Ce rapport de l’OCDE 1 vient compléter un champ d’étude ouvert en 2008 par un article pionnier qui identifiait pour la première fois plusieurs points de basculement susceptibles d’être franchis lorsqu’un seuil de température est passé, dont l’effondrement des calottes polaires et la disparition de la circulation méridienne de retournement atlantique 2.
- Une étude parue dans Science en septembre dernier avait réévalué les points déjà identifiés 3. Selon les auteurs, cinq points de basculement ont peut-être déjà été franchis et six autres deviennent probables dans la fourchette prévue par l’Accord de Paris, qui fixe comme objectif de limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C et de préférence à 1.5°C par rapport aux niveaux préindustriels.
- La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1.1 °C. Le dégel des permafrosts des régions boréales et australes et la mort des coraux à basse-latitude sont ainsi déjà possibles.
Les dynamiques entre points de basculement rendent possibles des réactions en chaîne, un premier point franchi causant le franchissement d’un autre.
- La fonte des calottes glaciaires polaires est le principal agent susceptible d’initier d’autres changements, en particulier la disparition de la circulation méridienne de retournement atlantique.
- Celle-ci réduirait à son tour les cycles de mousson aux faibles latitudes et les précipitations dans l’hémisphère Nord, produisant des sécheresses et contribuant à une baisse générale de la température de plusieurs degrés.
- Ces changements diminueraient significativement les rendements agricoles. Si la culture du riz gagnerait en terres utilisables, celles du maïs et du blé perdraient plus de la moitié des leurs, mettant en péril la sécurité alimentaire mondiale.
- L’amenuisement des précipitations en Amazonie transformerait, à terme, la région en un « écosystème de savane », compromettant son rôle de puits de carbone.
Le réchauffement climatique affecte déjà la cryosphère, soit les banquises, inlandsis, glaciers et permafrosts.
- Entre 1992 et 2020, on estime que l’inlandsis groenlandais a perdu environ 4900 Gt de glace, avec une fonte qui a doublé entre 2007 et 2016 par rapport à 1997-2006. La perte totale de glace pour l’inlandsis de l’Antarctique au cours de la même période est quant à elle estimée à environ 2700 Gt.
- Le réchauffement des calottes glaciaires étant un processus particulièrement lent, leur désintégration complète est possible même si les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont entièrement stoppées.
- Quand bien même le réchauffement serait limité à 2°C ou 3°C par rapport aux niveaux pré-industriels, les calottes glaciaires pourraient disparaître de manière irréversible.
- On estime que la cryosphère dans son ensemble — et principalement la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique — a contribué à hauteur de 45 % à l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale depuis le début des années 1990.
Les pergélisols piégeant une masse considérable de gaz à effet de serre, leur fonte pourrait quant à elle compromettre le respect des engagements climatiques.
- La quantité totale de carbone bloquée dans la région septentrionale du pergélisol est estimée à environ 1 700 Gt, soit près de deux fois plus que le carbone actuellement stocké dans l’atmosphère.
- Par comparaison, les budgets carbone restants pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5°C et 2°C sont respectivement de 400 et 1150 Gt de CO₂.
Au niveau mondial, les émissions de GES ont continué à augmenter depuis 1990 dans tous les principaux secteurs de l’économie. En outre, les trajectoires d’émissions conformes aux politiques actuelles ne sont pas en passe de respecter les engagements pris, et conduiraient à une augmentation de la température d’environ 2,7°C d’ici la fin du siècle.
Sources
- Climate Tipping Points. Insights for Effective Policy Action, OCDE, décembre 2022.
- Lenton, T. M., Held, H., Kriegler, E., Hall, J. W., Lucht, W., Rahmstorf, S., & Schellnhuber, H. J. (2008), « Tipping elements in the Earth’s climate system », Proceedings of the National Academy of Sciences, 105(6), 1786-1793.
- Armstrong McKay, David I., Staal, Arie, Abrams, Jesse F., et al., « Exceeding 1.5° C global warming could trigger multiple climate tipping points », Science, 2022, vol. 377, n°6611.