Sutyagin avant d’être Gradov, ou comment un architecte s’adapte aux évolutions du régime soviétique

Avant de prendre le nom de Gradov, un pseudonyme qui renvoie au vieux terme slave «  Grad  » (ville), notre architecte a pour nom de naissance Georgui Sutyagin. Sutyagin est un pur produit du système architectural stalinien. En 1934 il fait partie de la première promotion de doctorants de la toute jeune Académie d’architecture pan-soviétique fondée par la volonté de Staline en 1933. Comme la plupart des doctorants, le jeune Sutyagin s’est choisi pour directeur de thèse le très respecté Ivan Joltovski (1867-1959). Ce dernier est le représentant le plus emblématique du néo-classicisme russe, il a connu une carrière longue et glorieuse avant et après la révolution bolchévique, sachant se rendre indispensable au régime par son expérience et son savoir ; il formera plusieurs générations d’architectes. Sutyagin est donc familier d’une culture architecturale érudite héritée de l’Académie impériale des beaux-arts, qui s’appuie tant sur une connaissance approfondie de l’histoire de l’art que sur une maîtrise rigoureuse des masses et des proportions. Après avoir soutenu sa thèse en 1937, Sutyagin est envoyé au Kirghizistan pour être l’architecte en chef du Kirgizproekt, un bureau d’architecture chargé de l’aménagement de Frounzé (actuelle Bichkek), capitale en pleine croissance de cette petite république d’Asie centrale encore essentiellement peuplée de populations nomades. Il fait partie du premier contingent d’architectes diplômés à se rendre dans cette région. On peut imaginer l’impact qu’une telle expérience a pu avoir sur ce jeune architecte, investi soudainement d’un certain pouvoir dans cette région asiatique pleine de promesses, si étrangère et si éloignée. En 1939, il co-écrit encore sous le nom G.A. Sutyagin un ouvrage sur l’architecture kirghize1.

Gradov fait partie de cette nouvelle génération de diplômés qui a pu bénéficier d’une accélération de carrière grâce au grand renouvellement des cadres qui a coïncidé avec les grandes purges staliniennes de 1936-1938. Dans le domaine politique, le destin de personnalités comme Brejnev ou Kossyguine, qui ont pu bénéficier des places laissées vacantes par les purges, est connu et bien documenté. Staline y voyait une génération de cadres fiables, entièrement formés par le régime communiste, et qui ne pouvaient constituer des rivaux sérieux ou des contradicteurs potentiels comme les vieux compagnons de route qui avaient participé à la révolution.

Lorsque le séjour de Gradov en Asie centrale est momentanément remis en question avec le début de la guerre en 1941, il s’engage immédiatement comme volontaire, et rejoint les unités d’ingénieurs de la 50ème armée soviétique.

G.A. Gradov, immeubles de la rue Kurako, Stalinsk (actuelle Novokuznetsk) 1954-1955. Archives du NIITIAG (Moscou), projet RGNF n°13-04-12003, Youlia Kosenkova et Iouri Volchok.

Les chantiers de reconstruction d’après-guerre lui offrent à nouveau d’importantes opportunités de carrière. Après sa démobilisation en mai 1945, Gradov est nommé directeur d’un atelier du GIPROGOR (Institut d’État d’aménagement des villes), ayant en charge l’aménagement de la ville de Stalinsk (actuelle Novokouznetsk dans l’Oblast’ de Kemerovo en Sibérie occidentale). À 35 ans à peine, il est déjà architecte en chef d’un centre industriel majeur du pays qui allait bientôt compter 300 000 habitants. C’est peut-être à cette période que Sutyagin prend le surnom de Gradov. Son projet pour Stalinsk (image ci-dessous) est un exemple typique de l’urbanisme soviétique de la fin des années 1940. Il y conçoit un plan se distinguant essentiellement par ses qualités graphiques et une architecture classicisante au répertoire ornemental standardisé (image ci-dessus). La triste cité industrielle devait en quelque sorte devenir une nouvelle petite Pétersbourg sibérienne. Gradov travaille à Stalinsk jusque vers 1950, avant d’être recruté au sein de l’Institut des bâtiments publics.

Georgui Gradov, Plan d’aménagement de la ville de Stalinsk (Novokouznetsk) GIPROGOR, 1948-1949. Archives du NIITIAG (Moscou), projet RGNF n°13-04-12003, Youlia Kosenkova et Iouri Volchok.

L’architecte du «  dégel  » et de la révolution technico-scientifique  ?

L’année 1954 est marquée par le concours pour le Panthéon de Moscou, monument qui doit accueillir les sépultures de Lénine et de Staline. Les architectes ont rivalisé pour créer une synthèse paroxystique de la pompe classique et de la monumentalité romaine de l’architecture réaliste-socialiste. 1954 est aussi l’année de l’inauguration de la nouvelle exposition agricole pan-soviétique à Moscou, qui regroupe sur plus de 200 hectares pas moins de 73 pavillons correspondants aux différentes républiques soviétiques et aux secteurs économiques, palimpseste d’architectures décoratives, incarnant à merveille cette architecture «  nationale par la forme, socialiste par le contenu  » qui était devenue l’un des slogans de l’architecture stalinienne.

L’année 1954 est marquée par le concours pour le Panthéon de Moscou, monument qui doit accueillir les sépultures de Lénine et de Staline. Les architectes ont rivalisé pour créer une synthèse paroxystique de la pompe classique et de la monumentalité romaine de l’architecture réaliste-socialiste.

Stéphane Gaessler

C’est pourtant un retournement tout à fait inattendu, et même brutal, explicable par de nombreuses nécessités économiques, sociales, mais aussi politiques, qui se produit à la fin de l’année, au moment du congrès pan-soviétique des constructeurs et architectes, du 30 novembre au 7 décembre 1954. Officiellement convoqué par le Comité central du PCUS et le Conseil des Ministres d’URSS, ce congrès a été mandaté par Nikita Khrouchtchev lui-même, le Premier Secrétaire du Comité central du Parti communiste. Khrouchtchev s’est toujours intéressé à la politique urbaine et aux questions d’architecture, il a d’ailleurs conduit une politique volontariste en la matière lorsqu’il était Premier secrétaire du Parti à Moscou entre 1949 et 1953. Dans son discours prononcé à la fin du congrès, le 7 décembre 1954, Khrouchtchev déroule une violente diatribe contre les architectes. Plus concrètement il y prône l’industrialisation du bâtiment, la généralisation de la préfabrication lourde en béton armé, la réduction des coûts de construction par la standardisation et la sérialisation de l’architecture. 

Khrouchtchev souhaite réorganiser et moderniser toute l’économie de la construction, mais le plus marquant pour les architectes est qu’il ne se limite pas aux aspects techniques et économiques : il aborde également des problèmes de styles et de formes. Khrouchtchev veut en quelque sorte déstaliniser aussi l’architecture, cette architecture marquée par les références à l’histoire et par l’opulence décorative. Les architectes avaient en effet reçu d’importants pouvoirs sous Staline, en particulier après-guerre, avec l’instauration d’un Comité d’État des affaires architecturales, la nomination d’architectes en chef dans chaque ville d’importance et le rôle central joué dans la profession par l’Académie d’architecture.

Khrouchtchev souhaite réorganiser et moderniser toute l’économie de la construction, mais le plus marquant pour les architectes est qu’il ne se limite pas aux aspects techniques et économiques : il aborde également des problèmes de styles et de formes.

Stéphane Gaessler

Khrouchtchev estime que les architectes n’ont pas su faire face aux problématiques qui se sont accumulées durant la reconstruction d’après-guerre  : une croissance urbaine non maîtrisée, l’étalement urbain dû en grande partie au développement sans mesure de la construction individuelle, cette dernière ayant été activement promue par l’État dans l’immédiat après-guerre avec l’édiction d’un oukase du Présidium du Soviet suprême le 26 août 1948 «  Sur le droit des citoyens à acheter ou à faire construire des maisons individuelles  »2. On voit également se multiplier les petites cités ouvrières construites à la va vite par des entreprises, coopératives ou même des ministères, selon des procédés archaïques, le plus souvent en bois, plus rarement en briques. Beaucoup de gens construisent par «  leurs propres moyens  » utilisant les techniques rudimentaires qu’ils connaissent. Il faut massivement former une main-d’œuvre qualifiée largement déficitaire à cause de la guerre, condition indispensable à la modernisation technique du bâtiment. On observe une surpopulation et l’insalubrité de nombreux logements, le gaspillage des terrains auquel viennent s’ajouter les coûts exorbitants de viabilisation de ces nouveaux terrains urbanisés, de l’extension des réseaux de canalisation et de chauffage. Tous les moyens sont concentrés sur l’embellissement des centres villes, et la crise du logement s’enlise. 

Dans le contexte de la révolution urbaine soviétique, il y a urgence à canaliser cette croissance, l’industrialisation et la standardisation offrant pour ce faire de remarquables outils au service de l’harmonisation urbaine, de l’accélération des cadences de production de logements, et de l’amélioration des conditions de vie des habitants3. C’est aussi pour l’État le meilleur moyen de reprendre la main sur des populations dispersées, atomisées, faisant du logement locatif un formidable outil au service du contrôle social et politique des citoyens. Entre 1953 et 1970 la surface habitable double de volume en URSS, 38,2 millions d’appartements et de maisons sont construits, et 140 000 000 de Soviétiques emménagent dans un nouveau logement. En décembre 1963, Khrouchtchev affirmait déjà devant le Comité central qu’en l’espace de 10 ans, 100 000 000 de Soviétiques avaient amélioré leurs conditions d’existence4. Les statistiques de l’ONU montrent que l’URSS dépasse à cette période tous les autres pays en termes de volumes de constructions réalisées et de cadences des travaux.

Le discours de Khrouchtchev de décembre 1954 répondait donc à des attentes réelles, qui avaient commencé à s’exprimer depuis déjà plusieurs mois voire années. Toute l’année 1954 avait été marquée par des débats houleux au sein de l’Académie d’architecture et dans la presse par articles interposés. Gradov joua un rôle de premier plan dans ces événements, en envoyant une lettre au Comité central du Parti communiste dans laquelle il critiquait l’orientation prise par l’architecture soviétique, et l’activité de l’Académie d’architecture qu’il jugeait totalement déconnectée des enjeux contemporains. Sur les six instituts de recherches que comptait l’Académie, un seul s’occupait des questions de technique et d’industrialisation de la construction. La lettre de Gradov participe sans doute d’une manœuvre du pouvoir selon une méthode bien éprouvée en URSS, qui consistait à orchestrer des initiatives venues de la société civile ou des milieux professionnels pour préparer de nouvelles réformes. Gradov n’était pas seul, il se forma lors des assemblées de l’Académie d’architecture, une forme de groupe critique, qui réunissait des architectes de la même génération. Ils avaient étudié ensemble, n’étaient pas membres de l’Académie, et travaillaient comme Gradov dans les instituts de recherche en architecture, spécialisés par branches comme l’Institut des bâtiments publics. Parmi eux, on trouve Nikolaï Chetinine, qui était également cadre au Parti communiste, en tant qu’instructeur chargé de la section dédiée à la construction au sein du Comité central. Chetinine avait pu jouer un rôle dans la coordination de ce groupe d’architectes mécontents et en faire des soutiens des projets réformistes de Khrouchtchev. Lors d’une assemblée de l’Académie d’architecture en octobre 1954, ces architectes avaient exprimé ouvertement leurs désaccords avec la direction de l’Académie présidée par le très stalinien Arkady Mordvinov (1896-1954). Une nouvelle étape était franchie. 

Lors du congrès des constructeurs, Gradov reçut une place d’honneur en prononçant son discours juste avant Khrouchtchev. Il y condamna très durement le style architectural soviétique et sa manie de l’ordre classique, et aurait déclaré : « Quand je regarde le bâtiment de l’Amirauté5, je suis étouffé par une haine de classe ». Il proposa de remplacer l’actuelle Académie d’architecture par une Académie de l’architecture et de la construction. L’audace et l’arrogance de Gradov, qui n’était pas à court de contradictions — beaucoup se rappelaient ses réalisations récentes à Stalinsk — en choquèrent plus d’un. On peut s’interroger sur les motivations réelles de Gradov, entre opportunisme carriériste, — il est suite à ces événements rapidement nommé secrétaire de l’Union des architectes — ou sincérité réelle, Gradov étant sans doute convaincu du bien-fondé des réformes à mener.

Lors du congrès des constructeurs, Gradov reçut une place d’honneur en prononçant son discours juste avant Khrouchtchev. Il y condamna très durement le style architectural soviétique et sa manie de l’ordre classique, et aurait déclaré : « Quand je regarde le bâtiment de l’Amirauté, je suis étouffé par une haine de classe ».

Stéphane Gaessler

Le congrès de décembre 1954 conduit à l’instauration de mesures concrètes, à la préparation desquelles Georgui Gradov a activement participé. C’est d’abord l’adoption par le Comité central du PCUS et le Conseil des ministres de l’URSS, le 23 août 1955, du décret «  Sur les mesures pour le développement de l’industrialisation, l’amélioration de la qualité et la réduction des coûts dans la construction  ». Puis l’adoption le 4 novembre 1955 du décret no 1871 « Sur l’élimination des excès décoratifs dans l’architecture et la construction  ». Ce dernier décret acte la fin de l’architecture «  stalinienne  ». Enfin, le 31 juillet 1957 est adopté le décret n°931 «  Pour le développement de la construction de logements en URSS  », qui planifie la construction par l’État de 215 000 000 de mètres carrés entre 1956 et 1960.

Gradov s’était fait de nombreux ennemis dans la profession suite aux événements de 1954, la consécration professionnelle pour différentes raisons ne durerait pas longtemps. Lors du IIème Congrès de l’Union des architectes réuni en décembre 1955, il fut écarté de la nouvelle direction, perdant le poste prestigieux de secrétaire de l’Union. Il ne retrouve des responsabilités importantes que six ans plus tard lorsqu’il est nommé directeur de l’Institut des bâtiments publics. Entre temps, il joue un rôle non négligeable dans les relations avec l’étranger. Alors qu’il est encore secrétaire de l’Union des architectes, il participe à la délégation soviétique envoyée au IVème Congrès de l’UIA en juillet 1955 à La Haye. Il prend en octobre 1959 la tête d’une délégation en Roumanie et en Bulgarie, où il visite en particulier les dernières réalisations d’architectures balnéaires au bord de la Mer Noire, notamment la station de Mamaïa, dont l’architecture audacieusement moderniste aura une influence certaine sur ses projets d’habitation collective6.

En novembre 1960, il prend la tête de la délégation soviétique conviée à la première assemblée du Groupe de travail international pour la coordination modulaire dans la construction à Copenhague7. Gradov est passionné par cette thématique, il a beaucoup écrit dessus, convaincu de la nécessité de l’établissement de mesures modulaires universelles. Il avait activement participé aux deux congrès internationaux pour la construction standardisée et la coordination modulaire dans les pays socialistes en 1957 et 1959, organisés par la commission de travail sur la construction du Comecon (Conseil d’assistance économique mutuelle)8. Il faut enfin mentionner sa participation remarquée au concours international organisé sous l’égide de l’UIA pour le siège de l’OMS à Genève en 1959-1960. Gradov y avait proposé un schéma assez simple consistant en la juxtaposition d’une barre et d’une salle d’assemblée de forme circulaire, son projet actant surtout aux yeux du monde la pleine intégration de l’architecture soviétique au style international. 

Entre 1955 et le début des années 1960, on peut parler de période d’assimilation et de mise en œuvre progressive des procédés d’industrialisation de la construction et du développement des premières séries préfabriquées. La nouvelle Académie d’architecture et de la construction, créée en 1955 pour remplacer l’Académie d’Architecture de Staline, se consacre non seulement aux recherches scientifiques de fond sur le développement d’une architecture répondant aux nouvelles exigences, mais également à répondre aux nombreuses questions théoriques et existentielles que cette révolution professionnelle soulève. Gradov travaille beaucoup à la théorisation de cette «  nouvelle architecture soviétique  ». Dans le recueil Sovetskaja arhitektura [Architecture soviétique], compilation de textes théoriques publiée en octobre 1955 par l’Union des architectes, synthétisant les résultats de la conférence pan-soviétique des constructeurs de novembre 1954, en préparation du IIème Congrès de l’Union des architectes de novembre 1955, Gradov formule certains principes qui structureront en grande partie le développement de l’architecture soviétique dans les décennies qui suivent9. La construction industrielle, standardisée et préfabriquée en béton armé nécessite selon lui de revoir totalement la manière de faire de l’architecture — celle-ci doit être désormais dirigée par un certain nombre de principes  : la modularité du plan, l’unification des normes et modules en usage, la simplicité géométrique des plans, des éléments structurels et de la tectonique (il parle même de «  géométrie primitive  »), l’uniformisation des configurations et des hauteurs d’étages, la réduction drastique du catalogue et de la nomenclature des typologies et des éléments de construction au profit de typologies «  connexes  », et de pièces à haut niveau de compatibilité ou d’interchangeabilité. 

En ce qui concerne les questions architecturales et artistiques, Gradov exhorte à réduire au maximum les détails décoratifs et les formes qui compliquent les processus constructifs, comme les façades convexes, concaves, les bow-windows, les tourelles d’angles, qui augmentent considérablement le nombre de grues nécessaires au montage. «  Il ne sert à rien d’illustrer sur les façades un thème architectural illusoire  », dit-il, les moyens artistiques doivent servir à valoriser la structure et le système constructif, ce qu’il nomme la «  vérité  » du bâtiment. De même pour le calcul des proportions, Gradov est très critique de ce qu’il qualifie des systèmes abstraits faussement rationnels, comme le nombre d’or qui avait été l’une des manies de son propre maître Ivan Joltovski, et prône un système modulaire, pratique et adaptable.

«  Il ne sert à rien d’illustrer sur les façades un thème architectural illusoire  », dit-il, les moyens artistiques doivent servir à valoriser la structure et le système constructif, ce qu’il nomme la «  vérité  » du bâtiment.

Stéphane Gaessler

S’il admet la nécessité de prendre en compte les conditions climatiques, les matériaux locaux disponibles et certaines spécificités culturelles, il s’agit de résoudre ces problématiques locales à partir d’un système modulaire unifié et d’un catalogue d’éléments de construction unique pour l’ensemble de l’Union soviétique. Plutôt que des catalogues de motifs architecturaux «  nationaux  », il propose de développer des catalogues adaptés aux différentes régions climatiques, les spécificités régionales devant s’exprimer avant tout dans les caractéristiques technico-constructives des bâtiments s’intégrant dans des conditions naturelles, climatiques voire culturelles propres. 

En 1956, un débat est organisé autour de cette question de la forme nationale dans les conditions nouvelles de l’industrialisation par l’Institut de théorie et d’histoire de l’architecture. Gradov et un autre théoricien de la forme nationale, Iaralov, préconisent l’innovation en conservant seulement ce qu’ils considèrent comme les aspects «  progressistes  » de la tradition, tout ce qui a un lien avec les conditions naturelles, les traditions constructives de la maison populaire, certains procédés constructifs rationnels, des gammes de couleurs, qui peuvent faire l’originalité régionale d’une architecture, sans qu’elle soit enfermée dans le carcan de l’historicisme et de l’opulence ornementale. Gradov considère également que l’industrialisation de la construction nécessite une révision totale de la pensée urbanistique. Il est très critique vis-à-vis de la construction individuelle et de la multiplication des maîtres d’œuvres, qu’ils soient particuliers, des coopératives, petites ou grandes entreprises voire ministères, prônant une re-concentration des compétences de maîtrise d’ouvrage dans les mains des organes centraux de l’État. Il condamne tout ce qu’il a lui-même appliqué à Stalinsk  : l’imitation de l’urbanisme classique et notamment des grands thèmes de l’urbanisme de Saint-Pétersbourg (grandes places circulaires, avenues radiales rayonnantes du centre). 

Pour lui, les architectes ont dessiné les plans de ville en sacrifiant les exigences fonctionnelles aux effets artistiques et à la beauté du dessin graphique, les villes étaient littéralement conçues pour être vues du ciel, ou du moins en maquette par les dignitaires du Parti ou le Vojd en personne. C’est aussi le principe du Kvartal (Quartier-îlot délimité par des immeubles) qui est au cœur de ses critiques, Gradov contribuant à diffuser le nouveau modèle du microrajon, le micro-district, dont les principes se rapprochent de certaines idées de la cité-jardin, notamment la libre disposition des bâtiments dans le plan, l’abandon de la «  rue-corridor  » au profit d’une ouverture des quartiers par les espaces verts, la différenciation fonctionnelle des espaces et des réseaux viaires, enfin la présence à courte distance des immeubles d’habitation de commerces, de garderies et d’écoles, de services publics et socio-culturels divers, d’installations sportives contribuant au bien-être et à la vivacité du quartier.

Pour lui, les architectes ont dessiné les plans de ville en sacrifiant les exigences fonctionnelles aux effets artistiques et à la beauté du dessin graphique, les villes étaient littéralement conçues pour être vues du ciel, ou du moins en maquette par les dignitaires du Parti ou le Vojd en personne.

Stéphane Gaessler

L’architecte d’un nouvel urbanisme socialiste ? De la maison-commune à la «  ville collective  »

Le système architectural subit sous Khrouchtchev des réformes et des réorganisations successives pour répondre aux nouveaux enjeux de l’industrialisation, et à la nécessité de mettre l’architecture au service de la construction préfabriquée. Elles reflètent également certaines obsessions de la politique du Premier secrétaire, celle d’abord de tout changer et de tout moderniser, enfin celle de décentraliser et de déconcentrer les administrations, décentralisation qui n’est pas seulement géographique mais également fonctionnelle, avec une hyperspécialisation des instituts de recherche et de conception en architecture. En 1964 sont créésau sein du Gosstroï les CNIIEP (Instituts centraux de recherche et conception pour la construction expérimentale et standardisée), chargés d’élaborer les nouveaux « projets-types » ou « séries » de bâtiments destinés à être appliqués sur l’ensemble du territoire soviétique.

Cette réforme est taillée sur mesure pour la production d’une architecture préfabriquée et standardisée, et a pour principale caractéristique de sectoriser la recherche et la conception dans des instituts dédiés à différentes «  branches  » du bâtiment. On trouve notamment un CNIIEP du logement, un CNIIEP des bâtiments de commerce, un CNIIEP des bâtiments de soins et de cure, le CNIIEP des architectures sportives et des bâtiments de spectacle et le CNIIEP de l’équipement technique. Le domaine de l’urbanisme est traité par l’important CNIIP Grad. Pour répondre à l’objectif de décentralisation, on crée également des Instituts « zonaux » implantés dans les grands centres de province, comme Kiev, Leningrad, Novosibirsk et Tachkent, et dont le travail consiste soit à adapter les séries produites par les CNIIEP, soit à développer des solutions nouvelles propres aux conditions des grandes zones climatiques qu’ils doivent couvrir.

Georgui Gradov, Plan général pour une ville collective de 240 000 habitants, années 1960. G.A. Gradov, Город и быт, Moscou  : Издательство литературы по строительству, 1968, p. 183.

Gradov prend la direction en 1964 du CNIIEP des bâtiments d’enseignement, dont la fonction est d’élaborer des projets-types pour des crèches, des jardins d’enfants, des écoles, des instituts d’enseignement techniques ainsi que des établissements d’enseignement supérieur. L’Institut est amputé du large secteur des bâtiments publics, ce qui n’empêchera pas Gradov de poursuivre ses recherches sur le logement collectif, le micro-district et la ville. Si les établissements d’enseignement apparaissent dans ses travaux, ils ne sont traités que comme les rouages d’un mécanisme plus vaste de services sociaux et culturels. Entre 1960 et 1963 paraissent les premiers articles de Gradov dans les journaux Kommunist, Novy Mir et Oktjabr, qui popularisent ses recherches sur une nouvelle organisation urbaine. En 1961, il développe deux premières séries, 467 et 468, de complexes-types rassemblant des logements et des services. Mais ce n’est qu’en 1968 que Gradov publiera la somme de ses recherches dans un ouvrage qui sera un best-seller de la littérature sur l’urbanisme en URSS, La ville et le mode de vie, perspectives de développement de systèmes et de typologies de bâtiments publics10. L’ouvrage est traduit en allemand en RDA. Il est tout à fait significatif que le livre soit préfacé par Stanislav Stroumiline (1877-1974), un des économistes théoriciens les plus importants de la planification économique et de l’aménagement du territoire soviétique dans les années 1920. Stroumiline était en particulier l’un des fondateurs en 1929-1930 de la théorie «  urbaniste  » dont se réclamait Gradov, par opposition au courant désurbaniste, qui consistait essentiellement à rationaliser le développement des villes en les subordonnant aux besoins de l’industrie. Autrement dit, les sotsgorods (villes socialistes) étaient des quartiers ou des villes nouvelles qui apparaissaient à proximité des nouveaux centres d’extraction ou de transformation des matières premières. 

L’ouvrage de Gradov a le mérite de reconstituer une généalogie des expérimentations menées sur le logement en URSS, en particulier les projets de maisons communes développées entre 1926 et 1930 par des architectes constructivistes comme Vladimir Majat (1876-1954), Ivan Sobolev (1903-1971), Ivan Nikolaev (1901-1979), Vladimir Vladimirov (1886-1969), Mikhail Barsсh (1904-1976) ou encore Moïsseï Ginzburg (1892-1946). D’un point de vue historiographique, le livre de Gradov réactualise des projets qui avaient été largement oubliés, et même ostracisés à partir du début des années 1930. Il faut rappeler qu’une partie des architectes constructivistes sont encore vivants au milieu des années 1960 et que certains retrouvent, sous Khrouchtchev, des responsabilités. C’est le cas par exemple du recteur de l’Institut d’architecture de Moscou Ivan Nikolaev (1901-1979), et de plusieurs professeurs au sein même de cet Institut qui forment toute une génération d’architectes au cours des années 1950-1960, comme Vladimir Krinski (1890-1971), ancien professeur des Vkhoutemas, qui reprend en 1962 un cours de composition abstraite des espaces et des volumes, matière interdite durant la période stalinienne, Anatoly Fisenko (1902-1982) à la faculté de construction industrielle, ou encore Grigori Simonov (1893-1974). On assiste à la transmission d’un héritage de concepts, de formes, de techniques et de valeurs, par delà les décennies de répression et d’exclusion. 

Gradov s’inscrit également dans tout un courant contemporain de recherches expérimentales en URSS qui se nourrit de cette redécouverte du constructivisme, du rationalisme, des travaux théoriques des urbanistes et des désurbanistes des années 1920-1930, mais également des courants expérimentaux que l’on voit se développer en Occident à la même époque. Tout cela participe aussi de tendances culturelles propres à l’ère du dégel, et répond également à la politique idéologique de Nikita Khrouchtchev qui propose de construire une société communiste en 20 ans, opérant un retour vers les fondamentaux idéologiques du léninisme. L’approche expérimentale a été favorisée par l’organisation de plusieurs concours d’urbanisme portant sur l’aménagement de quartiers d’habitations  ; le concours international de 1960 pour un projet de quartier d’habitation dans le sud-ouest de Moscou  ; en 1964 le concours fermé (c’est-à-dire avec des participants préalablement choisis) pour l’élaboration d’une unité d’habitation de 6 000 habitants dans le quartier expérimental du sud-ouest de Moscou, enfin, fin 1964, un concours d’idées ouvert pan-soviétique (c’est-à-dire non international) pour un immeuble de 2000 habitants avec des services entièrement collectivisés. Il est à remarquer que Gradov et son institut ne participent pas à ces différents concours ; y participent des instituts spécialisés dans le logement ou l’urbanisme. Gradov n’aura jamais l’opportunité de mettre en pratique sa théorie, contrairement à Nathan Osterman (1916-1969), l’autre figure du retour au logement collectif, qui réalise l’un des chantiers les plus emblématiques des années 1960 à Moscou : la Maison du nouveau mode de vie (image ci-dessous), complexe résidentiel de 2200 habitants comportant de nombreuses aménités collectives.

Gradov s’inscrit également dans tout un courant contemporain de recherches expérimentales en URSS qui se nourrit de cette redécouverte du constructivisme, du rationalisme, des travaux théoriques des urbanistes et des désurbanistes des années 1920-1930, mais également des courants expérimentaux que l’on voit se développer en Occident à la même époque.

Stéphane Gaessler
Nathan Osterman, La maison du nouveau mode de vie (1965-1971), Moscou. ©EkaterinaFefilova

Gradov est au courant des dernières réalisations occidentales. C’est un architecte bien informé, parce qu’il voyage et qu’il participe lui-même à de nombreux événements internationaux. Il a également accès aux riches collections d’ouvrages, revues étrangères et documentations professionnelles que l’Académie d’Architecture reçoit via son organe dédié, le CINIS (Institut central de l’information scientifique sur la construction et l’architecture du Gosstroï de l’URSS).

Georgui Gradov, Projet expérimental d’immeuble-tour pour 6000 habitants, années 1960. G.A. Gradov, Город и быт, Moscou  : Издательство литературы по строительству, 1968, p. 181.

Gradov s’appuie sur des références issues d’écoles nationales diverses : scandinaves, tchèques, allemandes, françaises, britanniques, italiennes. Il semble en particulier avoir été marqué par l’immeuble collectif «  Koldum  » de Litvinov en Tchécoslovaquie, construit par les architectes tchèques Vaclav Hilsky (1909-2001) et Evžen Linhart (1898-1949) entre 1947 et 1958 (image ci-dessous). À l’inverse, l’unité d’habitation de Marseille de Le Corbusier, bien que présentée en exemple, est abondamment critiquée et qualifiée de cité pour millionnaires. Gradov s’inspire également de recherches plus contemporaines et expérimentales, comme le projet «  colline solaire  » des allemands Hermann Schröder (1928-2016) Roland Frey et Claus Schmidt, qu’il trouve dans la revue Architektur Wettbewerbe11, ou encore le projet méconnu d’architectes français pour un complexe résidentiel de forme pyramidale au Sahara, trouvé dans L’architecture d’aujourd’hui. Le panorama particulièrement intéressant présenté par l’auteur remet en cause l’idée d’une domination totale des modèles américains ou de Le Corbusier.

Vaclav Hilsky (1909-2001), Evžen Linhart (1898-1949), «  Koldum  » de Litvinov, Tchécoslovaquie, 1947-1958.

Gradov reproche cependant à ces différents projets, qu’ils soient soviétiques ou étrangers, de ne porter que sur des opérations isolées et très coûteuses, qui ne procèdent le plus souvent qu’à une collectivisation partielle et peu rationnelle des services et du mode de vie. Gradov ambitionne d’aller beaucoup plus loin, en traitant cette question à une échelle urbaine. Son système urbain se divise en trois niveaux : l’unité d’habitation, le micro-district (unité de voisinage réunissant plusieurs immeubles autour d’aménités collectives et de services socio-culturels), et la ville.

Les racines du microrajon, qui devient le sujet principal des recherches conduites par Gradov, se trouvent du côté de travaux produits par des américains dans les années 1920-1930, notamment ceux de l’urbaniste Clarence Arthur Perry (1872-1944) à New York, qui avait élaboré sa Neighbourhood Unit à partir des définitions sociologiques du voisinage de l’école de Chicago, et des recherches conduites par le britannique Thomas Adams (1871-1940). Au sein de la Regional planning association of America, Clarence Stein, Henry Wright et Lewis Mumford défendaient le projet d’unités urbaines autosuffisantes comme solution alternative à l’expansion suburbaine indéfinie des villes américaines. Clarence Stein et Henry Wright avaient notamment expérimenté les principes de la Neighbourhood Unit dans la ville nouvelle de Radburn dans le New-Jersey. Dans l’immédiat après-guerre, en 1945-1946, quand une coopération dans le domaine de l’architecture existait encore entre l’URSS et les États-Unis, un concours fut lancé pour l’élaboration de projets expérimentaux de micro-districts. Le problème du micro-district fut discuté lors de la rencontre des architectes de Moscou et Léningrad en juin 1946 et à la conférence pan-soviétique sur la construction de bas-étage à Tallinn, en août 1946. Mais avec le début de la guerre froide, les modèles étrangers sont fermement rejetés : la cellule du parti au sein de l’Union des architectes condamne les publications traitant de l’architecture étrangère et, en 1947, le terme micro-district, associé au terme Neighbourhood Unit, disparaît des lexiques.

Avec le début de la guerre froide, les modèles étrangers sont fermement rejetés : la cellule du parti au sein de l’Union des architectes condamne les publications traitant de l’architecture étrangère et, en 1947, le terme micro-district, associé au terme Neighbourhood Unit, disparaît des lexiques.

Stéphane Gaessler

Gradov cite plutôt des réalisations européennes, notamment les unités de voisinage des quartiers d’habitation de Vigna Clara à Rome, des Grandes Terres à Marly-le-Roi des architectes Marcel Lods et Jean-Jacques Honegger, le district d’Alton Estate à Roehampton (Londres) conçu sous la direction de Rosemary Stjernstedt, ou encore la ville nouvelle de Vällingby en Suède dessinée par Sven Markelius, car elles proposaient l’association de l’unité de voisinage avec de grands immeubles collectifs. Les recherches de Gradov aboutissent à la définition d’un micro-district idéal type de 10 000 habitants, unité première d’une ville « collective » de 240 000 habitants. Il théorise une organisation « échelonnée » des services urbains et des habitations, un système reposant sur les données démographiques et les distances de déplacement. La conception urbaine de Gradov devient très populaire au début des années 1960, inspirant de nombreux architectes, et fait l’objet d’intenses discussions, notamment au sein du Club théorique de l’Union des architectes. 

Georgui Gradov, Projet pour une ville collective de 240 000 habitants, années 1960. G.A. Gradov, Город и быт, Moscou  : Издательство литературы по строительству, 1968.

La ville de Gradov est adaptée à une politique économique centrée sur la production industrielle, et non sur les services, sur la production plutôt que sur la consommation. Si Gradov s’est intéressé à la question du temps libre, renvoyant aux prévisions de Stroumiline qui parlait de réduire la journée de travail à 4 heures contre 10 heures de temps libre, il propose une gamme prédéfinie de services et de loisirs bien trop organisée et limitée pour concurrencer les loisirs d’une société libre.

À cette conception d’une ville ayant une taille optimale et une organisation socio-économique idéale certes, mais comme figée une fois pour toute, s’oppose tout un courant expérimental prônant un urbanisme dynamique et évolutif. C’est le cas des recherches conduites par une génération d’architectes plus jeunes, mais aussi de sociologues, philosophes, cybernéticiens, à l’image du projet NER présenté par des étudiants du MArchI (Institut d’architecture de Moscou) en 1960, ou de l’urbanisme cinétique de Konstantin Pchelnikov (1925-2001) et d’Andreï Ikonnikov (1929-2001). La vision de Gradov, qui avait mis l’architecture et l’urbanisme au service de la révolution sociale et technique de Khrouchtchev, devint l’une des cautions théoriques de cette architecture monotone et de cet urbanisme uniforme : symboles de la stagnation brejnévienne.

Sources
  1. Niallo, G.A. Sutyagin, S.Ja. Šejh  А. Ниалло, Г.А. Сутягин, С.Я. Шейх, “Киргизская архитектура” [Architecture kirghize], Искусство Советской Киргизии [Art de la Kirghizie soviétique], Мoscou – Léningrad :  Государственное издательство “Искусство”, 1939.
  2. En 1952 la part des constructions  individuelles représentait dans les villes grandes et moyennes près de 70 pourcents du total construits. Борис Светличный, “Неотложные задачи советского градостроительства” [Les tâches urgentes de l’urbanisme soviétique] , Архитектура СССР, н. 11, 1954, 27-30.
  3. La population urbaine a dépassé la population rurale au 1er janvier 1962 avec 111, 8 millions de personnes sur une population totale de 219,7 millions, atteignant un taux d’urbanisation de 55 pourcents vers 1968. D’après les données citées dans le compte-rendu de Jean Davis, sous-directeur de la Direction de l’aménagement foncier et de l’urbanisme, lors de la mission française « Villes nouvelles » en URSS du 14 au 26 septembre 1969 et d’après une étude sur la distribution de la population et la régulation de la croissance urbaine produite par le CNIIP Grad, conduite sous la direction de Chkvarikov, Khodataev et Kudriavtsev, 1966-1967. Archives nationales, Service de la coopération technique du Ministère de l’équipement, coopération franco-soviétique 1958-1979, 19840229/15 -17.
  4. Maksim Trudoljubov Максим Трудолюбов, Люди за забором. Власть, собственность и частное пространство в России [Les gens derrière la clôture. L’espace privé, le pouvoir et la propriété en Russie], Moscou : Новое Издательство, 2015.
  5. L’amirauté est un bâtiment emblématique du classicisme russe à Saint-Pétersbourg, édifié au cours du XVIIIème et au début du XIXème siècle.
  6. G.A. Gradov, P.V. Kumpan Градов Г.А., Кумпан П.В. Отчет о командировке в Румынию и Болгарию по изучению курортного строительства с 30 октября по 7 ноября 1959 г. [Rapport de la délégation en Roumanie et en Bulgarie pour l’étude de l’architecture balnéaire du 30 octobre au 7 novembre 1959], RGAE (Archives économiques d’Etat), fonds 339, Op.  9, d. 97.
  7. G.A. Gradov, D.B. Khazanov Градов Г.А., Хазанов Д.Б. Отчет о работе первого совещания Международной рабочей группы по модульной координации в строительстве, состоявшегося в Дании с 9 по 11 ноября 1960 г. [Rapport de la première rencontre internationale du groupe de travail sur la coordination modulaire dans la construction, qui s’est tenue au Danemark du 9 au 11 novembre 1960], RGAE (Archives économiques d’Etat), Fonds 339, Op. 9, d. 118.
  8. G.A. Gradov, D.B. Khazanov, О введении единого модуля и программе дальнейших работ по модульной координации и унификации в проектировании [Pour l’introduction d’un module unique et pour un programme d’études sur l’approfondissement de la coordination modulaire et la standardisation dans la conception architecturale], Г. А. Градов, чл.-кор. АС и А СССР, Д. Б. Хазанов ; 2-е Международное совещание по типовому проектированию. Секция проектных решений типового проектирования и норм Постоянной комис. по строительству Совета Экон. взаимопомощи [IIème congrès international sur la construction standardisée. Département des études pour l’établissement de normes et de solutions pour la conception architecturale standardisée, Commission permanente de la construction au sein du Conseil d’assistance économique mutuelle] – Москва : [б. и.], 1959. – 36 с. ; 20 см.
  9. G.A. Gradov Градов Г. “Архитектура и строительная техника на современном этапе” [La technique constructive et l’architecture à l’étape contemporaine], Советская архитектура . Recueil de l’Union des architectes soviétiques de l’URSS.  Сб. ССА СССР. Moscou : Стройиздат, 1955, édition 7, 1955 p. 7-26.
  10. G.A. Gradov Градов, Георгий Александрович. Город и быт. Перспективы развития системы и типов общественных зданий [La ville et le mode de vie, perspectives de développement de systèmes et de typologies de bâtiments publics], Moscou  :  Издательство литературы по строительству, 1968. 251 p.
  11. Architektur Wettbewerbe, 1960, N°28, p. 78-81.