Dans l’état des choses, rien ne pourrait empêcher Donald Trump de se présenter à l’élection présidentielle de 2024 — et, moins probable à l’heure actuelle, d’être élu.

  • Tout individu mis en examen peut se porter candidat à l’élection présidentielle — bien que ce ne soit jamais arrivé.
  • Selon l’article 2 de la Constitution américaine, les seuls critères sont la citoyenneté, l’âge et le pays de résidence : « Nul ne pourra être élu président s’il n’est citoyen de naissance, ou s’il n’est citoyen des États-Unis au moment de l’adoption de la présente Constitution, s’il n’a trente-cinq ans révolus et ne réside sur le territoire des États-Unis depuis quatorze ans »1.
  • Cependant, le rôle joué par Trump dans l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021 pourrait l’empêcher de se présenter en 2024 en vertu des dispositions du 14ème amendement de la Constitution relatives à des actes de « rébellion ou d’insurrection »2.

Cet été, avant le résultat décevant des Républicains aux élections de mi-mandat — au Sénat comme à la Chambre —, des sondages indiquaient que les scandales judiciaires de Trump pourraient lui bénéficier politiquement. Si cette tendance semble s’être essoufflée depuis, Donald Trump demeure pour le moment le candidat favori du Parti républicain pour 2024.

Donald Trump est aujourd’hui visé par cinq enquêtes majeures.

  • La première concerne la détention de documents classifiés dans sa résidence de Mar-a-Lago, pour laquelle il pourrait être accusé d’avoir violé l’Espionage Act de 19173.
  • Trump fait également l’objet d’une enquête visant à déterminer s’il a enfreint la loi en cherchant à faire annuler sa défaite électorale de 2020 dans l’État de Géorgie4.
  • Depuis 2020, le bureau du procureur du district de Manhattan (District Attorney) mène une enquête visant à déterminer si l’ex-président républicain est coupable de fraude et d’autres crimes fiscaux et financiers.
  • En septembre, la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, a déposé une plainte accusant l’ex-président, la Trump Organization (l’entreprise familiale fondée par ses grands-parents en 1927) et trois de ses enfants d’avoir menti en surévaluant leurs actifs de plusieurs milliards de dollars.
  • Enfin, la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur l’attentat du 6 janvier enquête depuis juillet 2021 sur le rôle joué par Donald Trump dans la poussée insurrectionnelle trumpiste ayant conduit à l’assaut du Capitole.

L’affaire ayant probablement le plus de potentiel de nuire à Donald Trump dans la perspective de l’élection de 2024 est la première listée ci-dessus, concernant la détention de documents classifiés.

  • Afin d’éviter que la défense de Trump n’invoque un conflit d’intérêt — si procès il y a, ce qui est pour le moment incertain — visant Merrick Garland, le Procureur général des États-Unis dont le bureau est en charge de l’enquête sur le 6 janvier et les documents classifiés, ce dernier a nommé la semaine dernière un conseiller spécial, Jack Smith, en charge du dossier pour cette dernière enquête uniquement.
  • Smith était à la tête de la section d’intégrité publique du département de la Justice entre 2010 et 2015. Il est notamment reconnu pour avoir dirigé l’enquête de corruption visant l’ancien gouverneur républicain de Virginie, Bob McDonnell, ainsi que celle concernant l’ex-agent de la CIA Jeffrey Sterling, reconnu coupable d’avoir violé l’Espionage Act — ce dont Trump est accusé5.

Si Trump venait à être reconnu coupable dans le cadre de cette enquête, il pourrait — après avoir fait appel auprès de la Cour suprême — être incarcéré. Seulement, le fait d’être en prison n’empêche en aucun cas de se présenter à l’élection présidentielle (cf. ArtII.S1.C5.1 de la Constitution). S’il venait à être élu malgré son incarcération, Trump pourrait user du pardon présidentiel, ce à quoi l’ex-président a fréquemment eu recours durant son mandat.

Capture d’écran du tweet d’Elon Musk du 19 novembre 2022.

Avec le retour sur Twitter de Donald Trump à la suite d’un sondage lancé par Elon Musk, l’ex-président pourrait jouer de sa fibre populiste et anti-establishment pour mener sa campagne. En 1920, le candidat à la présidentielle Eugene V. Debs avait reçu près d’un million de votes alors qu’il était incarcéré, tout comme Lyndon Larouche en 1992 — qui n’avait reçu que 23 000 voix, soit moins de 0,1 % du vote populaire.6.

Sources
  1. ArtII.S1.C5.1  Qualifications for the Presidency, Constitution américaine.
  2. Stefanie Lindquist, « No, an indictment wouldn’t end Trump’s run for the presidency – he could even campaign or serve from a jail cell », The Conversation, 16 novembre 2022. Voir la S3. du 14ème amendement de la Constitution américaine.
  3. Jon May, « The United States v. Donald J. Trump : The Prosecution of a National Security Case », Verdict, 15 novembre 2022.
  4. Bob Woodward et Robert Costa, Peril, Simon & Schuster, 2021.
  5. Glenn Thrush, Charlie Savage, Maggie Haberman et Alan Feuer, « Garland Names Special Counsel for Trump Inquiries », The New York Times, 18 novembre 2022.
  6. Terence McArdle, « The socialist who ran for president from prison — and won nearly a million votes », The Washington Post, 22 septembre 2019.