Copenhague visant à soutenir les pays en développement dans la lutte contre le réchauffement de la planète.
Ainsi, certains pays en développement craignent que renforcer les moyens de la Banque pour lutter contre le réchauffement climatique ne se fasse au détriment des pays les plus pauvres, notamment en « orientant des capitaux indispensables vers des pays comparativement plus riches » ou bien en réduisant en proportion les financements destinés à lutter contre la pauvreté8. Le candidat de la Maison-Blanche pour succéder à Malpass à la tête de l’institution, Ajay Banga (ancien PDG de Mastercard), considère quant à lui d’autres solutions, comme revoir l’importance accordée au système de classification des revenus qui empêchent certains pays membres d’accéder à financements moins coûteux.
Sources
- Schulze : „Weltbank muss sich umbauen für globale Zukunftsherausforderungen“, Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, 12 octobre 2022.
- « A vital moment for World Bank reform », Comité éditorial, Financial Times, 22 février 2023.
- David Gelles et Alan Rappeport, « World Bank Leader, Accused of Climate Denial, Offers a New Response », The New York Times, 22 septembre 2022.
- Valerie Volcovici and Kate Abnett, « World Bank’s Malpass faces calls to resign after climate change doubts », Reuters, 22 septembre 2022.
- Development Committee Meeting Opening Remarks by World Bank Group President David Malpass, Banque mondiale, 12 avril 2023.
- Evolution of the World Bank Group : A Report to Governors, Comité de développement de la Banque mondiale, 12 avril 2023.
- Wempi Saputra, Erivaldo Alfredo Gomes et Abdoul Salam Bello, « The World Bank in a New World », Project Syndicate, 13 avril 2023.
- Zack Colman et Ben White, « The climate change debate dividing the World Bank », Politico, 14 avril 2023.