Le 25 décembre 2022, la Commission nationale de la santé chinoise a mis fin à ses publications quotidiennes recensant le nombre de décès liés au Covid. De décembre jusqu’à la réouverture des frontières chinoises le 8 janvier 2023 — puis avec Macao et Hong Kong début février —, Pékin a progressivement mis fin à sa politique de « zéro-Covid ».

Pékin continue de recenser très peu de décès liés au Covid : 83 150 au 9 février, et ce malgré plusieurs déclarations de hauts responsables du Parti qui font douter de la véracité de ces chiffres.

  • Sur la période du 1er au 20 décembre, selon le procès-verbal d’une réunion à huis clos de la Commission nationale de la santé chinoise du 21 décembre, le nombre cumulé d’infections en Chine aurait atteint 248 millions de cas, soit 17,56 % de la population totale.
  • Fin janvier, Wu Zunyou, l’épidémiologiste en chef du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, avait déclaré sur Weibo que la «  vague d’épidémie actuelle avait déjà infecté environ 80 % de la population ».

Quatre modèles statistiques réalisés par des équipes de chercheurs associés à des universités occidentales et chinoises convergent vers des estimations similaires, toutes largement supérieures au bilan officiel.

  • Des calculs reposant sur les données de l’épidémie de Shanghai (février jusqu’à août 2022) permettent d’estimer que le virus aurait provoqué la mort d’1,6 millions de personnes à l’échelle nationale. Cette modélisation repose sur plusieurs hypothèses portant sur le nombre de lits d’unités de soins intensifs disponibles, la disponibilité de vaccins supplémentaires ou bien la distribution de traitements1.
  • Plus récemment, des chercheurs de l’université de Hong Kong ont publié une étude estimant que le bilan se situerait entre 800 000 et 1,1 millions en comparant les décès liés au coronavirus par groupe d’âges dans d’autres pays. Leur modélisation prend également en compte l’amplification de la propagation du virus liée aux déplacements de la période du Nouvel An chinois, qui pourrait avoir conduit à la mort de 970 000 personnes2.
  • L’étude des chiffres de contaminations permet, en intégrant le pic de l’épidémie, les taux de mortalité estimés ainsi que l’effet des vaccinations, d’arriver à un bilan situé entre 1,2 et 1,7 millions de décès.
  • Le dernier modèle part du taux de mortalité lié au Covid aux États-Unis (0,15 %, soit 1 personne sur 650). En prenant en compte une estimation — plutôt conservatrice — considérant que 40 à 65 % de la population chinoise aurait été infectée, le Covid pourrait avoir causé la mort de 900 000 à 1,4 million d’individus en Chine3.

Les chiffres officiels du gouvernement donnent à la Chine un faible taux de mortalité par habitant (6 décès pour 100 000 personnes), très loin derrière la plupart des pays développés. La fourchette haute reposant sur les estimations ci-dessus indique que le taux de mortalité chinois serait en réalité de 110 décès pour 100 000 habitants, soit bien plus que Taïwan (70), la Corée du Sud (65), le Japon (55) ou Singapour (30).

Depuis décembre, la stratégie de Pékin consiste à ne pas communiquer de chiffres et à multiplier les déclarations rassurantes de personnalités publiques sur les réseaux sociaux. Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times — journal contrôlé par le Parti —, a notamment déclaré fin janvier sur son Weibo (suivi par 25 millions de personnes) que « le virus est parti… Dieu bénisse la Chine »4. Ces prises de parole contribuent à la relativisation par l’opinion publique des conséquences réelles de la pandémie.

Sources
  1. Cai, J., Deng, X., Yang, J. et al., « Modeling transmission of SARS-CoV-2 Omicron in China », Nat Med, 28, 1468–1475 (2022).
  2. Kathy Leung, Gabriel M. Leung et Joseph T. Wu, « Modeling the adjustment of COVID-19 response and exit from dynamic zero-COVID in China », MedRxiv, 14 décembre 2022.
  3. James Glanz, Mara Hvistendahl et Agnes Chang, « How Deadly Was China’s Covid Wave ? », The New York Times, 15 février 2023.
  4. Fil Weibo de Hu Xijin.