• L’Agence internationale de l’énergie se montre très pessimiste quant à la transition énergétique. Celle-ci estime que l’application des mesures de relance économique actuellement envisagées ne suffirait pas à empêcher une forte augmentation des émissions de CO2 en 2023. Celles-ci seraient supérieures de 3 500 millions de tonnes à la trajectoire envisagée pour parvenir à l’objectif de zéro émissions de CO2 d’ici 2050, modélisée dans une feuille de route publiée en mai dernier1. Dans l’éventualité où les mesures de reprise durable seraient toutes appliquées, les émissions de CO2 continueraient à augmenter progressivement, jusqu’à revenir au niveau historique de 2018, comme l’indique le graphique ci-dessous :
  • Le rapport de suivi de la reprise durable de l’IEA mesure les plans de reprise mondiaux à l’aide d’un nouvel outil : le Sustainable Recovery Tracker, qui traque les mesures prises par une cinquantaine de pays. Le processus comporte trois étapes : le développement d’un référentiel des politiques énergétiques des pays ainsi que de leurs dépenses consacrées aux mesures de relance durable en termes d’énergie, l’évaluation de l’impact de ces mêmes mesures sur les dépenses publiques et privées, puis l’évaluation de leur impact sur l’évolution des émissions de CO2.
  • Pendant le deuxième trimestre 2021, 380 milliards de dollars (qui représentent 2 % à peine du budget total accordé à la relance post-Covid19) ont été alloués à des mesures d’énergie propre, finançant la transition énergétique. Ces dernières, additionnées aux nouvelles mesures énergétiques, permettraient « d’augmenter de 30 % les dépenses liées aux énergies propres et aux réseaux électriques entre 2021 et 2023 » (350 milliards de dollars supplémentaires par an). Cependant, ce montant ne représente que 35 % des dépenses globales nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, envisagées par le plan de relance durable de l’AIE.
  • Le secteur de l’énergie (en prenant en compte la production d’électricité) est responsable de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Cependant, les investissements nécessaires à la transition énergétique sont bien inférieurs aux ressources qui devraient être mobilisées pour remplir les objectifs fixés par l’AIE dans son Plan de relance durable2.
  • Les disparités entre pays sont importantes. La plupart des dépenses allouées à la transition énergétique sont mises en place dans les pays du G20, dont il est estimé que les mesures de relance devraient couvrir 60 % de leurs besoins d’investissement. Pour les économies émergentes et en développement, ce taux est nettement insuffisant puisqu’il atteint seulement 20 %. L’AIE affirme qu’un soutien renforcé des banques de développement et des institutions financières sera nécessaire pour aider la reprise des économies émergentes et en développement, mais aussi pour accélérer le financement de la transition vers des énergies propres. 
  • L’Europe fait figure de bon élève dans le domaine, toutefois, l’objectif de neutralité carbone ne pourra être atteint sans solidarité internationale. Un tiers des 1824 milliards d’euros d’investissements du cadre financier pluriannuel et du plan de relance NextGenerationEU financeront le Pacte Vert, et à travers son plan Fit for 55, l’Union s’engage à une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Cet objectif – s’il parvient à être maintenu – rentrerait dans les projections de l’Agence en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, limitant la montée globale de la température à 1,5° C.
  • Plusieurs pays ont récemment montré des signes de bonne volonté – bien qu’insuffisants – pour parvenir à cet objectif de 2050. La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, a récemment lancé son marché carbone pour atteindre la neutralité carbone en 2060. Celui-ci ne concerne toutefois (pour l’instant) que l’électricité, alors que le mix énergétique chinois est composé à plus de 70 % par le charbon. L’Allemagne, quant à elle, a adopté le 12 mai dernier un plan « d’accélération des ambitions climatiques » du pays, pour réduire de 65 % les émissions de CO2 dès 2030, atteignant la neutralité carbone dès 2045. Le rapport de l’AIE est alarmant et insiste sur l’une des principales causes qui conduirait au scénario catastrophe : les mesures nationales sont efficaces, mais elles seront insuffisantes si rien n’est fait à l’échelle globale.
Sources
  1. « Net Zero by 2050, A Road Map for the global energy sector », Agence Internationale de l’Énergie, mai 2021.
  2. « Sustainable Recovery, World Energy Outlook Special Report », Agence Internationale de l’Énergie, juin 2020.