Après de longues négociations, les États-membres de l’Union se sont finalement mis d’accord samedi sur la mise en place d’un plafonnement du prix du baril de pétrole russe à 60 $. Poussé par les États-Unis, ce prix-plafond est désormais appliqué par les 27, les pays membres du G7 ainsi que par l’Australie, formant la « Coalition sur le plafonnement des prix »1.

  • Le plafonnement du prix du baril de pétrole russe s’ajoute à l’embargo européen sur les importations qui entre en vigueur aujourd’hui.
  • Le prix, fixé à 60 $ par baril, est assez élevé pour qu’il ne dissuade pas la Russie d’arrêter ses exportations de pétrole, ce qui contribuerait à augmenter considérablement les prix au niveau mondial.
  • Concrètement, aucun transporteur dont le navire ou la cargaison sont assurés par des entreprises européens — dont le marché est largement dominé par des entreprises européennes et de pays membres du G7 — ne pourront transporter du pétrole russe vendu au-dessus du prix-plafond2.
  • Les entreprises européennes ainsi que les navires sous pavillon de pays membres de l’Union ont eux aussi interdiction de transporter du pétrole russe.
  • Les coûts de production du pétrole russe étant estimés à 20 $ par baril, le prix-plafond permettra à Moscou de continuer à engranger d’importants revenus.

On imagine difficilement à ce stade que toutes les parties de la chaîne d’approvisionnement, publiques ou privées, respecteront les conditions de cet accord sans manipuler voire falsifier les registres tenus par les assureurs et les entreprises russes. Il est fort probable que des pays comme l’Inde ou la Chine continueront à importer massivement du pétrole russe en contournant les sanctions, ou bien en utilisant des pétroliers assurés en-dehors des pays occidentaux et appartenant à des pays hors-coalition.

Il est à ce jour incertain si la Russie va accepter ce prix-plafond ou bien continuer à vendre du pétrole brut peu importe son prix.

  • Depuis le début de l’année, la Russie a acquis une centaine de pétroliers, constituant une importante « flotte fantôme » dont le but est d’échapper aux nouvelles sanctions occidentales3.
  • Le week-end dernier, le vice-président du gouvernement russe, Alexander Novak, a déclaré que la Russie « n’exportera pas son pétrole dans le cadre du plafonnement des prix, même si elle doit réduire sa production »4. Il ne s’est toutefois pas exprimé depuis l’entrée en vigueur du plafonnement des prix.

L’objectif affiché du plafonnement du prix du baril de pétrole russe est de diminuer les revenus perçus par la Russie pour sa vente d’hydrocarbures. L’arrêt des importations européennes de pétrole impactera largement les revenus de la manne pétrolière russe dans un premier temps — l’Union était, jusqu’à dimanche, le principal importateur de pétrole russe. Cependant, la reprise de la demande chinoise liée à la sortie progressive de la politique zéro-Covid pourrait compenser en partie cette perte5.

Au mois de novembre, d’autres pays comme l’Inde, les Émirats arabes unis, la Turquie, la Malaisie ou bien Singapour ont augmenté leurs importations de pétrole russe par rapport à octobre.

  • La capacité d’absorption du pétrole autrefois destiné aux pays européens déterminera, au cours des prochains mois, l’effet de ces deux mesures. La reprise — ou non — de la demande chinoise déterminera en grande partie leur efficacité. 
  • On estime que la Chine a réduit de 900 000 barils par jour sa consommation de pétrole par rapport aux niveaux pré-pandémiques.

La non-décision prise hier par l’OPEP+ de ne pas augmenter la production indique que les pays membres du cartel souhaitent attendre de voir les effets du plafonnement des prix sur les marchés.

  • L’embargo européen sur les produits pétroliers russes, qui entrera en vigueur le 5 février 2023, constitue la prochaine échéance dans l’effort européen de se détacher des hydrocarbures russes.
Sources
  1. Russian oil : EU agrees on level of price cap, Conseil de l’Union européenne, 3 décembre 2022.
  2. Questions and Answers : G7 agrees oil price cap to reduce Russia’s revenues, while keeping global energy markets stable, Commission européenne, 3 décembre 2022.
  3. David Sheppard, Chris Cook et Polina Ivanova, « Russia assembles ‘shadow fleet’ of tankers to help blunt oil sanctions », Financial Times, 2 décembre 2022.
  4. « Global oil market currently in better state than two months ago — Russian deputy PM », TASS, 4 décembre 2022.
  5. Zhuang Pinghui, « China’s top Covid-19 official Sun Chunlan signals new phase of controls », South China Morning Post, 1er décembre 2022.