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Key Points
  • La progression des cinq armées russes est entravée par la résistance des poches ukrainiennes sur la frontière Est et Nord (Chernihiv), puis celle de la périphérie Ouest (Irpin) et Est (Brovary) de Kiev. La plupart des forces russes sont en cours de renforcement et de réorganisation.
  • À moyen terme, on ne voit pas comment les forces russes pourraient réaliser un bouclage efficace de Kiev, sans parler d’un assaut, sans avoir réduit les principales poches de résistance (Chernihiv, Soumy). 
  • Les manifestations et une résistance civile existent dans la zone occupée du Sud. La Russie procède à l’arrestation de maires, et on évoque un projet de « république de Kherson ». Si ce projet est réel, cela indiquerait bien la volonté de morceler le sud de l’Ukraine en républiques vassales.

La version d’hier est disponible ici. L’archive des analyses quotidiennes de Michel Goya est disponible à ce lien.

Situation générale 

Une situation d’équilibre des forces est atteinte. Les capacités d’attaque russes sont contrées par la capacité de défense ukrainienne. Les forces russes recherchent le déblocage par les renforcements et probablement la victoire sur les forces ukrainiennes du Donbass. 

Situations particulières

Campagne aérienne

Il faut bien distinguer ce qui relève de la campagne globale de frappes sur l’ensemble de l’Ukraine des opérations de conquête. Ces dernières sont ralenties, mais la première est très active. On enregistre une multiplication des frappes, le plus souvent par missiles (700 missiles de tous types tirés depuis le début de la guerre) sur l’Ouest de l’Ukraine. On assiste à une bataille de harcèlement des voies d’approvisionnement depuis les pays de l’OTAN : frappes sur les routes et attaque massive par missiles sur la base de Yavoriv à proximité de la frontière polonaise, provoquant de nombreux morts. Il s’agit sans doute de lancer un avertissement aux volontaires étrangers et peut-être aussi aux pays frontaliers de l’OTAN.

On peut imaginer l’emploi de forces de reconnaissance (spetsnaz) et de la 45e Brigade aéroportée pour harceler la zone de l’Ouest ukrainien, impliquant peut-être même des actions au-delà des frontières ukrainiennes… 

Zone de Kiev

La progression des cinq armées russes est entravée par la résistance des poches ukrainiennes sur la frontière Est et Nord (Chernihiv), puis celle de la périphérie Ouest (Irpin) et Est (Brovary) de Kiev. La plupart des forces russes sont en cours de renforcement et de réorganisation. 

À l’Ouest, les 35 et 36e Armées (15 groupements tactiques interarmes au total), la 31e Brigade d’assaut aérien et la 79e Division aéroportée ont échoué à prendre Irpin et à progresser vers Vassylkiv dans le Sud-Ouest. Elles ont également subi des contre-attaques ukrainiennes, avec la destruction du poste de commandement de la 31e BAA et d’un des ponts du génie près de Gostomel.

Il faut rappeler qu’une « Armée » correspond à une unité de manœuvre russe, avec des volumes très variables, proportionnels au nombre de GTIA (bataillon de 500 à 1000 hommes associant chars-infanterie-artillerie, aux unités d’appui (artillerie, génie, artillerie anti-aérienne) et au soutien logistique. 

Les troupes aéroportées et d’assaut par air, forment un service à part avec une organisation particulière. 

Au Nord, les 41e et 2e Armées (20 GTIA au total) sont bloqués par les petites poches de résistance ukrainienne près de la frontière et surtout par la résistance dans la zone de  Chernihiv-Nizhyn, où on retrouve 10 000 à 15 000 soldats Ukrainiens. 

A l’Est, la 1ère Armée blindée de la Garde (24 GTIA) est entravée par la zone de résistance de Soumy et les poches secondaires (1ère bataille), le long de l’axe Soumy-Brovary (2e bataille) et à l’est de Kiev (3e bataille) où il ne reste que 8 GTIA.

Le risque majeur à court terme pour la défense de Kiev réside dans la capacité, pour l’instant faible, de la 36e Armée à couper l’axe Sud de la capitale. À moyen terme, on ne voit pas comment les forces russes pourraient réaliser un bouclage efficace de la ville, sans parler d’un assaut, sans avoir réduit les principales poches de résistance (Chernihiv, Soumy). 

Zone Est

C’est la zone la plus critique de l’armée ukrainienne et celle où l’armée russe peut obtenir une victoire importante sur les forces ukrainiennes grâce à au moins 8 brigades régulières de 24 GTIA, soit le quart de la force de manœuvre terrestre ukrainienne.

Les quatre armées russes de la zone (6e, 20e, 8e et une partie de la 58e, complétée par les 1er et 2e Corps des armées des républiques séparatistes de Donestk et Lougansk et la 810e brigade d’infanterie navale) représentent environ plus de 40 GTIA russes. Entre un quart et un tiers des forces sont consacrés aux sièges de Kharkiv et Marioupol, le reste est consacré à exercer une pression forte sur Ysium (au Nord du front du Donbass) et Staromlynivka (Sud). Pour l’instant les forces ukrainiennes résistent et même contre-attaquent dans la région de Kharkiv, mais pour combien de temps ?

On peut s’attendre à un effort russe du côté de Zaporajjia et Dnipro par la 58e Armée dès que Marioupol sera prise ou si d’autres renforts arrivent par Rostov. La position ukrainienne serait alors difficile. 

Zone Sud-Ouest

Les forces russes sont insuffisantes pour prendre Mykolaev, pour l’instant. Une arrivée de la 336e Brigade d’infanterie navale – signifiant peut-être un renoncement à une opération amphibie – arrive en renfort. On assiste à une progression importante de la 7e Division aéroportée vers Voznesensk, mais l’isolement de l’unité est possible.

Perspectives

On annonce un renforcement russe venant de plusieurs zones géographiques : troupes russes d’Extrême-Orient et des zones extérieures (Haut-Karabakh, Arménie, Tadjikistan, Syrie) ; mercenaires syriens du 5e corps d’armée sous commandement russe (par pont aérien) ; milices d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et prisonniers libérés contre amnisties. Il n’est pas certain que cet apport soit suffisant en volume, et plus encore en qualité pour espérer un renforcement spectaculaire. 

La Russie fait pression sur la Biélorussie pour qu’elle entre officiellement en guerre, mais il existe de fortes réticences dans l’armée biélorusse. On évoque des remplacements d’officiers supérieurs biélorusses par des Russes. 

Les manifestations et une résistance civile existent dans la zone occupée du Sud. La Russie procède à l’arrestation de maires, et on évoque un projet de « république de Kherson ». Si ce projet est réel, cela indiquerait bien la volonté de morceler le sud de l’Ukraine en républiques vassales. Une question demeure : pourquoi n’y a-t-il pas de guérilla résiduelle dans cette région, première région facilement conquise par les Russes ?