• Après la présentation d’un projet de réforme constitutionnelle le 21 juin dernier par le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, les tensions sociales dans la région de Karakalpakstan — une région située dans l’Ouest de l’Ouzbékistan qui représente 40 % du territoire national, dans laquelle résident de nombreuses minorités ethniques — ont été exacerbées devant la possibilité ouverte par cette réforme de supprimer le statut de semi-autonomie de la région, acquis lors de l’indépendance du pays en 1991. Pour freiner l’organisation des manifestants, le réseau Internet a été coupé dans la région le 27 juin, plongeant cette dernière dans un « black-out informationnel »1.
  • Néanmoins, de nombreuses vidéos ont circulé vendredi dernier et dans le week-end montrant la capitale du Karakalpakstan, Noukous, où des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le projet de réforme constitutionnelle, bien que les manifestations soient illégales dans le pays. Les manifestants ont été très fortement réprimés par la police, dans ce qui semble constituer le plus grand mouvement social dans le pays depuis les événements d’Andijan en 2005 — symbolisant la dictature de l’ancien président ouzbek, Islam Karimov (1991-2016), dont la répression policière avait causé au moins 187 morts.
  • Face à ces protestations, le président Mirziyoyev s’est rendu à Noukous le 2 juillet pour annoncer qu’il ne modifierait finalement pas les articles de la Constitution relatifs au statut du Karakalpakstan, notamment celui permettant à la région de tenir un référendum d’autodétermination2. Il a également annoncé la mise en place d’un état d’urgence dans la région du Karakalpakstan pour une durée d’au moins un mois et y a instauré hier, dimanche 3 juillet, un couvre-feu. 
  • Outre la question du Karakalpakstan, la réforme constitutionnelle ouzbèke, qui sera soumise à la population par référendum — procédé utilisé le mois dernier par le président Tokayev au Kazakhstan —, semble ouvrir la voie à une potentielle nouvelle élection du président Mirziyoyev à la fin de son mandat en 2026, ce qui pourrait affaiblir les perspectives d’un nouvel Ouzbékistan plus démocratique3.
  • Ces tensions sociales en Ouzbékistan surviennent sept mois après des manifestations ayant eu lieu au Kazakhstan contre le coût de la vie, et la répression qui s’en est suivie par le président Tokayev, aidé par l’envoi de troupes — notamment russes — de l’OTSC4. Le même procédé n’était pas reproductible pour l’Ouzbékistan, qui n’appartient pas à l’OTSC, mais les évènements actuels dans ce pays d’Asie centrale inquiètent la Russie et la Biélorussie qui y voient un risque pour la stabilité d’une région qui reste sous l’influence de Moscou — bien que le ministre des Affaires étrangères ouzbek ait déclaré le 17 mars que son pays ne reconnaîtrait pas l’indépendance des républiques de Lougansk et de Donetsk5. Le président biélorusse, Loukachenko, a quant à lui comparé les manifestations à une « opération de déstabilisation de l’Occident », et les médias russes ont comparé la situation avec les manifestations d’Euromaïdan en Ukraine de 2013-20146.
  • Depuis le début de la guerre en Ukraine, Poutine voit de plus en plus l’Asie centrale comme une région stratégique pour la Russie, qu’il considère comme faisant partie de la sphère d’influence russe. Pour son premier voyage à l’étranger depuis le 24 février, le président russe avait choisi de se rendre au Tadjikistan puis au Turkménistan, pour assister au Sommet des nations de la Caspienne. Les derniers chiffres des principales compagnies aériennes qui effectuent encore la liaison avec la Russie laisse également se dessiner un net rapprochement avec les pays d’Asie centrale et du Golfe.