• La visite de Narendra Modi intervient une semaine après la visite de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en Inde. Après son passage par l’Allemagne, le leader nationaliste hindou devrait se rendre au Danemark et en France pour achever sa tournée diplomatique européenne. Modi a déclaré avant son voyage que sa visite en Europe intervenait « à un moment où la région est confrontée à de nombreux défis et choix », faisant implicitement référence à la guerre en Ukraine sans toutefois la nommer.
  • Dans ce conflit, l’Inde et l’Union adoptent des positions divergentes. Alors que les Européens ont condamné et sanctionné massivement la Russie, l’Inde s’est abstenue lors des différents votes au Conseil de sécurité et à l’assemblée générale des Nations unies. New Delhi s’est engagé à acheter du pétrole russe à prix réduit, alors que les annonces de nouvelles sanctions européennes interdisant l’importation de pétrole russe dans l’Union devraient arriver dans les jours qui viennent1.
  • Le chancelier allemand Olaf Scholz espère faire évoluer la position indienne en insistant sur le rapprochement sino-russe, symbolisé par la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine le 4 février dernier, trois semaines avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’Inde, principal rival stratégique de la Chine en Asie, pourrait éventuellement nuancer sa neutralité dans le conflit ukrainien et se détacher progressivement de la Russie.
  • Ce week-end, Rolf Mützenich, président du groupe des sociaux-démocrates — le parti du chancelier Scholz — au Bundestag, a déclaré qu’« Il est absolument crucial que les partenaires stratégiques de la Russie tournent le dos à Poutine »2. Selon l’agence Bloomberg, Olaf Scholz a également prévu d’inviter Narendra Modi au sommet du G7 du mois de juin, qui se tiendra sous présidence allemande, dans le cadre d’une initiative visant à forger une alliance plus large contre la Russie. L’Indonésie, l’Afrique du Sud et le Sénégal pourraient aussi y être invités3
  • Les discussions entre Scholz et Modi devraient également porter sur le changement climatique, l’immigration indienne en Europe et le renforcement du partenariat économique entre l’Inde et l’Allemagne. Le gouvernement allemand désire en effet faciliter l’immigration indienne en Allemagne pour pallier aux pénuries de main-d’œuvre. De même, l’Allemagne cherche à accélérer le transfert de technologie pour favoriser la transition énergétique en Inde, alors que les effets du réchauffement climatique sont de plus en plus saillants dans ce pays d’1,4 milliards d’habitants. 
  • On notera aussi que la visite de Modi en Allemagne s’inscrit dans une forme de continuité de la politique étrangère du chancelier Scholz, qui cherche à renforcer ses liens politiques et économiques avec les régimes démocratiques. Il a ainsi choisi le Japon pour son premier voyage officiel en Asie la semaine dernière, alors que ses prédécesseurs choisissaient traditionnellement la Chine pour des raisons économiques. Sans bouleverser les plaques tectoniques de la géopolitique, la guerre en Ukraine contraint les pays à préciser et ajuster leurs positionnements stratégiques.