- Ce matin, le jeudi 27 mai, le président français s’est rendu au Rwanda plus de 25 ans après le génocide des Tutsi en 1994, pour prononcer un discours au Mémorial situé à Kigali, la capitale rwandaise. La visite est à la fois symbolique et historique, seul Nicolas Sarkozy s’était rendu au Rwanda en 2010 depuis le génocide, dans le cadre d’une visite officielle.
- Cette visite fait suite au rapport Duclert sur le génocide des Tutsi rendu en mars 2021, fruit d’un travail mené par une commission composée d’historiens, dont les conclusions avaient attesté de la responsabilité de la France dans le génocide. Shahin Vallée avait livré pour le Grand Continent en avril une analyse sur la méthodologie utilisée, ainsi que sur la signification de ce travail mémoriel.
- Créée par Emmanuel Macron en avril 2019, le travail de cette commission constitue une profession de foi qui indique une volonté de réconciliation entre les deux pays. Si le travail de mémoire nécessaire après une telle tragédie n’a pas pris fin avec le rendu du rapport final, il a en un sens préparé le terrain à une reconnaissance politique du rôle joué par la France.
- On a assisté ces dernières années à des preuves de bonne volonté de la part du président rwandais Paul Kagamé, qui attestent d’un réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays. La France a également fait preuve d’un désir de rapprochement, notamment avec le soutien de la candidature d’une ancienne ministre rwandaise, Louise Mushikiwabo, élue à la tête de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en octobre 2018.
- Lors de son discours, Emmanuel Macron a déclaré être venu « reconnaître les responsabilités de la France ». S’il n’a pas prononcé de mots d’excuse, il a repris les conclusions du rapport en affirmant que « la France a un rôle, une histoire, et une responsabilité politique au Rwanda ».
- Le président a néanmoins opéré une distinction nette entre la reconnaissance telle qu’introduite dans le rapport de la commission relative au Rwanda et au génocide des Tutsi, et la complicité juridique de la France. Si en ignorant les nombreuses alertes des « plus lucides observateurs, la France endossait une responsabilité accablante », « elle n’a pas été complice » pour autant.
- Ce discours très attendu, tant en France qu’au Rwanda, ne doit cependant pas mettre un terme au devoir de mémoire et de vérité qui s’impose. En dépit d’une position officielle qui reconnaît désormais pleinement le rôle de la France dans le génocide, certaines personnalités persistent à entretenir une vision faisant fi des récents travaux historiques. L’ancien Ministre des Affaires Étrangères Hubert Védrine a ainsi accordé une large place à cette vision, dans une longue interview avec le youtubeur Thinkerview mise en ligne mercredi, proche des sphères complotistes.