- La peur est de retour en Irlande du Nord. À Belfast, depuis le 1er novembre, les tensions sont montées en flèche après que deux hommes armés et masqués ont fait irruption sur la ligne 7a de l’Ulsterbus, ont pris le contrôle du véhicule et y ont mis le feu avec de l’essence. Depuis, la guérilla s’est installée. Mercredi 1, des affrontements entre manifestants et policiers, au cours desquels des feux d’artifice ont été lancés, ont conduit à l’arrestation de deux mineurs. L’Ulster Volunteer Force (UVF) serait à l’origine de l’attaque, et la revendication des loyalistes ne s’est pas fait attendre. L’attaque du bus est survenue, sans surprise, le jour où le Parti unioniste démocratique (DUP) avait fixé une date limite pour revoir les accords post-Brexit. La colère des loyalistes, en somme, est un plaidoyer pour une solution sur le protocole nord-irlandais.
- La ministre des Infrastructures, Nichola Mallon, a confirmé que les hommes qui ont pris possession du bus auraient « marmonné quelque chose » concernant le protocole. La condamnation a été unanime de tous les côtés du spectre politique, qui ont convenu que la violence était « honteuse et lâche », mais aussi inutile. Le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, a déclaré que les progrès sur le protocole avaient été « garantis par l’action politique et non par la violence ». Des gestes extrêmes comme ceux qui ont eu lieu à Belfast ces dernières heures ont l’effet inverse et « consolident le protocole tel qu’il est ». Le dialogue entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne se poursuit, a assuré M. Donaldson, même là où il semblait impossible.
- Pourtant, les condamnations et les assurances ne semblent pas suffire à calmer les esprits. Des épisodes similaires à ceux de ces derniers jours ne sont pas nouveaux en Irlande du Nord, puisqu’ils durent depuis des mois en raison de tensions historiques qui ne se sont jamais apaisées et à cause du Brexit. En avril 2, il y avait déjà des scènes de violence. Les loyalistes n’ont pas apprécié que les 24 dirigeants du parti nationaliste Sinn Fein qui ont participé aux funérailles de Bobby Storney – le visage historique de l’IRA – ne respectent pas les mesures anti-infection, ainsi que l’arrestation de certains membres d’une branche paramilitaire de l’Ulster Defence Association (UDA) pour trafic de drogue. Afin d’éviter un retour à la violence d’un autre temps, le service de police d’Irlande du Nord (PSNI) a assuré qu’il déploiera son personnel pour assurer la sécurité des citoyens.
- Dans un territoire aussi divisé, le Brexit ne pouvait qu’être la mèche d’un baril de poudre. Lors du référendum de 2016, les loyalistes ont suivi l’exemple de Londres en votant Leave, mais la majorité des électeurs nord-irlandais (55 %) ont préféré opter pour Remain. Le protocole entre Londres et Bruxelles a déplacé la frontière entre le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, créant de nombreux problèmes pour le transport des marchandises. Downing Street a pris conscience du problème 3 tardivement, alors que le protocole avait déjà été signé. En conséquence, l’Europe a rejeté la demande d’une nouvelle discussion pour demander un passage de la frontière, maintenant ainsi intacts les accords du Vendredi Saint qui interdisent un point de douane entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.
- La colère des loyalistes a donc éclaté en raison d’un certain nombre de facteurs allant de ressentiments historiques à des questions plus actuelles mais non moins importantes. D’une certaine manière, c’est comme si les loyalistes irlandais se sentaient abandonnés par Londres, qui était bien plus préoccupée par la conclusion d’un accord que par les conséquences internes de cet accord. Le délai donné à Bruxelles par le ministre du Brexit, David Frost, pour réformer le protocole a expiré. Sinon, la menace britannique est un abandon unilatéral. Les membres du DUP restent convaincus que le dialogue est la seule solution, contrairement aux loyalistes. Et les rues de Belfast ont recommencé à brûler.
Sources
- The Guardian, Arrests in Belfast after police attacked in Brexit protocol unrest, 4 novembre 2021
- L’Espresso, Il risveglio dei lealisti in Irlanda del Nord, Luca Sebastiani, 7 avril 2021
- ISPI, Brexit : pasticcio nordirlandese, 22 juillet 2021