L’Institut national électoral (INE) mexicain est une agence indépendante chargée de l’organisation ainsi que de la supervision des élections fédérales. L’INE a remplacé en 2014 l’Institut fédéral électoral (IFE), mis en place en 1990 suite aux élections fédérales frauduleuses de 1988 — les dernières supervisées par la Commission électorale fédérale, rattachée au secrétariat à l’Intérieur1.

Selon V-Dem, les élections fédérales mexicaines sont devenues de plus en plus libres et équitables au fil du XXe siècle, et sont désormais à un niveau similaire à n’importe quelle démocratie libre.

  • Le Mexique figure en 69ème position des pays au sein desquelles les élections sont les plus justes et équitables, et à la 10ème place parmi les pays du continent américain (entre l’Équateur et la Bolivie).

Mercredi 22 février, le Sénat mexicain a adopté une loi (à 72 voix pour et 50 contre) visant à réduire les pouvoirs et le budget de l’INE de près d’un tiers.

  • Selon le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, cette réduction de dépenses représentera 150 millions de dollars par an — soit à peine 0,1 % du budget fédéral annuel.
  • Pour ce dernier, les directeurs de l’agence seraient « corrompus « et « au service » de ses adversaires politiques2.
  • Les coupes budgétaires devraient également entraîner une réduction de 85 % du personnel technique.

Selon le chercheur à Human Rights Watch Tyler Mattiace, cette loi facilitera le maintien au pouvoir du parti présidentiel, qui se verra désormais doté d’une plus grande marge de manœuvre relative à l’application des règles électorales3.

  • L’INE ne pourra désormais plus suspendre des candidats mais seulement appliquer une amende, le personnel et bureaux de l’agence ne seront plus répartis selon la population (la ville de Mexico pourrait ainsi se retrouver dotée de seulement 4 agents, contre 100 actuellement) et les bureaux d’inscription des électeurs devront être placés dans des locaux appartement au gouvernement4.

AMLO pourrait chercher à favoriser l’accès au pouvoir d’un de ses alliés lors de la prochaine élection présidentielle de 2024.

  • Le parti du président mexicain — le Mouvement de régénération nationale, ou MORENA — est largement en tête dans les intentions de vote en vue des élections de l’an prochain, selon un sondage conduit en novembre 2022 par le quotidien El Universal5.
  • AMLO a toujours été critique de l’INE, particulièrement depuis qu’il a perdu de justesse l’élection présidentielle de 2006 contre Felipe Calderón. Après sa défaite, il avait occupé la place de la Constitution de Mexico avec des milliers de ses partisans pour protester contre le résultat6.
  • Hier, c’est sur cette même place que plus de 100 000 manifestants se sont rassemblés pour s’opposer à la loi susceptible de compromettre l’intégrité des prochaines élections fédérales7.

La Cour suprême mexicaine devrait donner son avis dans les prochains mois. Dans l’attente, les juges des tribunaux fédéraux — qui devraient être saisis par l’opposition ainsi que des groupes représentant la société civile — ont le pouvoir de suspendre l’application des lois contestées8.

Sources
  1. Francisco Cantú, « The Fingerprints of Fraud : Evidence from Mexico’s 1988 Presidential Election », American Political Science Review, 2019, 113(3), p. 710-726.
  2. Juan Montes, « Mexican Legislators Vote to Cut Election Agency’s Budget and Staff », The Wall Street Journal, 22 février 2023.
  3. Christine Murray et Michael Stott, « Mexico law targets elections watchdog », Financial Times, 23 février 2023.
  4. Fil de Tyler Mattiace, 26 février 2023, Twitter.
  5. Jorge Buendía « Sheinbaum, Paredes, Lilly Téllez y Colosio lideran en sus partidos rumbo a 2024 : Encuesta », El Universal, 29 novembre 2022.
  6. Jo Tuckman, « Failed Mexican presidential candidate sets up protest camp », The Guardian, 3 août 2006.
  7. Jose Orozco, « Mexicanos marchan en contra de la reforma electoral de AMLO », Bloomberg Línea, 26 février 2023.
  8. Juan Montes, « Mexican Legislators Vote to Cut Election Agency’s Budget and Staff », The Wall Street Journal, 22 février 2023.