Les élections législatives estoniennes du 5 mars 2023 renouvelleront les 101 sièges qui composent le Riigikogu, le parlement monocaméral du pays. La Première ministre et présidente du Parti de la réforme (premier parti au sein de la coalition au pouvoir avec 34 sièges au Parlement), Kaja Kallas, que nous avions interrogée dans ces colonnes, n’est au pouvoir que depuis janvier 2021 et espère conserver sa majorité afin de briguer un nouveau mandat.

  • Le Parti de la réforme (Renew) est la principale formation politique estonienne depuis les élections de 2007, lorsque le parti avait obtenu 27,8 % des suffrages.
  • À la suite du scandale ayant poussé le Premier ministre Jüri Ratas (Parti du centre, ou EK) a démissionner en janvier 2021, l’actuelle Première ministre Kallas est arrivée au pouvoir à la tête d’une coalition incluant le Parti du centre.
  • Celle-ci s’est toutefois effondrée en juin 2022 après l’exclusion du gouvernement de sept ministres EK, aboutissant à la formation d’une coalition regroupant le Parti social-démocrate (SDE) et la formation conservatrice de centre-droit Isamaa.

Le parti de la Première ministre est crédité d’environ 28 % des intentions de vote, et devrait arriver en tête des élections devant le Parti populaire conservateur (18 %) et le Parti du centre (14 %), selon les derniers sondages1. Malgré cette avance, il n’est pas garanti que Kaja Kallas parvienne à former une coalition, tandis qu’une alliance entre le Parti populaire conservateur (EKRE) et le Parti du centre pourrait conduire à l’arrivée au pouvoir d’un Premier ministre plus réservé sur le niveau d’assistance à porter à l’Ukraine2.

Au-delà des enjeux de politique intérieure, ce sont principalement les questions liées à la guerre qui dominent les débats.

  • L’Estonie est le pays qui consacre la part la plus importante de son PIB à l’assistance apportée à l’Ukraine, mais également la plus grande part de ses dépenses de défense annuelles à l’aide militaire à Kyiv (42,71 %).
  • 67 601 des plus de 2,5 millions de réfugiés ukrainiens ayant fui leur pays depuis février 2022 sont venus se réfugier en Estonie, ce qui représente aujourd’hui plus de 5 % de la population totale du pays balte.
  • À titre de comparaison, les réfugiés ukrainiens arrivés en Pologne — le pays européen en ayant accueilli le plus depuis le début de l’invasion — y représentent 4,12 % de la population.

Bien qu’il existe un relatif consensus parmi les formations politiques estoniennes sur le soutien à apporter à l’Ukraine contre l’invasion russe, le coût de l’accueil des réfugiés ukrainiens — estimé à 170 millions d’euros par le Kiel Institute entre janvier 2022 et 2023 (ce qui représente environ la moitié des dépenses en assistance militaire du pays) — est utilisé par le Parti populaire conservateur (EKRE) comme une explication à l’augmentation du coût de la vie et de la concurrence sur le marché du travail3.

Malgré une baisse de 7 % depuis le sommet atteint en août 2022, l’inflation était encore de 18,6 % en Estonie au mois de janvier 2023, soit largement supérieure à la moyenne européenne (10 %).

  • Lors d’un débat radiophonique qui l’opposait à Kaja Kallas, le président du parti nationaliste EKRE, Martin Helme, a déclaré qu’il cesserait « d’accepter les réfugiés ukrainiens en aussi grand nombre » s’il était Premier ministre4.
  • Bien qu’EKRE ne figure qu’en deuxième position en termes d’intentions de vote, la formation de Helme cherche à conquérir l’électorat russophone — malgré la position anti-russe tenue par le parti dans le passé.
  • Ce groupe, qui représente environ 25 % de la population et dont le vote allait traditionnellement au Parti du centre, a toutefois un taux d’abstention plus élevé que la moyenne nationale. Selon la politologue Mari-Liis Jakobson, l’abstention devrait être encore plus élevée cette année parmi les russophones en raison d’un manque de confiance dans les partis en lice5.
Sources
  1. Estonia — 2023 general election, Politico Poll of Polls.
  2. Charlie Duxbury, « Ukraine’s Estonian ally Kaja Kallas faces reelection battle », Politico, 1er mars 2023.
  3. « Estonia torn over Ukraine aid as elections loom », France24, 2 mars 2023.
  4. Mirko Ojakivi et Arp Muller, « Helme massiimmigratsioonist : üle minu laiba », Eesti Rahvusringhääling, 23 février 2023.
  5. David Mac Dougall, « Your quick and easy guide to Estonia’s general election », Euronews, 1er mars 2023.