Quentin Deluermoz (dir.), D’ici et d’ailleurs. Histoires globales de la France contemporaine, La Découverte.
« Ouvrir l’histoire nationale au « grand large » pour appréhender la complexité de la formation de l’État-nation français depuis le XVIIIe siècle, c’est le pari des historiennes et historiens qui ont pensé et réalisé cet ouvrage. Outre que celui-ci poursuit la perspective d’une histoire moins centrée sur l’exceptionnalisme supposé de l’Hexagone, il est surtout le premier à resituer systématiquement la France dans le contexte global. Et à produire ainsi un autre récit faisant voler en éclats le grand « récit national » ; un récit ouvert aux expériences du monde comme à ses multiples zones de friction ; un récit qui, loin de dissoudre le cadre national, montre qu’on ne peut comprendre la mise en place d’un État-nation qu’en le saisissant dans ses dynamiques à la fois internes et externes.
Empruntant aux histoires transnationales, impériales et globales, cet ouvrage montre la place prépondérante de l’impérialisme « informel » français dans la globalisation ; inscrit la Révolution dans les circulations politiques des Amériques jusqu’à l’Asie, en tenant compte des effets retour ; saisit l’histoire industrielle à partir de son insertion dans les évolutions multiformes du capitalisme mondial ; intègre l’État « moderne » dans le processus d’expansion des administrations à l’échelle transcontinentale ; ou encore montre que l’art « français » doit beaucoup aux circulations internationales avec les autres pôles de référence culturels, comme l’Allemagne puis les États-Unis…De quoi bouleverser quelques-unes de nos certitudes les plus établies sur l’histoire de France. »
Paru le 30 septembre.
Céline Spector, No démos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe, Seuil.
« L’Union européenne engendre-t-elle un déni de démocratie ? En prônant le retour à l’Europe des nations, les adversaires de la technocratie bruxelloise dénoncent la confiscation du pouvoir populaire. Leur argumentaire est rôdé : dans le huis-clos des réunions entre dirigeants, dans l’opacité feutrée de cénacles qui semblent n’avoir de comptes à rendre à personne sinon aux lobbies et aux thinks tanks, la légitimité démocratique s’exténue.
Ce livre montre pourtant que le souverainisme, qui confine la politique à l’État-nation, est une illusion philosophique et une erreur pratique. Les principes de la démocratie moderne (peuple, citoyenneté, volonté générale) ne sont pas niés par le projet européen, ils peuvent y trouver l’occasion d’un approfondissement. Pour combattre l’impasse souverainiste, l’Union européenne doit faire de la solidarité sa nouvelle finalité et mettre en œuvre un fédéralisme social, fiscal et environnemental. Ancré dans la théorie de la république fédérative issue de Montesquieu et des fédéralistes américains, son régime pourra alors conjuguer fédération démocratique et souveraineté du peuple. »
Parution le 7 octobre
→ L’autrice a eu l’occasion de développer la thèse de ce livre dans les colonnes du Grand Continent.
Marcel Gauchet, La droite et la gauche, Gallimard.
« Le clivage droite-gauche est une de ces créations françaises qui ont fait le tour du monde. Il est le produit d’une histoire marquée depuis la Révolution française par une conflictualité aussi intense que complexe. Mais le parcours qui a conduit à la mise en place de cette division canonique des opinions et des identités politiques est loin d’être linéaire. En reconstituer les étapes, comme le fait Marcel Gauchet, est l’occasion de revisiter d’un oeil neuf la singularité de notre histoire politique, en même temps que d’éclairer la signifi cation de ce couple devenu peu à peu constitutif de la vie démocratique. La grande question d’aujourd’hui étant de savoir s’il conserve sa raison d’être au milieu des bouleversements que connaissent nos sociétés, ou s’il appartient à une époque en train de se clore. »
Parution le 7 octobre.
Peter Trawny, Krise der Wahrheit, Piper.
« La bataille pour la vérité fait rage : fake news, faits alternatifs, théories du complot, presse mensongère, Great Reset, ère post-factuelle – la situation est confuse. Y a-t-il un assaut dangereux contre la réalité, une crise de la vérité ?
Peter Trawny pense que non. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est rien d’autre que ce que la vérité est depuis le début : une crise. Car qu’est-ce qu’une crise ? Une décision de vie ou de mort. Et c’est exactement ce qu’est la vérité : un pouvoir qui détermine nos vies dans de nombreux domaines. Par conséquent, Trawny réfléchit au rôle de la vérité dans les domaines des médias, de la politique, de la sphère publique, de l’art, du genre. Car nous ne pouvons pas vivre sans la vérité : nous sommes des êtres de vérité de part en part, notre vie se déroule à la lumière et à l’ombre de la vérité. Elle décide de ce que je pense et de qui je suis. »
Paru le 8 septembre
Giorgio Agamben, Pinocchio. Le avventure di un burattino doppiamente commentate e tre volte illustrate, Einaudi.
« « Aucun livre ne se termine », a écrit Giorgio Manganelli à propos de Pinocchio. « Les livres ne sont pas longs, ils sont larges. La page n’est qu’une porte vers une autre porte, menant à une autre. Terminer un livre, c’est ouvrir la dernière porte, pour qu’aucune porte ne se referme ». C’est une porte de ce genre, communiquant secrètement avec son précédent livre sur Hölderlin, qu’Agamben ouvre avec ce double commentaire, trois fois illustré, sur le livre le plus lu et le plus traduit de toute la littérature italienne. C’est en vivant ses aventures de marionnette, la vente de l’Abbecedario, l’entrée dans le Grand Théâtre, la fuite au pays des jouets, la rencontre avec le Chat et le Renard, la transformation en âne et le voyage dans le ventre de la Roussette que Pinocchio, comme Lucio dans le roman d’Apulée, est initié, mais ce à quoi il est initié, c’est à sa propre vie. Et le livre qui en résulte n’est pas un conte de fées, ce n’est pas un roman, il ne peut être attribué à aucun genre littéraire, tout comme son protagoniste, qui n’est ni un animal ni un homme, il n’est même pas un « qui », mais seulement un « comment » : il est, au sens le plus strict du terme, une issue ou une fuite, tant de l’humain que de l’inhumain – c’est pourquoi il ne fait que courir, et quand il s’arrête enfin, il est perdu. »
Parution le 5 octobre
Georges Didi-Huberman, Imaginer recommencer. Ce qui nous soulève, 2, Minuit
« De quoi procèdent nos gestes de soulèvement ? D’une certaine puissance à en finir avec quelque chose. Mais, aussi, à imaginer que quelque chose d’autre est en train de recommencer. Ce livre propose les éléments d’une anthropologie de l’imagination politique dont on s’apercevra, très vite, qu’elle ne va pas sans une philosophie du temps et de l’histoire.
À la structure tous azimuts du premier volume de cette enquête répond ici un propos concentré sur le moment politique, intellectuel et artistique lié au soulèvement spartakiste de 1918-1919 en Allemagne. Que se passe-t-il lorsqu’une révolution, ayant chez beaucoup fait lever l’espoir, se trouve écrasée dans le sang ? Que reste-t-il de cet espoir ? On découvre qu’à partir du Malgré tout ! lancé par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg à la veille de leur assassinat, c’est toute la pensée moderne du temps et de l’histoire qui se sera trouvée remise en chantier, « recommencée » : notamment par Ernst Bloch et Walter Benjamin, les deux personnages principaux de ce livre (qui s’opposèrent à la pensée du temps mise en place, à la même époque, par Martin Heidegger).
C’est toute une constellation qui gravite ici autour de Bloch et de Benjamin. Elle compte des penseurs tels que Hannah Arendt ou Theodor Adorno, Martin Buber ou Gershom Scholem ; mais aussi des écrivains tels que Franz Kafka ou Kurt Tucholsky ; des dramaturges tels que Bertolt Brecht ou Erwin Piscator ; des artistes visuels tels que George Grosz ou John Heartfield, Käthe Kollwitz ou Willy Römer.
La leçon que nous proposent ces survivants d’une « révolution trahie » est considérable. Elle innerve toute la pensée contemporaine à travers le prisme de l’imagination politique. Elle nous incite à repenser l’utopie à l’aune d’un certain rapport entre désir et mémoire : ce que Bloch nommait des images-désirs et Benjamin des images dialectiques. Elle nous aide, ce faisant, à ouvrir la porte et à faire le pas. »
Parution le 7 octobre
Nepthys Zwer et Philippe Rekacewicz, Cartographie radicale. Explorations, La Découverte.
« Il est des cartes qui disent non. Des cartes radicales, qui dévoilent et dénoncent, qui protestent. Pour comprendre ces cartes rebelles, leur fonctionnement, leurs forces, leurs possibilités, ce livre entreprend un voyage d’exploration au cœur de la création cartographique. Que se passe-t-il exactement quand nous élaborons une carte, qu’elle soit radicale, expérimentale (on parle aussi de cartographie critique ou de contre-cartographie) ou conventionnelle ? Quelles intentions président à sa fabrication et à sa mise en œuvre ?
La première fonction des cartes est de nous aider à nous repérer dans l’espace et à nous déplacer d’un point à un autre. Elles permettent aux bateaux de naviguer et aux avions de voler. Avec des cartes, on fait la guerre, puis éventuellement la paix. Elles sont aussi de formidables machines à rêves, qui façonnent notre image du monde, en fixent la mémoire et finissent par fabriquer notre réalité. Qu’est-ce qui motive cet acte très particulier de mise en forme symbolique du monde, de Strabon à l’anarchiste Élisée Reclus, de la bénédictine Hildegard von Bingen à l’explorateur Alexander von Humboldt, des portulans à la carte d’état-major ? Quelle part de fantaisie créatrice, quelle part de fantasme faustien d’une possible maîtrise de notre environnement, quelle part de sincérité scientifique sont-elles à l’œuvre ?
Entre l’émergence de la cartographie thématique audacieuse de l’ingénieur Charles-Joseph Minard, ou celle des designers d’information Otto et Marie Neurath, et l’approche sémiologique conceptuelle de Jacques Bertin, se situe un point de rupture avec les conventions de la représentation cartographique. Un point libérateur qui a ouvert le champ de l’expérimentation et rendu possible la démocratisation des cartes. Autour des années 1900, le sociologue W.E.B.du Bois et son équipe inventaient de nouvelles façons graphiques de représenter des données statistiques sur la situation des personnes noires aux États-Unis. Quelque soixante ans plus tard, c’était pour dénoncer le même racisme culturel et économique qu’un petit institut de géographie de Détroit, animé par William Bunge et Gwendolyn Warren, donnait ses contours à ce qui deviendra la géographie radicale : une géographie engagée.
Alors, le rapport à l’objet carte change. S’opère une prise de conscience quant à son usage et à ses possibilités. La cartographie radicale va spatialiser les données économiques et sociales, produire des cartes délibérément politiques qui montrent et dénoncent les situations d’inégalités de vie et de droits, les compromissions politico-économiques, les accaparements de terres, la destruction des milieux par l’agro-industrie, la pollution de la planète et tout ce qui hypothèque, d’une façon ou d’une autre, le bonheur et l’avenir de l’humanité. Les cartes, qui jouent traditionnellement le jeu du pouvoir, se font outils de la contestation et instruments d’émancipation politique et sociale quand la société civile se les approprie. Politique, art et science entrent alors en dialogue permanent pour proposer une image non convenue et libre du monde. »
Parution le 7 octobre.
Elissa Mailänder, Amour, mariage, sexualité. Une histoire intime du nazisme (1930-1950), Seuil.
« Comment rendre compte de l’adhésion au nazisme des dizaines de millions de femmes et d’hommes « ordinaires », allemand·es et autrichien·nes, qui lui ont apporté leur soutien des années durant ?
La quête d’épanouissement personnel encouragée par le régime, qu’il s’agisse d’aventures érotiques, des liens affectifs de l’entre-soi forgés dans les organisations nazies ou de la vie conjugale, a contribué à la cohésion interne de la société nazie. C’est l’une des hypothèses fortes de ce livre d’une grande originalité.
Car la sexualité, l’intime et la politisation des désirs ont été au cœur de l’entreprise nazie. C’est ce que montre Elissa Mailänder, en s’appuyant notamment sur l’analyse d’une masse d’archives (dont certaines privées) relatives à la sexualité, aux amitiés, à la vie amoureuse et conjugale des individus de la société majoritaire nazie – « aryens » et hétérosexuels.
Ainsi se dévoile au ras du sol, à l’échelle locale et privée, la construction d’une communauté raciste, hautement politisée, ségrégationniste et violente. »
Parution le 7 octobre
Michael S. Neiberg, When France Fell. The Vichy Crisis and the Fate of the Anglo-American Alliance, Harvard UP.
« Selon le secrétaire américain à la Guerre, Henry Stimson, « l’événement le plus choquant » de la Seconde Guerre mondiale n’a pas été l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, mais plutôt la chute de la France au printemps 1940. Michael Neiberg propose une histoire de la réponse américaine à ce désastre – une politique marquée par la panique et l’incompétence morale, qui a placé les États-Unis aux côtés du fascisme et a failli ruiner l’alliance avec la Grande-Bretagne.
L’invasion réussie de la France par les nazis a déstabilisé les hypothèses stratégiques des planificateurs américains. Sur le plan intérieur, il en a résulté une augmentation considérable des dépenses de défense, l’avènement de la conscription en temps de paix et l’espionnage intérieur pour éliminer les cinquièmes colonnes potentielles. À l’étranger, les États-Unis décident de travailler avec la France de Vichy malgré ses tendances pro-nazies. Le partenariat américano-vichyssois, destiné à gagner du temps et à tempérer les flammes de la guerre en Europe, a fortement tendu les relations anglo-américaines. Les dirigeants américains pensaient naïvement qu’ils pourraient courtiser des hommes comme Philippe Pétain, empêchant ainsi la France de devenir un allié officiel de l’Allemagne. Les Britanniques, en revanche, comprennent que Vichy est inféodé à l’Allemagne nazie et soutiennent plutôt des figures de la résistance comme Charles de Gaulle. Après la guerre, le choix de soutenir Vichy a entaché les relations américano-françaises pendant des décennies. »
Parution le 29 octobre.
Charles-François Mathis, La civilisation du charbon, Vendémiaire.
« Plus précieux que l’or et le diamant, il est un minéral auquel l’Empire britannique a dû son hégémonie : c’est le charbon.
Moteur de l’industrie et combustible domestique assurant jusqu’à 95 % des besoins énergétiques du pays en 1900, il est, à partir du règne de Victoria et jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, indispensable au bien-être du citoyen anglais. Grâce à lui, on cuisine, on se chauffe, on s’éclaire, ce qui induit des gestes particuliers, des savoir-faire singuliers, souvent pris en charge par les femmes. Objet du quotidien et source de rêverie, on compose des poèmes à sa gloire, les enfants apprennent à l’école qu’il est issu de la forêt antédiluvienne enfouie dans les « entrailles sombres de la terre » – on lui attribue même des vertus thérapeutiques.
Mais le « roi Charbon » est un maître cruel : salissant, dégageant une fumée à l’odeur âcre, il noie les villes sous la poussière et le brouillard et tue à foison par maladies respiratoires. Il façonne aussi les paysages à son image – chevalements, terrils, mines… Et sa tyrannie s’exprime au grand jour lors de terribles pénuries, qui rappellent au consommateur angoissé que les réserves de cette roche sédimentaire ne sont pas inépuisables.
L’histoire de la première civilisation dépendante d’une énergie fossile, consciente des chaînes dans lesquelles elle s’emprisonnait, incapable pourtant de s’en défaire. Un avertissement et un enseignement à tirer pour nos sociétés, au mode de vie lié à des ressources destructrices pour l’environnement, dont le charbon fait toujours partie… »
Parution le 1er octobre.
Christophe Charle, Paris, « capitales » des XIXe siècles, Seuil.
« Cet ouvrage explore Paris dans toutes ses dimensions, politiques et sociales, quotidiennes et culturelles, symboliques ou imaginaires. Il s’agit de comprendre comment coexistent, mais plus souvent se heurtent plusieurs mondes et plusieurs époques sur un territoire toujours trop contraint malgré ses élargissements. Grâce aux images et aux témoignages du temps largement cités ou reproduits, on y saisit comment Parisiens et Parisiennes, natifs et nouveaux venus, classes dominantes et classes dominées, classes moyennes et citoyens mobilisés rêvent ou réalisent plusieurs formes urbaines, toujours décalées face aux besoins et aux urgences du temps. Tout prend une nouvelle ampleur dans cette capitale des révolutions et des ruptures, des modes et des cultures d’avant-garde, à la fois archaïque et moderne, toujours inquiète et inquiétante par sa masse humaine et ses tensions récurrentes. De l’invasion de 1814 au conflit de 1914, Paris se reconfigure sans cesse, fascine et fait peur jusqu’à l’autodestruction de 1871, suivie des renaissances flamboyantes de fragiles belles époques. »
Parution le 28 octobre.
Delphine Diaz, En exil. Les réfugiés en Europe de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Gallimard.
« À l’heure où la « crise migratoire », parfois qualifiée de « crise de l’asile », n’en finit pas de diviser les États et les sociétés en Europe, cet ouvrage entend redonner une profondeur historique à une question d’actualité. Il interroge les multiples dénominations et représentations relatives aux « migrants » partis sous la contrainte, en allant de l’« exilé », du « proscrit », au « demandeur d’asile » et au « réfugié ». On y entend résonner les discours prononcés par des proscrits qui ont marqué leur temps, les échos des œuvres littéraires que les exilés nous ont laissées en héritage, depuis Les Châtiments de Victor Hugo jusqu’à Persépolis de Marjane Satrapi, mais on distingue aussi le murmure anonyme des « sans-État », souvent dénigrés et rejetés. Le livre donne enfin la part belle aux oubliés de la migration – femmes, enfants et vieillards –, pourtant largement impliqués dans cette histoire en mouvement. Grâce à un parcours chronologique qui commence avec les insurrections et révolutions de la fin du XVIIIe siècle et s’achève avec le temps présent de la migration contrainte, ce récit transnational de l’histoire des réfugiés donne vie et corps aux exilés d’hier et d’aujourd’hui : il restitue leur expérience collective mais aussi la singularité de leurs parcours européens. »
Parution le 7 octobre.
Domenico Losurdo, La questione Comunista. Storia e futuro di un’idea, Carocci.
« Après la dissolution de l’URSS, le marxisme, notamment en Occident, est entré dans une crise qui semble irréversible. Pour sortir de cette crise – qui n’est pas un « destin » – Domenico Losurdo, sans aucune intention apologétique, articule dans ce livre un bilan historico-philosophique de l’expérience soviétique et du marxisme dans son ensemble. Mais Losurdo fait aussi un pas de plus : il analyse le marxisme pour identifier ce qu’il est encore capable de construire dans un avenir plus ou moins lointain. »
Paru le 23 septembre.
Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales (XV-XVIIIe siècle), Albin Michel.
« Ce livre présente les processus de racialisation qui ont ponctué la transformation de l’Europe et de ses colonies de la fin du Moyen Âge à l’âge des révolutions. Cette histoire éclaire l’évolution des sociétés, des institutions, des cultures et des théories. Elle décrit la volonté de catégoriser les individus et les groupes, de les enclore dans des identités présentées comme intangibles, de discriminer les collectifs dominés, voire d’organiser l’oppression à grande échelle contre des populations définies par leur race.
La racialisation procède par naturalisation des rapports sociaux et des caractères physiques et moraux qui se transmettent de génération en génération, à travers la procréation. Elle repose sur une contradiction : le racisme affirme que les gens sont prisonniers de leur race et s’emploie néanmoins à gérer la transformation des races.
Quatre coups de projecteur permettent de rendre compte de cette histoire : la noblesse de naissance face à l’anoblissement, la nature juive ou musulmane qui persiste dans le sang des convertis, l’origine ineffaçable des métis dans l’Amérique coloniale, la déshumanisation des Africains par la traite esclavagiste.
Ces phénomènes sont les expériences séculaires sur lesquelles les auteurs des Lumières se sont fondés pour classer l’humanité en races. Ils hiérarchisent les groupes humains mais proclament aussi l’universalité des droits de l’homme. Le siècle des philosophes peut alors se lire comme le fruit d’une histoire passée, autant que comme le fondement d’une histoire inachevée, la nôtre. »
Parution le 6 octobre.
Jon Stewart, Hegel’s Century. Alienation and Recognition in a Time of Revolution, Cambridge UP.
« Les conférences que Hegel a données à Berlin dans les années 1820 ont généré une atmosphère intellectuelle passionnante qui a duré des décennies. À partir des années 1830, de nombreux étudiants ont afflué à Berlin pour étudier auprès d’anciens élèves de Hegel, et tant ses premiers étudiants, comme Feuerbach et Bauer, que ceux qui sont arrivés plus tard, comme Kierkegaard, Engels, Bakounine et Marx, sont devenus des penseurs de premier plan au XIXe siècle. L’étude panoramique de Jon Stewart sur la profonde influence de Hegel sur le XIXe siècle révèle à son tour ce que ce siècle a apporté à l’histoire de la philosophie au sens large. Elle montre comment les notions hégéliennes d' »aliénation » et de « reconnaissance » sont devenues les motifs centraux de la pensée de l’époque ; comment ces concepts ont débordé sur d’autres domaines – tels que la religion, la politique, la littérature et le théâtre ; et comment ils ont créé un phénomène culturel si riche et omniprésent qu’il peut véritablement être appelé « le siècle de Hegel ». »
Parution le 28 octobre
Alexandre Stanziani, Capital Terre. Une histoire longue du monde d’après (XIIe-XXIe siècle), Payot.
« Un ouvrage ambitieux à la focale mondiale qui retrace une histoire du capitalisme sur le temps long afin de trouver des solutions viables pour sortir d’un système devenu obsolète. Alessandro Stanziani tente de concilier croissance économique et démographique, justice sociale et protection de l’environnement, avec une attention particulière à la production agricole et à l’alimentation, pour que l’ensemble de l’humanité puisse enfin jouir de ce « capital Terre » qui est notre bien commun. »
Parution le 6 octobre.
Gérard Araud, Henry Kissinger. Le diplomate du siècle, Tallandier.
« Admirateur de Kissinger qu’il a rencontré de nombreuses fois, Gérard Araud raconte l’homme dans toute sa complexité et le parcours exceptionnel de celui qui fut l’un des plus grands acteurs de la politique étrangère du XXe siècle.
C’est l’histoire d’un jeune Juif né en 1923 en Allemagne, dont la famille fuit in extremis le nazisme pour New York. D’une intelligence lumineuse, travailleur et cabotin à l’excès, il sut naviguer en toutes circonstances du Bronx à Harvard jusqu’à la Maison-Blanche. Conseiller national de Sécurité puis secrétaire d’État auprès du président Nixon, Henry Kissinger joua un rôle central dans l’histoire du monde : fin de la guerre du Vietnam, ouverture vers la Chine en 1972, détente avec l’URSS et guerre du Kippour… Ses prouesses furent nombreuses, au Moyen-Orient ou en Russie, ses revers aussi, au Chili ou au Cambodge. Négociateur hors-pair, l’homme suscite autant d’admiration que de détestation. Pourtant, il exerce toujours son influence alors qu’il a quitté le pouvoir depuis plus de quarante ans. Tous les grands se bousculent encore pour le consulter : Poutine, Xi Jinping, Modi ou Macron. C’est en diplomate que Gérard Araud retrace, avec de savoureuses anecdotes, la trajectoire de ce mal-aimé des Américains, homme d’esprit et génie de la Realpolitik qui régla le jeu des puissances pour garantir la paix du monde. »
Parution le 7 octobre.
Emmanuel Lincot, Chine et terres d’Islam. Un millénaire de géopolitique, Puf.
« L’histoire des relations entre la Chine et le monde musulman est ancienne. Elle a donné naissance à des empires et à des phénomènes d’acculturation qui ont façonné l’Eurasie et le Moyen-Orient. Si la Modernité européenne a profondément modifié les rapports de force mondiaux, elle ne s’est pas accompagnée d’une occidentalisation de ces sociétés. Atavismes et traditions politiques semblent aujourd’hui légitimer l’adhésion à des valeurs et des choix de gouvernance autoritaires. Ces choix n’excluent en rien des rivalités ou des alliances parfois antinomiques, qui témoignent d’un inépuisable pragmatisme et interdisent une vision géopolitique bipolaire opposant un monde associé aux États-Unis à un agrégat d’États musulmans non arabes jouant la carte chinoise. »
Parution le 6 octobre.
Réjane Sénac, Radicales et fluides. Les mobilisations contemporaines, Presses de Sciences-Po.
« S’approprier l’espace public, y prendre la parole pour dénoncer les injustices vécues : tel est le principal modus operandi des mobilisations contemporaines, des mouvements d’occupation des places à #MeToo en passant par les Gilets jaunes. Réjane Sénac a interrogé 130 responsables d’association ou de collectif, entrepreneurs sociaux et activistes aux affiliations plurielles, afin de mieux comprendre leur rapport à l’émancipation, notamment la place qu’ils accordent au principe d’égalité. Deux traits communs émergent de cette enquête : les mobilisations – pour la justice sociale et écologique, contre le racisme, le sexisme et le spécisme – sont radicales par les remises en cause et les utopies qu’elles portent, et fluides par leur refus d’un cadre fixe et définitif. La transformation de la société passe par une diversité de tactiques et d’expérimentations. Plus de grand soir à l’horizon, mais des jardins partagés. »
Parution le 24 octobre.
David Potter, Disruption. Why Things Change, Oxford University Press.
« Comment les choses changent-elles ? Cette question est essentielle à l’étude historique de toute époque, mais elle revêt également une grande importance aujourd’hui, alors que les démocraties occidentales voient les principes fondamentaux de leur contrat social confrontés à des défis extrêmes. Ce livre soutient que le changement radical commence toujours par des idées qui ont pris forme en marge de la société. Au fil du temps, le « courant dominant » a été intrinsèquement conservateur, autorisant des changements progressifs mais se consacrant essentiellement à la préservation de ses propres structures de pouvoir, l’idéologie dominante justifiant les relations existantes. Dans ce tour d’horizon du changement radical à travers l’histoire de l’Occident, David Potter montre comment les idéologies qui se développent en opposition ou en réaction à celles qui soutiennent le statu quo sont utilisées pour opérer des changements profonds dans les structures politiques qui, à leur tour, modifient la manière dont les relations sociales sont construites. »
Parution le 28 octobre.