Disponible début 2023 au format papier — et dès aujourd’hui en précommande —, le numéro 3 de la BLUE contiendra le résumé complet de l’année électorale 2022 sous la plume des meilleurs experts européens, accompagné d’analyses des données électorales. Les cartes et graphiques récapitulatifs de l’ensemble des élections de l’année sont d’ores et déjà disponibles en ligne, ainsi que les analyses des élections du premier semestre 2022.

Cet article est le premier volet d’un diptyque qui revient sur l’année politique 2022 en Europe. Mois par mois, la rédaction des Bulletins des élections de l’Union européenne (BLUE) vous propose de revivre les événements marquants de cette année au travers de ses principaux rendez-vous électoraux. 

Plutôt qu’une série d’analyses nationales, nous vous proposons un passage en revue des différentes compétitions électorales famille politique par famille politique, en classant les partis européens selon leur groupe au Parlement européen. Dans ce premier volet, nous nous intéressons aux partis de la gauche et du centre-gauche européens, qui composent les groupes de la Gauche (GUE/NGL, gauche radicale), de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D, sociaux-démocrates) et des Verts/Alliance libre européenne (écologistes et régionalistes).

Janvier : le triomphe d’António Costa

Dans l’incapacité de faire voter son budget, le gouvernement minoritaire du socialiste portugais António Costa, au pouvoir depuis 2015, faisait face le 30 janvier 2022 à des élections anticipées. Les opinions positives sur sa gestion de la pandémie de Covid-19, mais aussi la faiblesse des oppositions — une gauche radicale peu disposée aux compromis faisant face à un centre-droit en déficit de crédibilité — ont finalement assuré à António Costa une victoire historique. 

Avec 41,4 % des voix (+5,2 pp), le Parti socialiste (PS) du Premier ministre sortant remporte 120 sièges (+12), soit la majorité absolue de l’Assemblée de la République qui en compte 230. Il s’agit seulement de la deuxième majorité absolue obtenue par le PS depuis le retour de la démocratie, et de son deuxième meilleur résultat historique. Dans le même temps, les partis des groupes GUE/NGL et Verts ont quant à eux subi d’importants revers : le Bloc de gauche (BE, GUE/NGL) a vu sa part électorale divisée par deux (4,4 %, -5,1 pp) et son nombre d’élus par trois (12, -5) ; la Coalition démocratique unitaire (CDU, GUE/NGL) a également subi d’importantes pertes (4,3 %, -2,0 pp), ne conservant que 6 députés sur 12 ; quant aux partis écologistes PAN (1,6, -1,7 pp) et LIVRE (1,3, +0,2 pp), ils ne disposent que d’un député chacun. Si, au total, l’ensemble des partis de gauche et de centre-gauche perd donc des sièges, la majorité absolue emportée par António Costa donne aux Socialistes une marge de manœuvre plus importante pour gouverner lors de la législature à venir – et confirme l’exceptionnelle popularité du chef de gouvernement portugais.

Lire l’analyse de Marco Lisi, professeur à l’Université NOVA de Lisbonne, dans BLUE.

Février : en Castille-et-León, les Socialistes seconds et les régionalistes en croissance

Arrivé en tête en 2019 pour la seconde fois de son histoire dans cette Communauté autonome marquée à droite, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a échoué à conserver sa première place aux élections régionales de février. 

Le Parti populaire (PP, PPE) remporte cependant une victoire fragile, qui le contraint à une alliance avec l’extrême-droite de Vox. Dans le même temps, l’élection régionale a vu une forte croissance des formations régionalistes issues du mouvement de l’« Espagne vide » (España vacía). L’Union du peuple léonais (UPL), Pour Ávila (XAL) et Soria ¡Ya ! (SY) ont emporté un total de sept sièges, contre seulement deux lors de la précédente législature.

Lire l’analyse de Luís Mena Martínez, professeur à l’Université de Salamanque, dans BLUE.

Mars : nouvelles majorités absolues pour les sociaux-démocrates à Malte et en Sarre

Les 26 et 27 mars 2022, les sociaux-démocrates européens ont remporté coup sur coup deux majorités absolues dans deux bastions historiques. D’abord à Malte, plus petit État de l’Union, où le Parti travailliste (PL, S&D) a confirmé sa majorité absolue (55 %, =). Malgré les scandales de corruption et une participation en forte baisse, Robert Abela, nommé Premier ministre en 2020 après la démission de son collègue Joseph Muscat, a donc aisément été reconduit à son poste. Le demain, c’est en Sarre, plus petit État allemand (environ deux fois plus peuplé que Malte) que les sociaux-démocrates ont empoché une victoire historique : en tête dans toutes les communes du Land, le parti dirigé par la très populaire Anke Rehlinger a remporté 43,5 % des voix (+13,9 pp) et la majorité absolue des sièges (29 sur 51).

Ce faisant, il a mis fin à une décennie de Grandes coalitions entre sociaux-démocrates et conservateurs et pourra ainsi gouverner seul pendant les cinq prochaines années. Ce succès s’effectue en partie aux dépens d’une autre formation historique de la gauche sarroise : die Linke (GUE/NGL), gravement fragilisée par le départ de son leader historique Oskar Lafontaine, voit ses scores s’effondrer à 2,6 %, contre 12,8 % lors de l’élection précédente, et perd ainsi toute représentation parlementaire dans son unique bastion historique à l’Ouest. Quant aux Verts, avec 4,995 % des suffrages (+ 1,0 pp), ils échouent pour seulement 23 voix ( !) à entrer au parlement du Land.

Lire l’analyse de Mark Harwood, professeur à l’Université de Malte, et celle de Marius Minas, chercheur à l’Université de Trèves, dans BLUE.

Avril : en Hongrie, en France et en Slovénie, la gauche au troisième rang

Après un premier trimestre marqué par des bons résultats, le mois d’avril voit les partis de gauche subir trois défaites successives dans des configurations politiques différentes : d’abord en Hongrie, le 3 avril, où la coalition plurielle des oppositions soutenus par les principales formations sociales-démocrates et écologistes échoue très largement à priver Viktor Orbán de sa majorité parlementaire ; puis en France, le 10 avril, où le premier candidat de gauche, Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise, GUE/NGL), n’arrive qu’en troisième position derrière Emmanuel Macron (LREM, RE) et Marine le Pen (RN, ID), ne parvenant pas à se hisser au second tour. Enfin en Slovénie, le 24 avril, où les formations de gauche accusent un net recul, alors que Robert Golob (Liberté, RE) s’impose devant le Parti démocratique slovène (SDS, PPE) de l’ancien premier ministre populiste Janez Janša.

Dans les trois cas, cependant, la défaite des différentes formations socialistes, sociales-démocrates et écologistes, est loin de constituer un échec total pour les partis de gauche ou spécifique à ces derniers. En Hongrie, la majorité absolue de Viktor Orbán est un échec pour toutes les oppositions, menées par le conservateur Péter Márki-Zay. En France, la part de voix cumulée des trois groupes est en hausse au premier tour par rapport à l’élection de 2017, et celle des GUE/NGL (représentés par Jean-Luc Mélenchon et le candidat communiste Fabien Roussel) dépasse même celle de Marine Le Pen. Les votes de gauche se sont massivement portés vers la gauche radicale, alors que le PS (S&D) d’Anne Hidalgo remportait 1,7 % des suffrages (-4,6 pp), et les Verts de Yannick Jadot 4,6 %. C’est d’abord la division des électorats qui a mené à un second tour opposant le centre-droit à l’extrême droite.

Enfin, en Slovénie, la chute des Sociaux-Démocrates (SD, S&D), à 6,7 % (-3,2 pp) et celle de Levica (GUE/NGL), à 4,5 % (-4,9 pp), s’inscrit dans un contexte de vote tactique en faveur du nouveau parti Liberté, qui incarne l’aile gauche du mouvement libéral européen. Golob a ensuite conclu un accord de gouvernement avec les SD et Levica, mettant fin au gouvernement de Janša et recentrant vers la gauche l’équilibre du pouvoir en Slovénie.

Lire l’analyse d’Eszter Farkas, doctorante à l’Université d’Europe Centrale, celle d’Anne-France Taiclet, maîtresse de conférences à l’Université Paris-I, et celle de Marko Lovec, professeur associé à l’Université de Ljubljana, dans BLUE.

Mai : défaites du SPD et succès des Verts en Allemagne du Nord

En mai, deux élections régionales organisées dans le Nord de l’Allemagne ont vu les Verts remporter des gains importants, tandis que le SPD (S&D) voyait sa part de voix reculer et que Die Linke échouait à entrer au Parlement. En Schleswig-Holstein, à la frontière danoise, les Verts se sont classés seconds avec 18,3 % (+5,4 pp), tandis que le SPD voyait son score s’écrouler à 16 % (-11,3 pp). Les Verts ont connu des gains encore plus importants en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Land le plus peuplé d’Allemagne, où ils ont obtenu 18,2 % (+11,8 pp), contre 26,7 % (-4,6 pp) pour le SPD.

Dans les deux régions, les conservateurs de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), arrivés en tête, ont choisi de former un gouvernement de coalition avec les Verts. Par les électorats très différents qu’elle allie, l’alliance noire-verte est en passe de s’imposer comme solution de compromis par excellence dans le paysage politique allemand et autrichien.

Lire l’analyse d’Oliver Drewes, chercheur à l’Université de Trèves, et celle de Constantin Wurthmann, chercheur au GESIS, dans BLUE.

Juin : la revanche de Mélenchon

Les élections législatives des 12 et 19 juin 2022 étaient attendues comme une revanche par une grande partie de la gauche française. La Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), alliance électorale forgée autour de La France Insoumise (GUE/NGL), avait mis en scène les élections de juin comme un « troisième tour » visant à faire « élire Premier ministre » leur chef de file, Jean-Luc Mélenchon. Certes, ce pari a été perdu. Pourtant, avec 131 élus (+74), la NUPES a remporté le deuxième plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale, auxquels s’ajoutent 22 autres élus (+11) marqués à gauche.

La victoire des candidats de gauche a notamment été nette dans les outre-mers, dans de nombreuses communes populaires des grandes métropoles (Seine-Saint-Denis) ainsi que dans certaines régions plus rurales du sud-ouest du pays. S’y ajoutent 10 sièges remportés par des candidats régionalistes ou indépendantistes — 3 corses, un breton, 3 polynésiens, et 4 issus des autres outre-mers — dont les quatre premiers représentent un parti de l’Alliance libre européenne. Dans une Assemblée où le gouvernement du parti Renaissance d’Emmanuel Macron (RE) est désormais minoritaire, le rôle parlementaire de la NUPES est central dans la législature.

Lire l’analyse d’Anne-France Taiclet, maîtresse de conférences à l’Université Paris-I, dans BLUE.

Juillet et août : relâche

Pas d’élections pendant l’été.

Septembre : échecs en Suède et en Italie

En Suède comme en Italie, les coalitions de centre-gauche à dominante sociale-démocrate sont une figure courante du paysage politique, et constituent la principale option « progressiste » pour la formation de coalitions gouvernementales. Or, malgré des résultats honorables, les coalitions de centre-gauche ont échoué à s’imposer dans ces deux États les 11 et 25 septembre 2022, conduisant à l’accession au gouvernement de deux alliances mêlant droite et extrême-droite. En Suède d’abord, où les Sociaux-démocrates (S, S&D) de Magdalena Andersson ont certes accru leur part électorale (30,3, +2 pp) et leur nombre de sièges (107, +7), mais où leur coalition impliquant la Gauche (GUE/NGL), le Centre (RE) et les Verts a perdu à un siège près sa majorité parlementaire. La Gauche et le Centre ont accusé une perte de 4 et 7 sièges respectivement, tandis que les Verts ont gagné deux sièges.

L’alliance de gouvernement quelques semaines plus tard par les partis de centre-droit avec les nationalistes des Démocrates de Suède (SD, CRE) arrivés en seconde position ont provoqué l’alternance, faisant entrer pour la première fois l’extrême droite dans une majorité parlementaire en Suède. Deux semaines plus tard, en Italie, l’alliance de centre gauche a certes progressé, obtenant 26,1 % (+ 3,2 pp), mais son principal allié gouvernemental potentiel, le Mouvement Cinq-Étoiles, s’est effondré à 15,4 % (-17,3 pp).

Ce mauvais résultat a permis à la coalition de droite et d’extrême-droite d’obtenir près de 44 % des voix, ainsi qu’une confortable majorité dans les deux chambres. Giorgia Meloni (Frères d’Italie, CRE) a été élue Présidente du Conseil, tandis que le président du Parti démocratique (PD, S&D) Enrico Letta a annoncé qu’il ne serait pas candidat à sa réélection. La coalition de centre-gauche italienne reste dominée par le PD, avec 19,1 % ; le score de l’Alliance des Verts et de la Gauche (GUE/NGL et Verts/ALE) est beaucoup plus faible, à 3,6 %.

Retrouvez l’analyse de Sofie Blombäck (Mittuniversitetet) et celle de Carolina Plescia et Sofia Marini (Université de Vienne) dans le numéro 3 de BLUE, à paraître.

Octobre : effondrement des sociaux-démocrates philorusses en Lettonie, réélection d’Alexander Van der Bellen, une nouvelle majorité rouge-verte en Basse-Saxe

Trois élections nationales (en Lettonie, en Bulgarie et en Autriche) ainsi qu’une élection régionale majeure (en Basse-Saxe) se sont tenues en octobre.

En Lettonie, le contexte de la guerre russe en Ukraine a fortement reconfiguré le système politique. Le Parti social-démocrate « Harmonie » (S&D), représentant historique de la minorité russophone et arrivé en tête du scrutin de 2017, a en effet perdu l’intégralité de ses 23 sièges, obtenant 4,9 % des voix contre 20 % à l’élection précédente. Les deux partis verts ou assimilés, l’Union des Verts et des Paysans (12,6 %, +2,7 pp) et les Progressistes (6,2 %, +3,6 pp), ont quant à eux connu une nette croissance.

En Bulgarie, l’élection n’a vu aucun changement majeur dans la part électorale des trois groupes de gauche et de centre-gauche. Le coalition du Parti socialiste bulgare (S&D) n’a emporté que 9,0 % des voix (-1,1 pp), poursuivant son recul entamé en 2017.

En Autriche, le président sortant Alexander Van der Bellen (Verts) a été largement réélu dès le premier tour de scrutin avec 56,7 % des voix. Sans réelle concurrence alors que les principaux partis, à l’exception du Parti de la Liberté d’Autriche (FPÖ, ID), s’étaient rangés derrière lui, Van der Bellen s’est affirmé comme un chef de l’État consensuel et respecté. 

Enfin, en Basse-Saxe, dans le nord-ouest de l’Allemagne, l’élection régionale organisée le 9 octobre a été marquée par la victoire du SPD malgré de légères pertes (33,4 %, -3,5 pp), les mauvais scores de la CDU (28,1 %, -5,5 pp) et les gains importants des Verts (14,5 %, +5,8 pp), tandis que les libéraux du FDP perdaient leur représentation parlementaire (4,7 %, -2,8 pp). Le départ du FDP a profité aux deux partis de centre-gauche, qui ont gagné respectivement 2 et 12 sièges au parlement de Hanovre. Ces derniers ont ainsi pu conclure rapidement une coalition rouge-verte, qui a pris ses fonctions début novembre.

Retrouvez les analyses de Jānis Ikstens (Université de Riga), Petar Bankov (Université de Glasgow), Sylvia Kritzinger et al. (Université de Vienne) et Markus Klein (Université de Hanovre) dans le numéro 3 de BLUE, à paraître.

Novembre : Mette Frederiksen reconduite

Le dernier scrutin de l’année dans l’Union européenne s’est déroulé le 1er novembre au Danemark. Après qu’une commission d’enquête avait déterminé que la mise à mort de millions de visons imposée par le gouvernement de Mette Frederiksen (S, S&D) pendant la pandémie était sans base juridique, ses alliés Radicaux de Gauche (B, RE) avaient imposé la tenue d’élections anticipées. Les sociaux-démocrates n’ont pas été pénalisés par cette situation, obtenant 27,5 % des voix (+1,6 pp) et 50 sièges (+2). Le Parti populaire socialiste (SF, Verts/ALE) a également progressé, à 8,3 % (+0,6 pp) et 15 sièges (+1), tandis que l’Alliance rouge-verte (Ø, GUE/NGL) reculait à 5,2 % (-1,7 pp) et 9 sièges (-4). Les Radicaux de Gauche ont quant à eux perdu la moitié de leurs sièges (7, -9), tandis que l’Alternative (~GUE/NGL) progressait légèrement (6, +1).

Deux représentants groënlandais et un représentant féroïen s’inscrivent également à gauche du centre. Au total, les partis de gauche et de centre-gauche détiennent désormais une majorité d’un seul siège au Folketing, contre 9 lors de la précédente législature. Cette situation précaire, ainsi que les tensions entre les sociaux-démocrates et le reste de sa majorité (notamment plus à gauche), pourraient mener Mette Frederiksen a tenter de construire une nouvelle « Grande coalition » au centre, mêlant partis de centre-gauche et de centre-droit. 

Retrouvez l’analyse de Karina Kosiara-Petersen et al. (Université de Copenhague) dans le numéro 3 de BLUE, à paraître.

Bilan

Les trois groupes de la gauche européenne ont, dans l’ensemble, connu un léger recul au cours de l’année 2022.

Le groupe de la gauche radicale GUE/NGL n’a progressé de manière significative qu’en France, et a reculé presque partout ailleurs. Au Portugal, en Suède, en Allemagne et au Danemark, ce recul a provoqué une perte de représentation gouvernementale ou parlementaire. Dans ce contexte, la position de l’alliance NUPES et de Jean-Luc Mélenchon en France est à plus d’un titre exceptionnelle : nulle part ailleurs en Europe la gauche radicale n’a, en 2022, atteint une telle part des suffrages ; nulle part ailleurs elle n’a joué les premiers rôles dans une alliance de l’ensemble des partis de gauche et de centre-gauche ; nulle part ailleurs, enfin, la radicalité politique n’a eu à gauche un tel succès : dans les quatre cas précédemment cités, l’affaiblissement des forces radicales a tendanciellement profité aux partis centristes.

Seul parmi les trois groupes de gauche et de centre-gauche, les Verts/ALE ont connu en 2022 une nette croissance dans la majorité des régions où ils sont implantés. En Allemagne, en Autriche, en France, en Lettonie, les Verts ont augmenté leurs scores et accru leur influence au sein des coalitions de centre-gauche. Le président Alexander Van der Bellen a été triomphalement réélu en Autriche, tandis que les Verts allemands entraient au gouvernement dans deux nouvelles régions (Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Basse-Saxe). La présence des Verts dans le paysage politique européen reste cependant confinée au Nord et à l’Ouest du continent, avec des positions beaucoup plus faibles à l’Est et au Sud, comme l’a démontré notamment le scrutin italien.

À la veille des scrutins, les sociaux-démocrates du groupe S&D étaient présents au gouvernement dans environ un tiers des cas (Portugal, Malte, Sarre, Basse-Saxe, Suède, Italie, Danemark). Après une série de victoires très nettes au Portugal, à Malte et en Sarre en début d’année et leur entrée au gouvernement en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (17 millions d’habitants), les sociaux-démocrates ont subi plusieurs revers à l’automne. Ils ont ainsi perdu leur participation gouvernementale en Basse-Saxe au profit des Verts, et en Suède et en Italie au profit de la droite et de l’extrême droite. Si la victoire des sociaux-démocrates danois a clos l’année électorale sur une note plus positive, le bilan des S&D reste donc en demi-teinte, voire négatif. Certes, le groupe continue de jouer un rôle majeur dans l’espace politique européen, mais il n’a guère progressé numériquement qu’au Portugal, en Sarre et au Danemark – trois bastions historiques -, restant stable ou reculant partout ailleurs. Fortement concurrencés par les Verts en Allemagne et en Autriche, marginalisés en France, en Bulgarie, en Lettonie ou en Hongrie, les S&D ont été mis en difficulté par la droite et l’extrême droite dans plusieurs scrutins clefs.

Le diagramme ci-contre résume ces évolutions : rouge pour une chute de plus d’un point de pourcentage, vert pour une croissance de plus d’un point, jaune pour un résultat stable (moins d’un point d’évolution), et blanc en l’absence d’une participation significative aux scrutins ou lorsque les partis se présentaient au sein d’une coalition plus complexe.

Pris ensemble, les trois groupes de la gauche européenne ne sont majoritaires que dans un nombre limité de territoires : le Portugal, une partie des outre-mers et des banlieues françaises, l’ouest de l’Irlande du Nord (Sinn Féin) les zones urbaines et périurbaines d’Allemagne du nord-ouest, le nord de la Suède, et quelques communes isolées d’Espagne et d’Italie. Là où la gauche s’impose, la prime à la radicalité semble d’autant plus faible que l’élection se joue généralement au centre : les modèles de coalitions les plus éprouvés sont dominés par les sociaux-démocrates, voire assument une coopération entre sociaux-démocrates ou Verts d’une part, et conservateurs d’autre part. Enfin, il importe de souligner que le nombre de territoires dans lesquels les trois groupes regroupent moins d’un quart des votants est important : en Bulgarie, en Italie, en Lettonie, en Slovénie, et même en France, c’est le cas d’une majorité de communes. Il s’ensuit une importante hétérogénéité géographique dans la répartition des différents groupes.

L’année 2023 en perspective

En 2023, au moins deux exécutifs nationaux dirigés par les sociaux-démocrates remettront leur poste en jeu : en Finlande (avril) et en Espagne (décembre), les gouvernements de Sanna Marin et Pedro Sánchez devront faire face à des concurrents de centre-droit qui les dépassent actuellement dans les sondages, mais aussi à une extrême droite en croissance. Un scénario « à la suédoise » pourrait donc s’y reproduire. Les élections régionales organisées en mai dans un grand nombre de communautés autonomes pourront servir de test pour évaluer les dynamiques politiques en cours.

À Chypre (février) et en Grèce (juillet), des élections nationales majeures auront également lieu. Dans ces États marqués par la crise de 2009 et ses répercussions, mais entre-temps reprises par le centre-droit, les partis de centre-gauche comme de gauche radicale entendent prendre leur revanche. Cet objectif n’apparaît pas hors de portée, mais pour l’atteindre, une coopération entre sociaux-démocrates (actuellement en croissance) et radicaux sera nécessaire, dont la difficulté apparaît difficile à évaluer à ce stade.

En Europe centrale, enfin, on votera dans les États-régions de Berlin et Brême, traditionnellement marqués à gauche, mais aussi en Bavière et en Suisse, où, dans un paysage politique dominé par le centre-droit et la droite, l’importante dynamique des Verts sera à suivre.