• Ce sommet s’inscrit dans la dynamique relancée par Joe Biden dans la région après une ère Trump durant laquelle la collaboration avec l’ASEAN a été au point mort. En 2021, la vice-secrétaire d’État Wendy Sherman s’était déjà rendue dans plusieurs pays de l’ASEAN, de même que le secrétaire à la Défense Lloyd Austin et la vice-présidente Kamala Harris. En décembre dernier, c’était Antony Blinken qui s’était rendu à Kuala Lumpur, Jakarta et Bangkok pour son premier voyage dans la région en tant que Secrétaire d’État. 
  • C’est la première fois que les leaders des pays de l’ASEAN — sans représentation officielle de la Birmanie toutefois — sont rassemblés et accueillis à la Maison-Blanche par un président américain depuis 2016. Les thèmes discutés lors de ce sommet sont multiples : la réponse à la pandémie et la sécurité sanitaire mondiale ; le changement climatique et le développement durable ; la coopération maritime ; le développement du capital humain, l’éducation et les liens entre les peuples ; la connectivité et les liens économiques.
  • Les États-Unis accordent une grande importance au groupe de l’ASEAN dans le cadre de leur stratégie Indo-Pacifique, et surtout dans leur rivalité avec la Chine. Pour autant, ils tendent à leur reprocher leurs ambitions essentiellement régionales. En retour, plusieurs pays de l’ASEAN sont bien intégrés à l’économie chinoise, comme Singapour, le Laos ou le Cambodge, et refusent de s’inscrire dans le bloc occidental (ou oriental si le Pacifique est au centre de la carte) d’une nouvelle guerre froide.
  • Aussi, si les États-Unis — dans un souci stratégique — accordent une place importante aux pays de l’Indo-Pacifique, il n’en demeure pas moins que la Chine reste le principal acteur régional. En novembre dernier, Pékin promettait aux pays membres de l’ASEAN un don d’1,5 milliard de dollars sur trois ans afin de contribuer au développement, à la lutte contre le Covid-19 et à la reprise économique1. Hier, pour témoigner de l’engagement américain auprès de l’ASEAN, Joe Biden a annoncé un don de 150 millions de dollars destinés aux infrastructures, à la sécurité, à la préparation contre de futures pandémies et à d’autres efforts visant à contrer l’influence de la Chine2.
  • Depuis l’irruption de la guerre en Ukraine en février dernier, la vision géopolitique américaine a été quelque peu chamboulée. D’une part, elle a poussé les États-Unis à continuer leur interventionnisme en Europe et à se soucier des conflits sur le continent européen, bien loin du retrait absolu qu’évoquaient certains. D’autre part, elle a mis au jour les liens de certains pays de l’ASEAN avec la Russie, comme le Vietnam, qui avait prévu des exercices militaires conjoints en ce printemps 2022. Ainsi, plusieurs États de l’ASEAN n’ont pas condamné la Russie, voire l’ont soutenue, après l’invasion de l’Ukraine.
  • La guerre en Ukraine aura — et a déjà — des conséquences sur le théâtre Indo-Pacifique. Si le « pivot vers l’Asie » annoncé par Obama en 2011 n’a jamais pu réellement prendre effet, il est clair que les États-Unis entendent, peut-être plus que jamais, accentuer leur lutte contre l’influence chinoise. À moyen et à long terme, l’investissement ainsi que la volonté politique croissante chez les Européens de plus contribuer à leur propre défense, après le choc causé par l’invasion de l’Ukraine, pourrait permettre aux États-Unis de réinvestir plus de moyens en Indo-Pacifique — si la Russie subit toutefois la « défaite stratégique » appelée par l’administration américaine.
Sources
  1. « China pledges to support ASEAN in COVID-19 fight, economic recovery », Vietnam News Agency, 22 novembre 2021.
  2. Trevor Hunnicutt, « With China in focus, Biden makes $150 million commitment to ASEAN leaders », Reuters, 13 mai 2022.