La Serbie est l’un des rares pays situé au cœur de l’Europe dont l’opinion publique est majoritairement en faveur de la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. 

  • Selon le dernier Eurobaromètre publié le 23 février, 76 % des citoyens européens considèrent que l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue une menace pour la sécurité de leur pays.
  • La part des répondants en accord avec cette affirmation est la plus faible à Chypre (51 %), et la plus élevée en Pologne (90 %).
  • En juin 2022, plus de 3 mois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, 40 % des Serbes considéraient toujours la Russie comme étant leur partenaire « le plus important » en matière de politique étrangère, devant l’Union (30 %), suivie de la Chine (24 %).

De la même manière, Vladimir Poutine est le dirigeant étranger le plus apprécié en Serbie (45 % des sondés ayant une bonne opinion de lui), loin devant Xi Jinping (12 %), Emmanuel Macron (11 %) ou Olaf Scholz (5 %). Lorsqu’il leur a été demandé quel acteur est-ce qu’ils considéraient « responsable » de la guerre 54 % ont répondu « l’OTAN », contre seulement 7 % pour la Russie1.

Depuis le début de la guerre, la Serbie a su jouer sur les deux tableaux, refusant de condamner la Russie tout en continuant à se diriger vers l’intégration européenne.

  • Belgrade continue d’accueillir un nombre important de touristes russes qui se rendent en Serbie pour profiter de l’accès sans visa et pour échapper à la mobilisation2.
  • La Russie continue à apporter son soutien au président serbe Aleksandar Vučić pour résoudre la « question du Kosovo », comme réitéré le 14 février par l’intermédiaire de l’ambassadeur russe à Belgrade en amont de la fête nationale serbe3.
  • La Russie demeure l’un des principaux partenaires commerciaux de la Serbie (toutefois derrière l’Allemagne, la Chine, l’Italie et la Hongrie). Le montant des importations de biens russes a considérablement augmenté en 2022, représentant 7,5 % du total des importations serbes l’an dernier contre 5,3 % en 2021.

Alors que la Serbie semble avancer sur le chemin de l’intégration européenne, des frictions avec la Russie pourraient apparaître. Le 27 février, le président serbe a rencontré le Premier ministre du Kosovo Albin Kurti à Bruxelles à l’occasion d’un dialogue au cours duquel les deux dirigeants sont parvenus à un accord de principe sur la normalisation de leur relation4. Si celui-ci n’implique pas de progrès majeurs dans la relation entre Belgrade et Pristina, il témoigne néanmoins d’un pas en avant et devrait permettre — lorsqu’il sera signé — la reconnaissance des documents officiels émis par le Kosovo (passeports, diplômes, plaques d’immatriculation…)

Vučić s’est également exprimé sur les actions de Wagner en Serbie ainsi que sur la relation avec l’Union et la Russie.

  • Le président serbe a notamment déclaré que les Serbes ayant été recrutés pour combattre en Ukraine (au sein de Wagner) « vont être arrêtés à leur retour », conformément aux lois en vigueur interdisant aux citoyens serbes de combattre à l’étranger5.
  • Le chef d’un parti d’extrême-droite (Narodna Patrola) pro-Russie et proche du groupe Wagner, Damjan Knezevic, a quant à lui été arrêté à Belgrade le 16 février après l’organisation d’un défilé arborant la lettre « Z » (le symbole du soutien à la guerre russe contre l’Ukraine) ainsi que des drapeaux russes.
  • Vučić a laissé entendre que Narodna Patrola recevait des financements de l’étranger (potentiellement de la Russie), avant de déclarer qu’il ne permettrait pas que des « voyous et des extrémistes menacent l’ordre constitutionnel »6. Dans l’allocution prononcée le 13 février par Maia Sandu, la président moldave mettait en garde contre les plans de « subversion » russes en Moldavie par l’entrée sur le territoire moldave de citoyens russes, biélorusses mais également serbes et monténégrins.

L’éloignement vis-à-vis de la Russie se traduit également sur le plan militaire. En avril dernier, Vučić annonçait être en discussion avec la France pour l’achat d’au moins 12 avions Rafale7. La Serbie, qui ne possède que des chasseurs de fabrication russe MiG-29, a de plus en plus de mal à trouver des pièces de rechange depuis l’invasion de l’Ukraine, dont l’usage est réservé en priorité à l’armée russe.

Sources
  1. Spoljno-političke orijentacije građana Srbije, Demostat, 29 juin 2022.
  2. Dimitar Bechev, « Hedging Its Bets : Serbia Between Russia and the EU », Carnegie Europe, 19 janvier 2023.
  3. « Putin to Vucic : Moscow supports Belgrade », N1info, 14 février 2023.
  4. Belgrade-Pristina Dialogue : Press remarks by High Representative Josep Borrell after High-Level Meeting with President Vučić and Prime Minister Kurti, Service d’Action Extérieure de l’Union européenne, 27 février 2023.
  5. Jamie Dettmer, « Serbia’s Vučić faces a tough choice », Politico, 1er mars 2023.
  6. « Serbian Far-Right Leader Arrested After Nationalists Try To Storm Presidency In Belgrade », RadioFreeEurope, 16 février 2023.
  7. Misha Savic, « Serbia Eyes French Fighter Jets in Move Away From Russian Planes », Bloomberg, 10 avril 2022.