Key Points
  • Le vote indépendantiste au Pays de Galles, représentant entre un tiers et un quart de l’électorat, est fortement corrélé à la maîtrise de la langue galloise, prédominante dans l’Ouest du pays. Celui-ci est cependant loin d’atteindre les niveaux observés notamment en Écosse.
  • Le parti travailliste (Welsh Labour) au pouvoir a remporté une victoire éclatante lors des élections galloises début mai. Sa gestion de la pandémie, son positionnement comme parti gallois plutôt que britannique et la popularité du premier ministre Mark Dreadford ont joué en sa faveur. Cependant les Conservateurs ont également remporté un certain succès.
  • Le parti travailliste, très régionalisé aux Pays de Galles, plutôt décentralisateur en Angleterre et nettement unioniste en Écosse, est confronté à trois dynamiques politiques bien différentes, rendant difficile l’élaboration d’une stratégie commune.
  • La participation faible (quoique en hausse) observée le mois dernier s’explique d’abord par le faible enjeu du scrutin, dont les travaillistes étaient donnés grands favoris.

Docteur Larner, avant d’aborder la situation démographique, politique et économique actuelle du Pays de Galles, ainsi que son importance pour l’évolution du Royaume-Uni, commençons par quelques questions sur les résultats des dernières élections au Senedd, le parlement gallois. Les résultats du parti nationaliste gallois, Plaid Cymru (PC), ont été de bien moindre envergure que ceux du Scottish National Party (SNP) en Écosse, qui a une fois de plus remporté les élections — les nationalistes arrivant à un seul siège de la majorité absolue au parlement d’Edimbourg. Comment expliquer la faiblesse relative du mouvement nationaliste au Pays de Galles  ? Et, plus largement, quelle forme prend le soutien à l’indépendance galloise, qui la revendique, dans quelles régions, et avec quels horizons dans un avenir proche  ? 

Jac Larner est docteur en sciences politiques, maître de conférences à l’Université de Cardiff et membre des équipes en charge des enquêtes électorales galloise et écossaise.

Tout dépend de la façon dont on mesure l’opinion, et de la façon dont on pose la question. On admet généralement qu’entre un quart et un tiers de la population galloise se dit favorable à l’indépendance du pays.

Historiquement, le soutien à l’indépendance a été fortement corrélé à la capacité de parler gallois. Nous avons en effet deux langues officielles au Pays de Galles, l’anglais et le gallois, et les personnes qui parlent gallois — ce qui représente environ une personne sur cinq — ont toujours été beaucoup plus favorables à l’idée d’un Pays de Galles indépendant.

Au cours des dernières années, probablement depuis le Brexit, le nombre de personnes se déclarant pour l’indépendance a augmenté, bien qu’il soit toujours demeuré très loin de l’engouement indépendantiste écossais. Cette question n’est en réalité pas vraiment un élément clé de la politique galloise, alors qu’en Écosse, on pourrait dire que le clivage prédominant est aujourd’hui celui de l’indépendance. 

De plus, il est intéressant de noter que le soutien plus fort à l’indépendance galloise ne s’est pas traduit par une amélioration conséquente des résultats de Plaid Cymru, le seul parti ouvertement pro-indépendance. Au lieu de cela, nous avons observé un soutien renforcé au parti travailliste gallois, le Welsh Labour, qui est pourtant un parti unioniste. Les travaillistes ont en fait adopté un discours qui semble de plus en plus favorable à l’idée d’un Pays de Galles plus indépendant, si ce n’est totalement indépendant. On a donc constaté que le soutien croissant à l’indépendance n’a pas entraîné une vague de soutien à Plaid Cymru : il est en réalité ;le fait des partisans travaillistes.

La carte électorale est assez nette : on observe un soutien massif pour Plaid Cymru sur la côte ouest du pays. Cela peut-il s’expliquer par des traditions spécifiques ou d’autres enjeux démographiques ou politiques ?

Cette répartition s’explique principalement, à nouveau, par un facteur linguistique. Tout comme le soutien à l’indépendance, le soutien à Plaid Cymru en tant que parti est très fortement corrélé à la capacité de parler gallois. C’est là l’une des grandes différences avec l’Écosse : au Pays de Galles, beaucoup de gens qui ne parlent pas le gallois ne considèrent pas pouvoir voter pour Plaid Cymru, qui apparaît comme le parti des locuteurs gallophones. Cette perception freine donc dans une certaine mesure les progrès de Plaid Cymru, lui imposant une forme de plafond naturel. À l’inverse, sur la côte ouest et nord-ouest, , où la proportion de gallophones est plus forte, atteignant par endroits jusqu’à 80 %, les nationalistes enregistrent de bien meilleurs scores.

Tout comme le soutien à l’indépendance, le soutien à Plaid Cymru en tant que parti est très fortement corrélé à la capacité de parler gallois. C’est là l’une des grandes différences avec l’Écosse : au Pays de Galles, beaucoup de gens qui ne parlent pas le gallois ne considèrent pas pouvoir voter pour Plaid Cymru, qui apparaît comme le parti des locuteurs gallophones.

Jac Larner

Les nationalistes ont toutefois aussi eu un certain succès dans le sud du Pays de Galles. C’est le cas entre autres dans les Vallées, les South Wales Valleys, une zone assez fortement peuplée notamment connue pour ses anciennes mines charbon. Plaid Cymru y a aussi enregistré de bons résultats, mais en exploitant le thème de l’identité galloise davantage que celui de la langue. En effet, dans les Vallées, peu de gens parlent gallois, probablement entre 10 et 20 %, mais les habitants s’y sentent très fortement gallois. Beaucoup d’entre eux diront qu’ils ne sont pas britanniques, qu’ils ne se sentent pas britanniques, mais au contraire résolument gallois. La poussée nationaliste n’a néanmoins pas été assez forte pour renverser le parti travailliste gallois, qui domine la région depuis un siècle.

Le parti travailliste gallois (Welsh Labour) a obtenu de très bons résultats et a été reconduit au pouvoir à Cardiff. Quelles spécificités de la campagne galloise permettent d’expliquer le contraste entre cette victoire et le naufrage vécu par les travaillistes au même moment en Angleterre ? Au-delà de l’importance du discours pro-dévolution, un programme différent était-il développé, et le bilan personnel de Mark Dreadford, le Premier Ministre (First Minister) travailliste ayant dû gérer la pandémie, a-t-il été déterminant ?

Je vois deux raisons principales au succès du parti travailliste gallois lors de cette élection.  

Mais avant tout, pour remettre l’élection dans son contexte, il faut noter que le parti travailliste gallois a remporté toutes les élections au Senedd depuis 1999, date de sa création. Il a également remporté toutes les élections générales au Pays de Galles (pour le Parlement de Westminster) depuis 1922, ce qui en fait, à ma connaissance, le parti politique avec la plus longue hégémonie au monde — aucun autre parti n’a remporté autant d’élections consécutives dans une région donnée que le parti travailliste gallois.  

Le succès travailliste aux dernières élections peut donc être attribué à deux facteurs. Tout d’abord, le parti travailliste gallois était au pouvoir, et sa gestion de la pandémie a été perçue comme assez bonne — et en particulier bien meilleure que celle des conservateurs en Angleterre. Cette perception relative de compétence a donc été importante. Mark Dreadford, qui était en effet Premier ministre, est également perçu comme ayant fait un très bon travail. Sa popularité est très élevée. 

Le parti travailliste gallois a longtemps eu une identité distincte du parti travailliste du reste de la Grande-Bretagne. Il est en effet profondément gallois.

Jac LArner

Deuxièmement, le parti travailliste gallois a longtemps eu une identité distincte du parti travailliste du reste de la Grande-Bretagne. Il est en effet profondément gallois : ses membres parlent de ce que signifie être gallois, des différences de valeurs ou d’histoire qui font que le Pays de Galles est à part… Cette  réthorique est très populaire car une part importante de la population se sent galloise, et non britannique. Encore une fois, c’est une distinction intéressante avec le parti travailliste en Écosse. Les travaillistes écossais n’ont jamais développé une forte identité écossaise, et le SNP en a profité pour devenir le parti dominant. Au Pays de Galles, les travaillistes ont travaillé très dur pour s’établir comme un parti gallois et être perçu comme tel. L’existence d’un fort sentiment gallois joue donc en faveur du parti travailliste. L’autre élément important de cette dynamique est que le parti conservateur est considéré au Pays de Galles comme intrinsèquement anglais, pas du tout comme un parti gallois. Cette étiquette est vraie depuis les années 1850, et les conservateurs n’ont pas gagné une élection au Pays de Galles depuis cette date ! N’oublions pas qu’à l’époque, seulement une personne sur vingt environ avait le droit de vote, les femmes en étant exclues… Les conservateurs n’ont donc jamais été bien implantés au Pays de Galles et n’ont jamais réussi à change cette perception profondément anglaise. C’est naturellement un autre facteur qui joue en faveur des travaillistes.

Les conserveurs ont toutefois gagné six nouveaux sièges au Parlement gallois. Est-ce là le résultat d’une campagne particulièrement efficace, d’une recomposition plus profonde comme en Angleterre ou seulement de l’héritage des sept sièges gagnés par le UKIP au précédentes élections  ?  

Les conservateurs ont en fait obtenu les meilleurs résultats de leur histoire pour des élections galloises. Ils ont remporté seize sièges sur soixante, ont augmenté leur nombre de voix et sont arrivés en deuxième position. Il faut toutefois rappeler qu’ils n’ont obtenu que la moitié des sièges des travaillistes  : ils demeurent donc, malgré tout, de lointains seconds.  

Cependant, et c’est assez surprenant, ils s’attendaient à faire beaucoup mieux. Ils avaient en effet obtenu de bien meilleurs résultats au Pays de Galles lors des dernières élections générales [de décembre 2019]  : ils avaient remporté un plus grand nombre de circonscriptions, et leurs attentes étaient donc plus élevées cette année. Ainsi, même s’il s’agit de leur meilleur résultat, il s’avère un peu décevant.  

Ce succès relatif est en réalité largement dû à une tendance de long terme que l’on observe non seulement dans l’ensemble du Royaume-Uni, mais aussi dans toute l’Europe occidentale. Une partie des liens traditionnels qui unissaient certaines régions aux partis sociaux-démocrates (au Royaume-Uni, le parti travailliste) se sont progressivement érodés au fil du temps  ; le Brexit a agi dans ce domaine comme une coupure nette. Les conservateurs ont donc emporté des régions traditionnellement acquises aux travaillistes, et semblent par ailleurs avoir regagné le soutien d’anciens électeurs du UKIP, qui avait réussi sa percée au Pays de Galles lors des élections de 2016.

De manière plus large, la faible performance globale des travaillistes anglais met en lumière, par contraste, les succès du Labour dans le sud du Pays de Galles et dans les métropoles du nord de l’Angleterre. Voyez-vous un lien entre les campagnes des deux régions — les travaillistes gallois insistant sur la dévolution galloise, les élus de Birmingham et d’autres villes anglaises revendiquant une plus grande décentralisation vis-à-vis de Londres ? Un tel programme pourrait-il servir à relancer le parti travailliste, autour d’une nouvelle vision du Royaume-Uni, fondée sur différents rapports de force et en opposition claire avec la politique du gouvernement conservateur actuel ? 

En effet, la question se pose. La situation des travaillistes est assez difficile  : en tant que parti  présent dans tout le Royaume-Uni — ou plutôt dans toute la Grande-Bretagne, puisqu’ils ne sont pas représentés en Irlande du Nord — le parti a du mal à adopter une position unique sur la décentralisation, particulièrement au regard de la question de l’indépendance écossaise. Les travaillistes savent que sans regagner un nombre considérable de sièges en Écosse, il leur sera très ardu d’obtenir un jour un gouvernement majoritaire à Westminster, tant ils dépendent du soutien d’un certain nombre de circonscriptions écossaises.  

Pour les bons résultats des travaillistes dans les métropoles du nord de l’Angleterre, on observe qu’après des changements démographiques, la population de ces grandes villes a en moyenne un niveau d’éducation plus élevé  ; or on sait que c’est un facteur de vote plus libéral, plus à gauche — cela est vrai partout dans le monde, bien que nous ne sachions pas tout à fait pourquoi. Ces paramètres démographiques aident donc certainement les travaillistes dans ces régions : à Manchester, en particulier, où le maire travailliste sortant [Andy Burnham] est particulièrement populaire, leur succès a été net. 

C’est bien là le problème du parti travailliste aujourd’hui  : il doit être présent dans trois pays […] qui se développent tous dans des directions différentes. Tant que les travaillistes n’auront pas réglé ce problème, il leur sera très difficile de former un nouveau gouvernement britannique. 

Jac Larner

On pourrait voir en Angleterre un soutien à davantage de dévolution au niveau régional, mais cela ne serait pas bien reçu par les électeurs travaillistes en Écosse, et l’électorat du Labour gallois reste un peu sceptique à ce sujet. C’est bien là le problème du parti travailliste aujourd’hui  : il doit être présent dans trois pays aux sensibilités diverses, et qui se développent tous dans des directions différentes. Tant que les travaillistes n’auront pas réglé ce problème, il leur sera très difficile de former un nouveau gouvernement britannique. 

L’Angleterre est traditionnellement, et d’autant plus ces dernières années, une nation acquise aux conservateurs-unionistes. La distinction est donc frappante avec le Pays de Galles, travailliste depuis les années 1920 : dans quelle mesure les deux pays se ressemblent-ils ou s’opposent-ils, en matière de démographie, d’économie, de culture politique ? Peut-on voir une rupture aussi nette entre le Pays de Galles et l’Angleterre qu’entre l’Ecosse et l’Angleterre ? 

Le Pays de Galles et l’Angleterre sont davantage intégrés et partagent des liens plus étroits que l’Angleterre et l’Écosse. Cela tient en grande partie à la manière dont le Pays de Galles a été incorporé au Royaume-Uni : après une conquête militaire remontant aux années 1280, et par un processus de plusieurs centaines d’années, les institutions spécifiques du Pays de Galles ont été supprimées et assimilées à l’Angleterre. L’Écosse a quant à elle rejoint l’Union volontairement dans les années 1700, et a donc gardé beaucoup de ses institutions propres. C’est là une différence essentielle.  

À bien des égards, le Pays de Galles reste néanmoins un cas à part   : la présence de la langue galloise le rend déjà manifestement distinct de l’Angleterre. Il existe aussi une longue tradition religieuse  galloise bien différente de la tradition anglaise  : il n’y a pas d’église d’État établie au Pays de Galles, mais plutôt une tradition de chapelles indépendantes non-conformistes, beaucoup plus petites et réparties dans tout le pays. Historiquement, le pays a également été considérablement plus pauvre que l’Angleterre, beaucoup plus ouvrier, et plus rural que l’Angleterre ou l’Écosse.  

C’est du reste toujours le cas aujourd’hui : le Pays de Galles est toujours plus pauvre et plus rural que son voisin anglais, et comprend certaines des zones les plus pauvres du Royaume-Uni. Si la tradition religieuse distincte n’a plus autant d’influence, le nombre d’athées étant très élevé, la langue confère encore un caractère particulier aux Gallois. Il y a en outre toujours eu un système éducatif quasi-indépendant au Pays de Galles. Il faut toutefois noter le nombre important et croissant de mouvements transfrontaliers, de sorte qu’aujourd’hui un nombre considérable de personnes vivant au Pays de Galles sont nées en Angleterre. Ces nouveaux résidents ont tendance à venir y passer leur retraite : le Pays de Galles a ainsi une population qui vieillit assez rapidement, davantage en tout cas que l’Angleterre.

Pour une autre perspective, comment comparer le Pays de Galles et l’Écosse ? Les dynamiques générales sur les plans sociaux, politiques ou culturels, au-delà des questions d’indépendance, sont-elles similaires pour la société galloise et pour la société écossaise ?

À bien des égards, oui. Le Pays de Galles et l’Écosse sont souvent analysés ensemble, parce qu’ils sont la « frange celtique » du Royaume-Uni : historiquement, l’Écosse et le Pays de Galles sont les régions de la Grande-Bretagne ayant conservé des traditions celtiques, par opposition à l’Angleterre.

Si les deux pays sont envisagés ensemble, c’est aussi parce qu’ils partagent une histoire politique similaire, marquée par le succès des partis de gauche : en Écosse, les conservateurs n’ont pas gagné d’élection depuis les années 1950, au Pays de Galles depuis les années 1850 — les scènes politiques de Cardiff et d’Edimbourg sont assez similaires de ce point de vue. Elles se ressemblent également par le succès des partis nationalistes : malgré les différences entre Plaid Cymru et le SNP, les deux structures se présentent comme des « partis nationalistes de gauche » ou plutôt des « partis nationalistes progressistes de centre gauche ». Pays de Galles et Écosse sont enfin plus ruraux que l’Angleterre, et ont de multiples autres liens.

Bien sûr, les deux pays sont aussi très différents. Ils ne partagent par exemple ni les mêmes traditions linguistiques, ni les mêmes traditions religieuses. Mais leur position périphérique autour d’un pays beaucoup plus grand, l’Angleterre, les rapproche.

Un mot sur le Brexit. Il y avait eu une courte majorité au Pays de Galles pour la sortie de l’Union Européenne lors du référendum de 2016 (52 %). Quelle a été l’évolution de la société galloise sur le sujet ? Le soutien à la sortie de l’UE est-il toujours présent, est-ce encore une question dans le débat pubic, et quelles sont les conséquences de l’accord de sortie sur l’économie galloise — notamment avec la frontière en mer d’Irlande ?

Pour le moment, je dirais que ce n’est plus une question majeure. On a en tout cas l’impression que c’est un problème qui est en train d’être réglé, et qu’il est temps de dépasser. Même s’il existe toujours un nombre important de personnes qui aimeraient rejoindre l’UE, je dirais qu’il y a aujourd’hui une majorité au Pays de Galles pour rester en dehors. L’opinion publique a beaucoup changé après le référendum et avant que nous quittions véritablement l’UE : une majorité s’était établie pour rester dans l’Union Européenne, mais elle a maintenant disparu.

[Le Brexit] soulève des questions très importantes. La première est sans doute que le gouvernement britannique tente de centraliser un maximum de pouvoirs, en empiétant peut-être sur les compétences et responsabilités des gouvernements gallois et écossais d’après la dévolution.

Jac Larner

Cette sortie de l’UE soulève des questions très importantes. La première est sans doute que le gouvernement britannique tente de centraliser un maximum de pouvoirs, en empiétant peut-être sur les compétences et responsabilités des gouvernements gallois et écossais d’après la dévolution [de 1998-1999]. Cela annonce donc de potentielles batailles juridiques entre le gouvernement gallois et le gouvernement britannique. La frontière en mer d’Irlande crée aussi des difficultés pour certaines régions galloises : c’est notamment le cas, sur l’île d’Anglesey (Ynys Môn en gallois), au nord du pays, du port de Holyhead. Beaucoup de marchandises irlandaises passaient par le port pour atteindre le Royaume-Uni ; c’est évidemment plus difficile aujourd’hui. Il est clair que certaines régions galloises vont accuser des pertes économiques très importantes à cause des conséquences du Brexit. Il y a enfin une importante tradition agricole au Pays de Galles, que les accords de libre-échange risquent de menacer — notamment du fait de pays comme la Nouvelle-Zélande et ses agneaux bon marché. L’inquiétude monte donc à ce sujet, mais pour le moment aucun parti au Pays de Galles n’appelle sérieusement à rejoindre à nouveau l’Union européenne.

La participation aux élections pour le parlement gallois a atteint cette année 46,6 %, la plus importante depuis la création du Senedd en 1999. C’est toutefois encore 20 points en-dessous de la participation régulière aux élections générales, pour le parlement de Westminster. Qu’en déduire des 20 ans de dévolution, et de la perception des Gallois de leur gouvernement national ? 

Il y a deux éléments à noter ici : tout d’abord l’existence d’un nombre réduit mais significatif d’électeurs gallois qui veulent supprimer le Senedd et revenir au seul gouvernement britannique depuis Westminster. Mais la participation relativement faible pour le Senedd tient aussi en grande partie au fait que les gens ne vont pas voter s’ils ne pensent pas que leur parti peut gagner. Et comme le parlement gallois fonctionne sur un système de partis, lorsque l’élection ne concerne que le Pays de Galles, tout le monde pense que les travaillistes vont à nouveau l’emporter. Quel est, dès lors, l’intérêt de se rendre aux urnes ? Et force est de constater que l’histoire leur donne raison, car, comme on l’a dit, les travaillistes ont remporté toutes les élections galloises. Les conservateurs ne gagneront donc pas au Pays de Galles, mais ils peuvent gagner à l’échelle du Royaume-Uni : les électeurs conservateurs sont donc plus disposés à aller voter, de même que ceux des autres partis, pour les élections générales.

C’est en réalité un problème important au Pays de Galles : beaucoup de circonscriptions ne semblent pas compétitives. Il existe une relation générale entre le taux de participation à une élection dans une aire donnée, et sa compétitivité — que l’on peut mesurer par l’écart entre la première et la deuxième place. Ainsi, lorsqu’il y a un écart important entre le premier et le deuxième candidat, avec une majorité écrasante pour le premier, le taux de participation sera en règle générale beaucoup plus faible ; dans d’autres circonscriptions plus compétitives, le taux de participation sera tendanciellement plus élevé.

Le fait que les travaillistes puissent à coup sûr gagner la quasi-totalité du sud du Pays de Galles, où vit la majorité de la population, signifie donc que beaucoup d’électeurs gallois ne vont pas aller voter parce qu’ils pensent leur parti incapable de l’emporter. Il s’agit d’un vrai problème de démocratie, qui ne sera pas facile à résoudre.