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Fabio Bacà, Nova, Milan, Adelphi

« Ai-je été un bon père ? Un bon mari ? Un bon professionnel ? » Après une série d’épisodes déconcertants – des menaces reçues de son voisin, une tentative de harcèlement subi par sa femme, des brimades de la part du directeur du service de neurochirurgie où il travaille – Davide n’en est plus si sûr. La vérité est que nous ne savons rien, ou presque rien, du cerveau humain – ou bien que nous préférons ne pas le savoir. Nova entraîne au contraire le lecteur dans les méandres inconnus et inquiétants du cerveau humain. »

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Esther Kinsky, Rombo, Berlin, Suhrkamp

Le soir du 6 mai 1976, un tremblement de terre de magnitude 6,4 sur l’échelle de Richter bouleverse la région du Frioul, dans le nord-est de l’Italie. On recense alors près de mille disparus, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent sans abri. C’est la mémoire de cet événement ayant marqué profondément le paysage et ses habitants qu’Esther Kinsky a choisi d’explorer en détail dans le roman Rombo.

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Carlos Fonseca, Austral, Madrid, Anagrama, « Narrativas Hispánicas »

Dans la lignée d’écrivains comme le Chilien Roberto Bolaño et l’Argentin Ricardo Piglia, deux grandes forces de la littérature latino-américaine actuelle, le Costaricien Carlos Fonseca (1987) apporte un projet personnel qui offre à la fois une continuation et une rupture avec la tradition littéraire latino-américaine. Dans ce projet, chaque nouveau roman interroge l’histoire du monde, au travers de personnages voyageant dans des textes et sur des territoires, résolvant les énigmes qui leur permettent de mieux comprendre les gens autrefois fréquentés.

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Leslie Kaplan, Un fou, Paris, P.O.L

Pour évoquer littérairement la pandémie, on peut bien entendu faire le choix de se concentrer sur la manière dont la crise sanitaire a impacté l’existence et la psychologie des individus – c’est ce qu’ont voulu faire, avec plus ou moins de bonheur, les innombrables journaux de confinement. On peut aussi essayer de capter des faits sociaux, des faits de discours, de rendre compte de la manière dont la crise hystérise le monde. C’est, indirectement, ce à quoi s’attache, avec une grande réussite, ce nouveau petit livre.

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Lucy Fricke, Die Diplomatin, Claassen

Dans Die Diplomatin, Lucy Fricke raconte l’histoire d’une diplomate allemande que rien ne perturbe jusqu’à ce qu’elle devienne témoin de la persécution des journalistes et artistes à Istanbul. Un roman politique d’une grande actualité, phénomène éditorial en Allemagne, illustrant les limites de la diplomatie et la fragilité des relations internationales.

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Francesca Valente, Altro nulla da segnalare, Einaudi, collection « Unici »

« Occhipinti, insomniaque, continuait à demander du champagne : je lui ai servi de l’eau, mais elle m’a bien signifié, en me la renversant sur la tête, de ne pas l’apprécier. Tous les autres messieurs ont pu dormir, sauf Madame Agosta, qui ne cesse de se rendre aux toilettes et de tout casser. Altro nulla da segnalare  ».

Vainqueur du Prix Italo Calvino 2021, Altro nulla da segnalare est un ouvrage puissant et atypique qui redonne voix aux patients – les malades mentaux, les « fous » – soignés dans les services psychiatriques de l’hôpital Mauriziano de Turin dans les années 80 dans le contexte novateur qui était celui de la psychiatrie italienne après la réforme décrétée par la loi 180/78, plus connue sous le nom de « loi Basaglia » – laquelle avait décrété quelques années auparavant  la fermeture progressive des hôpitaux psychiatriques et l’intégration de la psychiatrie dans les services de santé générale des hôpitaux.

Au centre du livre, les histoires poignantes des hommes et des femmes partiellement libérées(e)s qui ont occupé ces tout premiers services alternatifs, « ouverts », créés au sein des hôpitaux généraux.

A partir des rapports quotidiens de médecins et infirmiers que Francesca Valente a pu consulter et en se basant aussi sur le témoignage, précieux, du psychiatre Luciano Sorrentino, l’auteure a su recomposer des  fragments de vie dans une narration incarnée qui navigue librement entre le document et la fiction : détails, pensées, petits événements du quotidien ordinaire et extraordinaire des patients reprennent vie.

Une humanité qui en raconte une autre, souffrante, avec une bienveillance indéfectible et chaque jour renouvelée, dans la recherche d’une possible universalité : « Les très nombreux patients soignés dans les services « ouverts » nous ont légué des fragments de vie : le reste est dans un cône d’ombre. Et puisque chacune de ces histoires est une possible déclinaison de faits réels, [le livre] est une photographie recomposée d’une histoire individuelle et collective ».

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Miloš Urban, Továrna na maso, Argo, 2022

Leon Hebvábný (monsieur Soyeux, en français) est aussi excentrique que le nom qu’il porte, mais ne vit que pour son travail et sa famille. Ingénieur de formation, il est à l’origine de l’éclairage au néon de la ville de Prague, dans les années 1920. Bientôt, sa créativité et son dynamisme le portent vers un tout autre domaine : comment améliorer l’image des abattoirs de Prague auprès du public ? Le surnom d’«  usine à viande  », qu’il invente, se répand d’abord dans un sens positif, puis dans un sens de plus en plus négatif. Mais il est impossible de détrôner les plus grands abattoirs d’Europe centrale, et la réputation du lieu sera blanchie par le charme et l’esprit de Leon, du moins jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle employée qui va bouleverser tout son univers. Comme s’il ne suffisait pas qu’on ait découvert des ossements humains parmi les carcasses d’animaux de l’usine d’équarrissage de Maniny…

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Maarit Verronen, La Ceinture d’Orion (Orionin vyö), Aviador

Maarit Verronen est une autrice bien connue des lecteurs finlandais pour ses romans et nouvelles mettant en scène des personnages qui explorent des contrées incertaines ou sont confrontés à des tournants inattendus de leur existence, entre réalisme magique et fantastique.

Dans La Ceinture d’Orion, Maarit Verronen décrit une altru appelée Mipi Ii, une femme exploitée pour effectuer des travaux dont personne d’autre ne voudrait, une quasi-esclave qui, comme tous les altru, se satisfait de son sort parce qu’elle a l’impression que les tâches qu’on lui assigne sont utiles à la société. L’action se déroule dans un futur proche aux relents dystopiques, où la caste des altru est condamnée à exécuter sans rechigner les missions parfois dégradantes que lui confient les potentats d’un monde en perdition, qui espèrent trouver dans les vestiges du passé des secrets susceptibles d’alléger les tourments du présent.

Verronen, avec ce nouveau roman, ajoute une nouvelle pierre à l’édifice littéraire qu’elle construit avec minutie depuis 1992, à mi-chemin entre littérature générale et littératures de l’imaginaire, et où se mêlent goût du mystère et de l’inconnu et considérations sociales sur des personnages en marge, dont le destin et les tribulations jettent une lumière crue sur certaines zones d’ombre des sociétés modernes.

Kriszta Bódis, Kisasszonyképző (École des Demoiselles. Mont-Dieu I.), Budapest, Európa Kiadó, 2022

Premier roman d’une trilogie sur la vie oubliée d’une femme aux multiples talents, Klára Tüdős (1895–1980), scénariste, première réalisatrice de film hongroise, costumière, ethnographe, créatrice de mode, rédactrice de revue, présidente de l’Union protestante des femmes, une des premières femmes-entrepreneures… Comme le résume Kriszta Bódis : « Klára Tüdős est une icône féminine dont l’humanité, la personnalité, la créativité et les actes ont transcendé le vingtième siècle. Sa statue a été sculptée par l’histoire et le drame du genre humain, à la manière dont l’eau de mer brise et détruit les rochers. J’ai voulu donner vie à ce monument invisible. »

Le premier roman guide le lecteur dans le monde d’avant 1919, à la jeunesse Klára faisant ses études en Hongrie, puis en Suisse, à Londres et à Amsterdam. « Son esprit émancipé se manifeste déjà au lycée : il a été traité comme la base de la rébellion et un petit scandale local lorsque l’écolière Klara et ses camarades ont été surpris en train de jouer au football. L’éducation aux rôles féminins était à son apogée à cet âge, mais il s’agissait essentiellement d’une approche conservatrice, et ne concernait que l’apparence, le comportement et l’étiquette. Les mères, les grands-mères, les membres de la famille immédiate et élargie n’avaient qu’un seul objectif en tête : faire un bon mariage. Un ensemble de règles strictes régissait également le fonctionnement interne de la famille, et il n’y avait pas de place pour la complicité. Ce n’est pas un hasard si la jeune Tüdős préférait discuter de ses griefs et de ses désirs non pas avec sa mère mais avec sa servante Erzsi, et si elle discutait de ses pensées les plus intimes avec cette dernière. L’éducation sexuelle était hors de question : l’hypocrisie de l’époque est bien illustrée par le fait que les messieurs qui parlaient en haut lieu de la morale avaient souvent une maîtresse, ce dont les femmes étaient conscientes, mais fermaient les yeux. Le roman ne se limite pas à la vie de Tüdős, mais c’est aussi une histoire de femmes. » (Orsolya Ruff)

«  Je souhaiterais contribuer à la renaissance de Klára Tüdős, à la redécouverte de ses œuvres, de son travail, de sa vie. Il est tragique que les œuvres qu’elle n’a pas pu créer – soit parce qu’elle est née femme, soit parce qu’elle appartenait à une certaine classe sociale – ne verront jamais le jour. Je ne peux pas lui donner l’occasion de développer pleinement son talent, qui n’a pas été reconnu de son vivant, mais je peux peut-être le montrer. Je ne peux pas réaliser ses rêves perdus, mais je peux continuer à rêver.

J’espère que la forte personnalité de Klára Tüdős, sa recherche de la paix au-delà des idéologies, sa quête de Dieu, l’approfondissement de sa foi prête à l’action, son exemple de vie trouveront un écho dans l’âme du lecteur. » (Kriszta Bódis)

Le jeune János Tüdős, avocat, adorait sa femme autant qu’il aimait une haute distinction. Il aurait préféré l’épingler sur sa poitrine ou, comme une fleur qui ne se fane pas, à sa boutonnière. Il l’aurait portée partout, en se vantant. Il l’aurait mise dans une vitrine de la rue la plus fréquentée. Il l’aurait multipliée dans un miroir sans fin. Il l’aurait faite plus petite pour qu’elle tienne dans sa poche à cigare. Il l’aurait verrouillée à lui-même avec une chaîne en or pour pouvoir le porter partout, à la mairie, sur le terrain de sport, au bureau, même au club des francs maçons ou au cabaret. Avoir sa peau, son cou, sa taille corsetée à portée de main à tout moment. Son silence. Sa protestation. Son étrangeté.

En ce matin plein de tensions, Madame János Tüdős, née Irén Kálmánchey était assise sur le bord d’un fauteuil du bureau, la taille droite, prête à bondir, ou plutôt à s’évanouir, à deux pas de Gedeon Dóczy, le directeur de l’école protestante de jeunes filles de Debrecen. Si son teint lumineux était dû à l’effet bénéfique de la “crème visage fleurs de lilas”, son front pâle était plutôt dû au panique. Par son apparence, par sa tenue, elle aurait pu être une femme de magnat, une noble de naissance, un des membres des quatre-vingts familles enviables qui formaient la riche aristocratie et qui possédaient plus de cent millions de couronnes dans tout le pays, une Esterházy, une Károlyi, une Wenckheim. Et pourtant, elle n’était « que » mère, surprise de sentir l’aigre déception qu’elle éprouvait pour sa fille monter dans son estomac jusqu’à sa gorge. Ce n’était pas la première fois qu’impuissante, le mécontentement et l’impuissance causés par le remords et le sentiment d’indignité, la faisait haleter et frissonner. Mécontente d’elle-même, de sa fille. De sa vie. Mais surtout d’avoir pensé de telles choses. Incapable d’avaler, de réprimer en quelque sorte les sentiments qui ont donné naissance à ses pensées. Ils sont moches. Honteux. Tout a commencé sur le lit d’accouchement. C’était paralysant. La désillusion a d’abord pris une forme indépendante de sa volonté dans les manifestations de ses proches penchés sur le nouveau-né :

– Ce n’est qu’une fille – se passèrent-ils la poignée, et les mots sortirent des lèvres de sa mère, de son père, de ses frères, de ses oncles et tantes aussi naturellement que s’ils n’avaient jamais pû espérer davantage d’elle. Certainement pas un fils premier-né. La remarque d’Emi, la sœur à la langue acérée de son mari, qui est restée sans enfant a surpassé tout le monde :

– J’espère au moins qu’elle te ressemblera… – L’accent mis sur le futur et la pause qu’elle a fait pour l’effet n’a pas manqué d’attirer l’attention de ceux dont l’âme était conditionnée pour éviter les contenus désagréables. ­– … Parce que si elle ressemble à son père, vous pouvez commencer à mettre de côté la dot pour elle – acheva-t-elle, sans vouloir faire de l’humour. Elle n’avait pas l’habitude d’aborder les sujets sérieux par des plaisanteries.  »

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Crédits
Cette sélection, coordonnée par Mathieu Roger-Lacan, a été composée grâce à Jordi Brahamcha-Marin, Martin Carayol, Ildikó Jozan, Andrea Marcolongo, Benoît Meunier, Irene Nanni, Katja Petrovic, Emmanuelle et Félix Terrones.