La Corse, terre de droit : entre utopie insulaire et latinité européenne

À propos du livre d'Antoine-Baptiste Filippi.

Antoine-Baptiste Filippi, La Corse, terre de droit ou Essai sur le libéralisme latin et la révolution philosophique de corse (1729-1804), Sesto San Giovanni, Mimésis, 2020, 182 pages, ISBN 9788869762314

L’ouvrage d’Antoine-Baptiste Filippi peut difficilement ne pas attiser la curiosité. D’abord par la forme de son sujet  : bien des travaux ont été consacrés à Paoli, on ne cessera de compter ceux sur Bonaparte, même si ceux traitant du Baron de Neuhoff sont plus confidentiels1. Mais de tels ouvrages, lorsqu’ils traitent d’un personnage plutôt que d’une période, s’en tiennent généralement au canevas monographique. Fidèle à une tradition antique qu’il revendique, M. Filippi s’affranchit de ce canevas pour faire de la biographie comparée. L’ouvrage revêt donc une dimension éminemment symbolique (du grec σύμβολον qui désigne le fait de recoller ensemble les tessons brisés d’une même poterie)  : il réunit des personnages que l’historiographie a souvent séparés voire même opposés, comme le duo presque œdipien de Paoli et Bonaparte, le premier étant – dans l’imaginaire romantique corsiste qui naît à la fin du XIXe siècle – autant un totem que le second fut un tabou.

Et ces vies parallèles qu’il nous livre ne sont en outre pas des binômes, mais une trinité de personnages que réunissent un certain amour de la Corse, l’esprit des Lumières, et au-delà probablement, un idéal maçonnique2 et où Paoli, le Babbu, fait office de figure paternelle, Napoléon de fils qui a incarné dans l’épopée impériale le dessein illuministe de son mentor, et où le baron westphalien pourrait occuper la figure quelque peu mystérieuse et souvent moins commentée du Saint-Esprit. 

Ce triptyque se déploie même – de par le plan ternaire de l’ouvrage – dans une trifonctionnalité dumézilienne3 qui fut appliquée aux premiers rois de Rome : Paoli, à la fois Père et Législateur évoque la figure double de Romulus / Numa  ; Napoléon, véritable « Dieu de la Guerre » pour Clausewitz, incarne le martial Tullus Hostilius  ; enfin Théodore, que M. Filippi associe à la construction et à la protection de la nation « commerçante »4, fait songer à la fonction productrice associée à Ancus Martius.

De fait, ce trio assume une dimension fondatrice dans la narration historique de la Corse moderne, qui est censée débuter avec la Révolution dite des 40 ans en 1729, point de départ de l’ouvrage. Sa structure chronologique ne surprendra donc pas, empruntant au style biographique antique tant des auteurs évangéliques que de ceux païens : il est un récit, émaillé tant de paraboles que d’exempla, qui sacrifie parfois la neutralité axiologique au genre épique. 

L’ouvrage ne cherche peut-être pas toujours à distinguer le récit culturel de l’archéologie scientifique des évènements, mais cela ne devrait pas lui être complètement reproché dès lors que son auteur l’assume dès les prolégomènes en revendiquant une continuité entre mythe et raison, héritée des Anciens5. Ce faisant, il adopte d’emblée un ton résolument apologétique, et apparaît rapidement au lecteur comme une sorte de Panégyrique des Corses, articulé principalement autour des trois figures précitées, dont le style ferait presque songer à un Miroir des (trois) princes.

Dès lors, l’ouvrage reprend pour acquis certains postulats et autres τόποι qui irriguent une période en réalité peu commentée – et disputée – par des auteurs continentaux, mais presque systématiquement encensée par des auteurs insulaires. S’inscrivant dans ce sillage, c’est à décharge, pour le trio de personnages concernés, qu’il nous instruit sur cette période.

On ne peut cependant donner du relief à la qualité d’un ouvrage sans y apporter des contrepoints, de même que tout procès en canonisation conditionne l’accès à la sainteté à une plaidoirie préalable de l’avocat du diable. L’unanimité a toujours été dangereuse6 pour la manifestation de la vérité, cette dernière supposant que l’instruction se fasse aussi à charge, ainsi que l’exige du juge d’instruction l’article 81 du code de procédure pénale. Par ailleurs, les Anciens nous apprennent aussi que s’ils croyaient à leurs mythes, c’était sans y croire vraiment7, à tel point que Cicéron rappelait ce mot de Caton selon lequel deux haruspices ne pouvaient se regarder sans éclater de rire8. La relation au mythe était ambiguë dans une mentalité païenne où les croyances reposaient sur ce que Jan Assman appelle un « concept faible de vérité »9. Les mythes n’ont pas à être vrais ou faux  : ce n’est pas là leur objet. En revanche ils peuvent se révéler bons ou mauvais pour structurer le réel – de manière à remporter les défis du temps, ou à échouer face à eux – ce qui justifie au terme d’un examen critique, leur reconduction ou leur abandon.

Il appartient donc au lecteur de démystifier certains postulats, malgré leur charme lyrique, pour approfondir la lecture de cet ouvrage. 

Prior tempore  ? – À l’instar du principe prior tempore potior jure, c’est pour asseoir la majesté juridique de l’entreprise que les commentateurs des révolutions corses ont souvent affirmé sa primauté chronologique10 au sein d’une période de grande effervescence européenne, où les gouvernements passèrent davantage de temps à rédiger de nouvelles constitutions qu’à les appliquer.

C’est ainsi devenu un topos juridique de considérer les constitutions corses de 1736 et de 1755, comme les premières constitutions modernes, encore que l’hypothèse d’une distinction entre constitutions anciennes et modernes s’avère un débat légitime11.

Fidèle à cette tradition, l’ouvrage présente les différentes productions intellectuelles de cette période comme la consécration du droit à la résistance à l’oppression12, voire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en déposant le monarque tyrannique13. Néanmoins le thème de la révolte contre le monarque inique est très ancien et emprunte tant à la figure grecque du despote qu’à celle biblique de l’Antéchrist  : il est repris par Jean de Salisbury, Thomas d’Aquin et les monarchomaques protestants à l’instar de Jean Boucher, ou encore par Juan de Mariana dans son De rege et regis institutione (1598) voire par l’auteur anonyme du Briefe Discourse upon Tyrants and Tyranny (1642) lors de la première Révolution anglaise.

L’ouvrage analyse aussi la constitution d’Alesani (constitution théodorienne de 1736) comme la première constitution « écrite et libérale  » de l’histoire instaurant un régime parlementaire14, et celle de Paoli comme affirmant la souveraineté nationale15.

Pourtant, ces constitutions découlent de ce que les chefs de la révolte connaissaient institutionnellement le mieux : la constitution génoise d’Andrea Doria (1528)16. Le gouvernement, la Seigneurie de Gênes17, était composé du doge biennal, simple primus inter pares18, siégeant au sein d’un organe collégial  : les Serenissimi Collegi19. Cette méthode institutionnelle, forcément familière aux notables corses depuis deux siècles, avait trouvé une transposition locale à travers le Conseil des Noble Douze, assistant le gouverneur génois à Bastia. L’avocat Sebastiano Costa s’en inspira20 pour rédiger la Constitution d’Alesani, qui consacre le pouvoir des primats du Royaume, à l’instar des familles patriciennes de Gênes inscrites au livre d’Or21. Elle apparaît en réalité comme un pacte privé22 entre des chefs de clans, propriétaires de la terre, et la figure maçonnique presque kiplingienne de Théodore, cet homme qui voulut être roi – plutôt qu’un rex designatus23, un rex ex stipulatu – et dont l’éphémère succès s’avère « à la fois révélateur des visées des notables et de la pensée magique des humbles »24.

Faire de la Diète théodorienne25 – conseil de surveillance qui tempère les pouvoirs du roi, à l’instar des éphores de Sparte, – un organe parlementaire moderne est discutable en ce qu’elle est plus proche d’un Witangemot saxon que d’une assemblée populaire, c’est un conseil des Grands du Royaume et non un organe démocratique26  : ce conseil de 24 primats du Royaume qui peut bloquer les décisions du souverain, en matière fiscale notamment (Capitolo V), semble une transposition (fort tardive) du Magnum Consilium de 25 barons établi par la Magna Carta de 121527. Cette Diète théodorienne prend en 1755 avec Paoli la forme du Consiglio di Stato28 (ou Suprême Conseil) – sorte de mastodonte polysynodal composé théoriquement de 145 membres mais gouvernant en formations restreintes tournantes sous la présidence du Général – qui évoque le vivier qu’était le Seminario29 de la Sérénissime. Le Sindicatu paolin quant à lui transpose telle quelle l’institution génoise du Sindacato des Sindacatori supremi, organe de contrôle des magistrats.

La constitution génoise, puis celles corses de 1736 et de 1755 assument ainsi une forme de régime quasiment disparue aujourd’hui  : le régime directorial30 (ou collégial) qui n’est plus représenté qu’en Suisse31. À ce titre, les constitutions corses sont moins mères de la constitution démocratique des États-Unis d’Amérique que filles de celle républicaine de Gênes. On pourrait certes déceler une filiation directoriale entre, d’une part, la Diète théodorienne ou le Suprême Conseil paolin et, d’autre part, le Conseil exécutif suprême du Commonwealth of Pennsylvania de 1776, ou même avec les Comités de salut public révolutionnaires et le fameux Directoire français. Mais si tant est qu’il y ait filiation, elle n’est manifestement qu’intermédiaire et puise originellement dans des modèles plus anciens tels que l’exécutif collégial de la Sérénissime de Gênes, où les Corses exerçaient depuis des siècles le métier des armes32. Il y a finalement dans la modernité démocratique insulaire, une part non négligeable de républicanisme médiéval.

Or ce républicanisme médiéval italien de type directorial, qui pratique à Gênes, Florence et Venise le tirage au sort des magistratures33 prend lui-même sa source dans l’Antiquité grecque. Il suffit de songer à la Constitution des Athéniens décrite par Aristote : les Serenissimi Collegi de Gênes évoquent ceux des archontes et des stratèges, le Doge y est un Archonte-Roi  ; le Minor Consiglio fait songer à la Βουλή, tandis que le Maggior Consiglio ressemble à l’ἐκκλησία… derrière le masque aguicheur de la révolution moderne, le visage imprescriptible de la continuité gréco-latine. D’ailleurs, le libéralisme latin tel que défini par l’auteur – une pensée où «  le «  nous  » passe avant le «  je  »  »34 – ressemble fortement à ce que Constant appelle la liberté holistique des Anciens35, opposée à celle individualiste des Modernes.

Il convient de rappeler que la constitution de Doria s’inscrit, comme c’est le cas à Florence avec les Médicis, dans une évolution aristocratique des principales républiques italiennes à l’époque moderne, lesquelles avaient au Moyen-Âge des institutions que l’on pourrait qualifier de plus démocratiques. Dans ces républiques médiévales d’Italie émergeaient des figures élues par des assemblées populaires comme le Capitaine du Peuple36 dans le Gouvernement du Primo Popolo à Florence ou les consuls dans la Compagna Communis Ianuensis, la Commune de Gênes37. Les révolutions corses du XVIIIe siècle réactualisent en quelque sorte l’enjeu de ces luttes civiles médiévales autour de l’affirmation d’une souveraineté populaire.

Enfin si Paoli affirme – ainsi que le rappelle l’auteur – que « dans la Diète réside « toute la Nation » »38, il faut là encore relativiser l’innovation démocratique de ces textes. Le peuple comme source du pouvoir du Prince apparait déjà dans le Defensor Pacis (1324) de Marsile de Padoue ou dans le Vindictae contra tyrannos (1579) du dit Stephanus Junius Brutus. L’affirmation de la souveraineté du peuple qui se décèle dans les préambules des constitutions corses de 173639 et 1755, se dégage déjà sensiblement des Leges Statutae Sancti Marini (Statuts de la République de Saint-Marin), adoptés en 1600, qui disposent que le Conseil des 60 (ou Consiglio grande e generale) a reçu son autorité et son pouvoir de l’Arengo40 (assemblée des chefs de famille) c’est-à-dire de notre peuple tout entier réuni en son sein41, expression qui rappelle le concept d’universitas civium dans le Defensor Pacis. D’ailleurs, si la constitution paoline semble fonder son aspect inédit de par son critère formel tiré notamment du caractère déclaratif et solennel de son préambule, un tel critère ne peut forcément être dénié à de nombreux statuts médiévaux des cités d’Italie adoptés comme lois fondamentales et organisant les institutions et leurs rapports, dont par exemple les susmentionnés Statuts de Saint-Marin42.

Certes, à la différence de la Constitution de la Sérénissime, république oligarchique, qui réserve à la noblesse de Gênes et de la Riviera ligure l’accès aux magistratures et aux Consigli, celle de Paoli ne prétend pas exclure le peuple de l’exercice, fut-t-il indirect, de la souveraineté  : la Diète paoline perpétue dans la forme – mais seulement quelques jours par an43 – la tradition selon laquelle les magistrats ne sont que des délégués, révocables, du Souverain44, conception qui remonte, bien avant le Contrat social, à la tradition médiévale française du Lit de Justice royal45. Mais ce que les sources de l’époque désignent comme le peuple ou les peuples n’est pas une assemblée de tous les Corses venant exercer la démocratie directe  : il serait hasardeux d’imaginer la Diète (ou Consulte) paoline en ἐκκλησία réunie sur la Pnyx, en comices centuriates sur le champ de Mars, ou encore en Landsgemeinde des cantons de Glaris et d’Appenzell Rhodes-Intérieures. Comme le relevait justement Matthieu Fontana à propos des délégués des provinces à la Diète : « C’étaient en somme des députés élus par un suffrage du second et même du troisième degré  »46, des notables eux-mêmes désignés par des notables, à l’instar du Minor Consiglio génois. La plèbe n’allait pas délibérer à Corte, les consultes paolines n’étaient pas forcément celles des pastori. Quant au vote des femmes, ce sont les Génois qui l’avaient instauré – par exception – depuis 155247.

Gênes, éternelle Babylone de circonstance  ? Autre τόπος, mémoriel celui-ci  : le motif de la méchante Gênes qui sert de contrepoids au récit de la délivrance des Corses.

Cependant, des infrastructures typiques de l’imaginaire insulaire, les tours littorales et les ponts de pierre, sont bâtis par Gênes. La politique arboricole de la Sérénissime « créa » littéralement la Castagniccia, où se trouvait paradoxalement le foyer des révolutions corses. La Banque de Saint-Georges fit notamment les frais de cette légende noire génoise, à travers des apports idéologiques plus modernes, qui y réinvestirent des critiques du capitalisme. Pourtant, il n’est jamais mentionné que Machiavel, l’auteur de prédilection de Paoli, faisait un éloge littéralement sans réserve de cette institution qu’il qualifie d’« esemplo veramente raro e dai filosofi in tante loro immaginate o vedute Republiche mai non trovato »48.

Gênes a beau être présentée comme un tyran, la Sérénissime jouit néanmoins d’une constitution républicaine écrite dotée d’une forme de séparation des pouvoirs49 entre la Seigneurie et les deux Consigli, le Minor et le Maggior (ce dernier détenant le pouvoir constituant), dont la Diète paoline réplique les attributions. Les Supremi Sindacatori50 de la Sérénissime, quant à eux, exercent déjà une sorte de contrôle de constitutionnalité en plus de traduire en justice les magistrats de la Seigneurie51, prérogatives que son avatar insulaire ne put mettre en œuvre52

Si à Paris c’est le petit peuple qui prend la Bastille, en Corse c’est un acteur extérieur à l’île, Gênes, qui rase – à ses frais – les châteaux des Cinarchesi et brise la féodalité locale, ce qui suscite la rancœur des révoltés qui reprochent à la Sérénissime une «  politique de nivellement et d’avilissement de la société îlienne  »53. Le résumé en français de la Giustificazione montre au contraire que l’esprit républicain des Lumières et l’égalité démocratique semblent faire défaut dans un discours qui paraît nostalgique des privilèges54 de la féodalité des seigneurs (les sgiò) et peu propice à une nuit du 4 août. En réalité cet argumentaire s’inscrit moins dans la modernité démocratique que dans la tradition antique du conservatisme patricien, défiant à l’égard d’un pouvoir démagogique s’appuyant sur les classes laborieuses contre l’aristocratie55  : c’est l’esprit de la Fronde des nobles plus que celui de la Révolution du peuple. La «  méchante  » Gênes est donc celle qui a pris la Bastille du clanisme féodal, Bastille que la monarchie des Bourbons va contribuer à relever en distribuant des lettres patentes à la petite noblesse corse qui avait rallié la Couronne après la défaite de Paoli. 

Dans les ouvrages sur cette période, Gênes est toujours mentionnée d’un seul tenant, dans une globalité indiscriminée, à l’instar de la Babylone biblique. Derrière la référence «  écran  » à l’Urbs Ianuensis, aucun nom ne transparaît, comme si la pluralité des personnalités, des tendances et des sensibilités était annulée, faisant de la cité ligure un ennemi total, opaque et mystérieux. Peu insistent par exemple sur le fait que des dirigeants génois étaient corsophiles, à l’instar de l’ancien Doge et Gouverneur de Corse Gerolamo Veneroso, ami de Costa, le rédacteur de la Constitution d’Alesani, et qui fut renvoyé dans l’île comme commissaire général en 1730 mais échoua à imposer ses vues face à Camillo Tobia Doria, partisan de la répression, ce qui entraîna l’emballement du conflit.

Les reproches à Gênes sont peut-être du même ordre que ceux adressés à l’Angleterre de Georges III par les Insurgents qui qualifiaient de tyrannie la plus vieille démocratie parlementaire d’Europe : la métropole ne faisait pas bénéficier son dominion au-delà de la mer d’un système politique et juridique qui était au fond envié. La tyrannie génoise n’était peut-être devenue insupportable aux notables corses qu’à partir du moment où la Sérénissime avait perdu ses comptoirs d’Orient et n’était plus une protection intéressante56. Plus qu’un affrontement entre des autochtones colonisés et une puissance coloniale, il est envisageable d’y voir un désaccord persistant entre une métropole et ses colons57.

En outre, la Sérénissime, construction politique hybride qui relève du partenariat public-privé, est aussi une expression poussée de la libre-entreprise, qui confine à un modèle particulier et jalousé de liberté génoise analysée par Matteo Salonia58, et où il conviendrait de déceler un idéal-type – au sens wébérien du terme – de ce que serait, sur les rives de la Tyrrhénienne, un libéralisme proprement latin. Dès lors il est permis de se demander si le libéralisme affiché par Théodore et Paoli ne relèverait pas d’une forme d’appropriation idéologique du républicanisme mercantile génois  ; paradigme que Thomas Römer – qui la décèle dans la Bible – qualifie de discours «  compensatoire  »59.

Dissimulé sous l’esprit latin des XII tables, le souffle biblique du Décalogue – L’ouvrage note justement que les discours idéologiques des révolutionnaires corses s’inscrivent dans un référentiel gréco-romain. L’auteur rappelle comment Paoli fut comparé à Thémistocle par Joseph II60, à Épaminondas par Antonio Genovesi61, comment les Corses furent assimilés aux Spartiates et aux Romains par Rousseau62. Ainsi les apologètes des révolutions corses imitent-ils les Méliens – cités par Thucydide63 – qui tentent de façon performative, mais vaine, d’invoquer le droit naturel face à l’impérialisme positif des Athéniens.

L’ouvrage a ainsi raison de souligner que «  tradition et modernité sont, pour les insulaires, indissociables  »64, mais il ne fait pas allusion à l’hypothèse selon laquelle, dans cette continuité, les références bibliques ont autant de poids que celles païennes, ainsi que le notait la révolutionnaire Rosa Luxemburg à propos de la Corse dans ses Lettres de prison à son amie Sophie Liebknecht  : «  Dort ist noch die Bibel lebendig, und die Antike » (là, la Bible et l’Antiquité y sont encore vivantes65). C’est une constante du référentiel culturel européen, dans lequel s’inscrivent les révolutions corses  : Rome n’est jamais très loin de Jérusalem. Il est dès lors important de le noter en ce que certains éléments de la rhétorique révolutionnaire sont assez étrangers à la tradition littéraire gréco-romaine païenne.

En premier lieu, le thème littéraire, évoqué supra, de la méchante Gênes, qui eut pour caisse de résonnance médiatique les commentateurs de salon de l’époque, fait songer aux imprécations des prophètes désarmés de l’Ancien Testament à l’encontre de Pharaon ou de Babylone. Gênes y apparaît comme une Égypte intraitable qui aurait réduit les Corses en servitude et ne veut pas mettre fin à leur captivité, après leur avoir un premier temps prêté main-forte lors des révoltes anti seigneuriales de 1357 – tout comme Pharaon avait accueilli généreusement Joseph et ses frères avant d’asservir les Hébreux.

Sambucucciu d’Alandu fait songer à un Juge d’Israël faisant s’effondrer les murailles des châteaux féodaux comme Josué, au son des trompettes, devant les remparts de Jéricho, tandis que la décision d’élire Théodore roi rappelle la demande des tribus aboutissant à oindre Saül («  ils disaient : « Donne-nous un roi pour nous juger ; »  »)66.

Ces figures de style vétérotestamentaires sont renforcées par la forte présence, dans les auteurs de la production idéologique de cette période, de théologiens instruits dans l’étude des écritures saintes. C’est dans des couvents que se forge la logomachie révolutionnaire de l’île. L’ouvrage de M. Filippi fait allusion au curé Balisone et au chanoine Albertini, mais on peut également citer l’abbé Ambrogio Rossi ou l’abbé Carlo Rostini, possible rédacteur du résumé de la Giustificazione

Dans ce dernier texte, une formulation est tout à fait notable  : «  De tous les peuples d’Europe les insulaires de Corse sont les seuls qui soient nés pour être constamment malheureux. Qu’on parcoure tous les âges, l’on verra le despotisme et l’anarchie tourmenter successivement ces hommes infortunés  »67. Elle inscrit les Corses en effet dans une téléologie des épreuves – ce qui est assez étranger au monde gréco-romain, fataliste, et irrigué par une conception cyclique, voire décadente du temps – et prend comme unité de mesure le bonheur, qui emprunte au paradigme biblique de l’espérance et des rétributions à venir. Le bonheur n’est donc pas une idée si neuve en Europe comme le dira Saint-Just mais il trouve ici une revendication explicite. En outre les Corses de cette période y sont affublés d’une forme d’élection dans le malheur («  sont les seuls  »), qui tendrait à en faire une population spéciale parmi les populations européennes, à l’instar de ce qui est affirmé dans le Deutéronome (14:2) à l’égard des Hébreux antiques.

Le préambule même de la Constitution paoline rappelle la structure narrative du récit de l’Exode  : «  Ayant reconquis sa liberté (1), voulant donner à son gouvernement une forme durable et permanente, en le transformant en une constitution (2) propre à assurer la félicité de la nation (3)  » [sortie d’Égypte (1), Réception de la Loi sur le Sinaï (2), arrivée en Terre promise où coule le lait et le miel (3)]. La figure particulière de Paoli présente par ailleurs des caractéristiques mosaïques qu’il convient de souligner  : à la fois libérateur et législateur, il meurt sans pouvoir fouler sa terre promise.

L’auteur de la Giustificazione usait sciemment de ce référentiel vétérotestamentaire lorsqu’il escompte de Louis XV la même clémence que l’Assuérus du Livre d’Esther68. Un tel référentiel est utilisé – en substituant l’Angleterre à Gênes – par les Insurgents69 américains qui admirent par ailleurs l’exemple corse, il le sera également par les partisans du Risorgimento, à l’instar de Verdi dans l’opéra Nabucco qui assimile les Milanais sous occupation autrichienne aux Hébreux en exil à Babylone.

Ces emprunts – conscients ou inconscients – à l’univers biblique semblent révéler la mise en œuvre de ce que Jan Assman analyse comme un «  saut culturel  », à savoir la mise en récit, a posteriori, d’une rupture radicale fictive70  : le récit mémoriel d’une rupture définitive avec Gênes qui utilise le lexique vétérotestamentaire de l’abomination vise à effacer toute la continuité historique, de la même manière que le récit biblique met en scène une dichotomie forte entre Israélites monothéistes et Cananéens idolâtres, en dépit de la continuité archéologiquement avérée entre les deux groupes71.

La Polis plutôt que l’Ethné, primauté du droit sur la culture – Il convient cependant de revenir sur les qualités de l’ouvrage et notamment sur la manière dont il éclaire certains débats.

M. Filippi analyse en effet comment les référentiels idéologiques des trois personnages commentés sont avant tout philosophiques et juridiques avant d’être culturels ou identitaires. Théodore, est baron du vieux Saint Empire romain, qui assume le projet de Renovatio Imperii carolingien jusqu’à ce que le flambeau soit récupéré par … Bonaparte lui-même. 

Paoli était conscient d’une telle continuité et la revendiquait72. Si cet homme des Lumières dédia sa vie à la défense des Corses, cela ne semble pas tant pour des raisons culturelles, mais plutôt pour des raisons philosophiques, en ce qu’il estimait qu’il s’agissait d’une population asservie et privée de droits fondamentaux. En ce sens, c’est la Rule of Law qu’il recherche, et non nécessairement la sauvegarde d’un cadre culturel. L’État de droit le motive et non l’identité. Ses écrits ne paraissent pas démontrer un attachement particulier à l’idiome que les Corses parlaient ou à la conservation de leur patrimoine culturel73, ce qu’il semblait vouloir avant tout fut qu’ils aient accès à des tribunaux et qu’ils ne soient pas écrasés d’impôts. Il est à ce titre intéressant de relever ce contraste que permet la lecture de l’ouvrage  : les différents mouvements corsistes qui émergent à la fin du XIXe siècle – valorisant le recueil du folklore culturel et des parlers vernaculaires ainsi que le firent les frères Grimm avec les contes de langue allemande – semblent alors s’inscrire davantage dans ce qui fut une réaction romantique à l’universalisme des Lumières, notamment dans le monde germanique, et peuvent à certains égards apparaître paradoxaux vis-à-vis du paolisme. Mais Freud n’émet-il pas l’hypothèse74 que toute figure fondatrice recèle une part d’étrangeté à l’égard de ceux qui s’en réclament  ?

Napoléon quant à lui ne s’interrogeait manifestement pas sur sa nationalité. La Corse ne paraissait à ses yeux qu’une origo75, qu’il affectionne cependant, autant qu’un Cicéron aimait Arpinum. Les nations européennes étaient peut-être à ses yeux le produit malheureux d’une lente balkanisation de l’universel impérial romain, et les nationalismes pouvaient éventuellement lui sembler autant de séparatismes contrariant une Renovatio Imperii dont il se voulait le Messie historique. Il ne pouvait alors que dédaigner faire un choix sur son ethnicité  : c’eût été amputer ce qui chez lui relève d’une espèce d’identité gréco-romaine, qu’il ne serait pas impossible d’interpréter comme une identité européenne moderne puisant dans l’antique76.  En sens l’épopée napoléonienne est un de ces moment où l’Europe cesse d’être celle qui «  morcelle en régions indépendantistes le Continent qu’elle devait souder  »77.

Renovatio latinitatis – L’innovation tout à fait remarquable de l’ouvrage de M. Filippi réside probablement dans le recours au concept de latinité pour relier – voire réconcilier – les trois personnages, lesquels s’inscrivent dans une tradition juridique romano-germanique, celle du droit écrit hérité du Corpus Iuris Civilis des empereurs romains. La latinité, avec ses exempla de l’histoire romaine et hellénistique est en effet le canevas mythique dans lequel se forge la mémoire des évènements de cette période.

Ainsi en est-il de la fameuse bataille de Calenzana (1732) qui y est mentionnée, version apicole de la journée des Tuiles de Grenoble (1788), dont il convient de relativiser78 la relation mythifiée qu’en fit l’abbé Ambrogio Rossi79, laquelle inspira à Pierre-Napoléon Bonaparte, neveu de l’Empereur, un poème épique en langue italienne80. Rossi y introduit la référence aux abeilles qui semble typique des paradoxa hellénistiques. Ainsi Strabon relate comment une population de montagnards féroces de la zone pontique, les Heptacomètes, auraient massacré trois cohortes de Pompée en recueillant un miel empoisonné qui les drogua81. La morale de ces récits reste la même à travers les siècles  : une population rudimentaire recourt aux ruses de la Nature ingénieuse – dont l’abeille et son miel sont une allégorie – pour vaincre une troupe professionnelle et dotée d’un équipement technologiquement supérieur. Bien avant Rousseau l’état de Nature fascine…

À la lumière de ce dernier point, il convient de relativiser cette fascination des dirigeants et écrivains du XVIIIe siècle pour les révolutions corses et ses conséquences  : ce n’est manifestement pas la technique juridique des insulaires qui enthousiasme les commentateurs, mais bien leur rusticité – fut-elle fantasmée – qui évoque le Mr. Savage du Meilleur des mondes de Huxley, vestige d’une douloureuse simplicité ancestrale devenue aussi fascinante qu’inaccessible à une modernité corrompue par son indolence. Cette projection exotique – à une époque où l’état de Nature alimente les débats de salon de l’Europe – du mythe d’un bon sauvage sur des Corses à portée de main revenait en creux à nier leur état culturel, lequel était éminemment latin. En outre la dimension insulaire du territoire – «  île-monde  » comme le relève justement le Professeur Wanda Mastor dans la préface de l’ouvrage – présente une dimension éminemment utopique82 de Platon à Michel Houellebecq en passant par Thomas More, qui peut néanmoins assigner un territoire au nulle-part civilisationnel. Ces projections ont pu contribuer, dans la lente sédimentation des imaginaires, à désoccidentaliser l’île, mettant à distance les références gréco-latines et la culture classique européenne, aboutissant à survaloriser le référentiel géographique de l’insularité83 – fut-il non européen – au détriment du paradigme culturel, majoritairement continental, de la latinité, et à privilégier une vision protochroniste voire autochtoniste de l’histoire insulaire, qui aurait tendance à réduire tout ce qui fut postérieur aux stantari84 de Filitosa à une culture de l’envahisseur ainsi exposée à un prisme négatif85.

Le recours à ce concept de latinité doit alors particulièrement être souligné en ce qu’il est partagé tant par l’historiographie française et italienne – la France et l’Italie sont des pays latins – que par l’ensemble des courants culturels du corsisme. En ce sens il réconcilie des personnages et des mémoires que les évènements des deux derniers siècles avaient pu contribuer à rendre antagonistes voire rivaux. En rendant ce triumvirat à sa latinité, M. Filippi les libère d’un espace mémoriel insulaire dont ils sont longtemps restés prisonniers86 à l’instar des personnages des nouvelles de Marcu Biancarelli. 

La latinité arrache alors la Corse à son utopisme onirique – susceptible de dériver vers une forme d’exotisme – et la réarrime à un continent européen auquel elle est en réalité profondément liée (ainsi que rappelé supra, c’est par rapport au référentiel des peuples d’Europe que les insulaires se définissent dans les écrits révolutionnaires). L’ouvrage le met en relief  : avec Paoli à Londres servant d’émule au monde anglo-saxon, Bonaparte à Paris conquérant l’Europe romano-germanique et Pozzo-di-Borgo à Moscou conseillant le Tsar régnant sur le monde slave, ce sont trois insulaires se connaissant bien qui ont laissé, en l’espace d’une génération, leur empreinte idéologique, militaire, diplomatique et juridique, en maillant l’ensemble du continent dans une époque de forte ébullition.

En ce sens écrire sur les révolutions de cette petite île européenne oblige immanquablement, pour paraphraser William Robertson dans son introduction à L’Histoire de Charles Quint (1769) à «  écrire l’histoire de l’Europe entière  ».  Le concept de latinité restaure cette injonction, en réaffirmant la Corse, comme une terre de Plutarque ouverte sur une dimension résolument européenne.

Rémi Brague écrit  : «  Quant à l’Europe au sens étroit, il y a un trait qu’elle est peut-être seule à posséder, seule à revendiquer, et qui est en tout cas ce que personne ne lui dispute. C’est la romanité. Ou plus précisément la latinité. La romanité a été revendiquée par Byzance, en tant que continuation de l’Empire romain d’Orient, et «  seconde Rome  », puis par Moscou, qui prétendra elle aussi au titre de «  troisième Rome  ». Elle l’a même été par l’Empire ottoman, le sultan d’Istanbul revendiquant, avec le titre de «  Sultan de Rome  », la succession des empereurs vaincus de Constantinople. Mais de la latinité, personne d’autre que l’Europe n’a voulu  »87.

Les personnages commentés par cet ouvrage prometteur ne se sont jamais rencontrés simultanément, mais si le destin les avait réunis autour d’un sédèr de Pessa’h, auraient-ils conclu par ces mots  : «  l’an prochain à Rome  » ?

Sources
  1. On ne manquera pas de citer l’ouvrage de Jean-Baptiste Nicolaï : Vive le roi de Corse, éd. Cyrnos et Méditerranée. Ajaccio, 1979.
  2. Si l’appartenance maçonnique de Théodore de Neuhoff et de Pascal Paoli est plutôt consensuelle, celle de Napoléon est davantage débattue. Il aurait pu être initié en Égypte et, en tout état de cause, son frère Joseph, Grand Maître du Grand Orient de France, était maçon comme nombre de membres de sa famille.
  3. Cf. Dumézil, Georges. Les Dieux souverains des Indo-Européens, éd. Gallimard, Paris, 1977.
  4. Filippi, Antoine-Baptiste. La Corse, terre de droit. Essai sur le libéralisme latin et la révolution philosophique corse (1729-1804), éd. Mimesis, 2019, Chapitre I.
  5. Filippi, Antoine-Baptiste. Ibid., p. 18  : « mais, gardons-nous d’une lecture exagérément scientifique, l’histoire n’est-elle pas l’exact opposé de la science  ? N’est-elle pas de la politique au passé (…) les Grecs ne nous apprennent-ils pas qu’il n’y a pas rupture mais continuité entre logos et muthos ».
  6. Une הלכה (halakha) commentée par le rabbin Kahana dans le Talmud de Babylone (Sanhédrin, 17a) voulait que lorsque les juges du Sanhédrin (tribunal rabbinique) condamnaient quelqu’un à mort à l’unanimité des voix, l’accusé était acquitté  : selon la Guémara, cette unanimité indiquait une absence de contradictoire qui viciait la décision.
  7. Voir à ce sujet Veyne, Paul. Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante, Paris, éd. du Seuil, 1983.
  8. Cicéro, Marcus Tullius. De Divinatione, Liber II, 24  : « Vetus autem illud Catonis admodum scitum est, qui mirari se aiebat, quod non rideret haruspex, haruspicem cum vidisset ».
  9. Assman, Jan. Violence et Monothéisme, traduit de l’allemand par Jacob Schmutz, éd. Bayard, 2009, p. 17  : « Les religions anciennes reposaient justement sur un concept faible de vérité  : tous les dieux sont véridiques à leur manière, les nôtres comme ceux des autres ».
  10. À ce titre, la Constitution anglo-corse de 1794 est généralement boudée par les commentateurs alors qu’elle bien plus aboutie, comportant une déclaration des droits explicite (titre VIII) qui reprend la plupart des principes de l’Habeas Corpus Act de 1679  : le mobile en est manifestement que, postérieure à la Constitution américaine de 1787 et aux Articles de constitution français de 1789, elle ne peut être mobilisée au service de l’affirmation d’une priorité chronologique.
  11. Ainsi Jean-Philippe Genet s’interroge  : « est-ce bien là que commence l’histoire de la constitutio, un terme qui, après tout, nous vient directement du droit romain ? On cite en général à ce propos, comme « première constitution », (…) les seize Capitoli de la constitution de la Corse rédigés par Pascal Paoli et ses amis puis adoptés par la Consulte du 18 novembre 1755 » (Genet, Jean-Philippe. «  Les constitutions avant le constitutionnalisme  » dans Foronda, François, et Genet, Jean-Philippe. Des chartes aux constitutions : Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (XIIe-XVIIe siècle). éd. de la Sorbonne, Paris, 2019, p. 11-30.
  12. Filippi, Antoine-Baptiste. Ibid., p. 31.
  13. Idem. Ibid., p. 33.
  14. Idem. Ibid., p. 37.
  15. Idem. Ibid., p. 77.
  16. Sur les éléments touchant à la constitution génoise développés infra, voir Graziani, Antoine-Marie. Histoire de Gênes, Collection Histoire des grandes villes, éd. Fayard, 2009, notamment le chapitre XVI. Voir aussi Piergiovanni, Vito. « Il Senato della Repubblica di Genova nella ‘riforma’ di Andrea Doria » dans  : Norme, scienza e pratica giuridica tra Genova e l’Occidente medievale e moderno, Atti della società ligure di storia patria Nuova Serie LII/1-2 (2012), p. 13-56 [date de consultation : 12 décembre 2020]. Voir également Masconi, Andrea. «  Repubblica di Genova : dominante o dominata ?  », Storiadelmondo n° 34, 25 avril 2005 [date de consultation : 12 décembre 2020].
  17. Ainsi que le rappelle Andrea Masconi  : « Il Doge, i Governatori (senatori) ed i Procuratori formavano il nucleo dello stato, detto perciò Signoria  » (le Doge, les Gouverneurs (sénateurs) et les Procurateurs formaient le noyau de l’État, appelé donc Seigneurie – trad. personnelle) dans  : Masconi, Andrea. Ibid.
  18. Sur ce point Vito Piergiovanni rappelle que le Doge n’a pas même de suffrage prépondérant lorsqu’il vote avec les Gouverneurs, et ne jouit pas d’immunité spéciale à sa sortie de charge  : « Da un punto di vista di potere effettivo il doge non è ne più ne meno che un Governatore : non svolge ormai più attività individuale, ed il suo voto nelle deliberazioni collettive non ha peso maggiore degli altri voti ; egli stesso come tutti i magistrati, è tenuto a sottostare al sindacato dei Sindacatori Supremi per eventuali abusi commessi durante il suo mandato » dans Piergiovanni, Vito. Ibid., p. 25. En comparaison, le Roi théodorien et, surtout, le Général paolin ont bien plus de prérogatives.
  19. Le Senato (collegio dei senatori/governatori de 8 membres) et la Camera (collegio dei procuratori de 8 membres).
  20. Claude Olivesi rappelle bien, à propos de la constitution de 1736, que « Costa, rentré de Livourne, en s’inspirant du modèle génois en est l’ordonnateur » dans  : Olivesi, Claude. Conférence  : « Les seize « capitoli » de la constitution d’Alesani du 15 avril 1736 », Association pour le développement des études du centre-est de la Corse, Cervione, 1997, [date consultation : 12 décembre 2020].
  21. Une grande partie des patronymes de ces familles patriciennes sont encore présents en Corse  : Sauli, Fieschi, Brignole, Grimaldi, Balbi ou encore Durazzo, porté par une famille de Fozzano qui fut impliquée dans une vendetta avec la famille Carabelli, laquelle inspirera à Prosper Mérimée sa fameuse nouvelle, Colomba.
  22. Claude OLIVESI note justement que  : « le contenu se rapproche plus de l’acte notarié́, contrat synallagmatique conclu entre deux parties : « Il Regno di Corsica » et « Il Sig. Teodoro baron libero di Neoff » » dans  : OLIVESI, Claude. Ibid.
  23. FILIPPI, Antoine-Baptiste. Ibid., p. 37.
  24. POMPONI, François, «  Histoire de la Corse  », Éd. Hachette, 1979, cité dans  : OLIVESI, Claude, Ibid.
  25. La Diète théodorienne n’a de commun avec la Diète de Paoli que l’appellation  : la première est un conseil de surveillance n’opérant pas de distinction entre prérogatives législatives et exécutives, la seconde une assemblée tenant à la fois de constituante, de parlement (ne siégeant toutefois que quelques jours par an), et de collège de grands électeurs (à l’américaine), qui élisent l’organe exécutif  : le Consiglio di Stato.
  26. Le Capitolo V de la Constitution d’Alesani parle certes de l’élection d’une diète mais ne précise aucune règle électorale, pas plus qu’elle ne fixe une durée de mandat. Seuls sont précisés le nombre de ses membres et leur critère d’éligibilité  : « de’ più qualificati benemeriti », concept qui fait songer à la « valentior pars » dont traite Marsile de Padoue dans son Defensor Pacis, et qui à l’époque semble sous-entendre davantage le prestige de la position sociale que le degré de compétence personnelle dans la gestion publique. La Diète théodorienne n’est certes pas une simple Curia Regis médiévale ou un Consistorium Principis romain, en ce que le roi de Corse ne peut nommer ou démettre les primats. Mais ces derniers évoquent davantage des pairs anglais (peers) que des députés.
  27. Magna Carta, 61  : « videlicet quod barones eligant viginti quinque barones de regno quos voluerint, qui debeant pro totis viribus suis observare, tenere, et facere observari, pacem et libertates quas cis concessimus, et hac presenti carta nostra confirmavimus ».
  28. Les exécutifs collégiaux des cantons suisses se nomment encore aujourd’hui pour la plupart Consiglio di Stato, Conseil d’État ou Staatsrat.
  29. Il s’agit selon Vito PIERGIOVANNI d’un organe de 120 personnes, désignées par les Consigli, dans lequel étaient tirés au sort les magistrats des deux serenissimi collegi assistant le Doge (« venne istituito un ‘Seminario’ di centoventi persone, fornite di determinate qualità, tra cui dovevano essere estratti a sorte i magistrati » dans  : PIERGIOVANNI, Vito. Ibid., p. 18).
  30. La première trace de cette appellation se trouverait dans le Direktorium, placé à la tête de la Confédération de Bohème en 1618 après la Seconde défenestration de Prague, et composé de 30 nobles.
  31. C’est déjà ce que relevait Matthieu FONTANA au niveau fédéral helvétique  : « Le pouvoir exécutif de la Confédération helvétique est confié à un conseil fédéral ou Bundesrat de sept membres, analogue au Conseil d’État de la Constitution de Paoli, comme aussi son président a des pouvoirs se rapprochant de ceux du général en Corse  » (note) dans  : FONTANA, Matthieu. La constitution du généralat de Pascal Paoli en Corse, 1755-1769, Éd. Bonvalot-Jouve, Paris, 1907, p. 25 [En ligne] consulté le 12 décembre 2020. URL  : http://catalogue.bnf.fr/ark :/12148/cb30447547m
  32. La Sérénissime en emploie une centaine à Gênes pour sa police. Selon le Père LABAT  : « On dit qu’ils sont très attachés à la République », dans «  Voyages du père Labat de l’ordre des frères prêcheurs en Espagne et en Italie » J.-B Delespine, imprimeur du Roy. 1730, cité dans GIROLAMI, Jean-Pierre. HISTOIRE. Gênes emploie des Corses pour assister la police en ville. Une découverte du père Labat lors d’un voyage en Italie, Article de Corse-matin [En ligne], mis en ligne le 11 mai 2020, consulté le 12 décembre 2020. URL  : https://www.corsematin.com/articles/histoire-genes-emploie-des-corses-pour-assister-la-police-en-ville-une-decouverte-du-pere-labat-lors-dun-voyage-en-italie-109532
  33. La clérocratie, répandue dans les républiques médiévales d’Italie, semble absente de la Constitution paoline où l’élection était a priori de rigueur, sans toutefois préciser, ni les règles d’éligibilité, ni les critères d’appartenance à un corps électoral, ni même les modes de scrutin.
  34. FILIPPI, Antoine-Baptiste. Ibid., conclusion, p. 164.
  35. «  Comparez maintenant à cette liberté celle des anciens. Celle-ci consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités d’alliance, à voter les lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les faire comparaître devant tout le peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même temps que c’était là ce que les anciens nommaient liberté, ils admettaient, comme compatible avec cette liberté collective, l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble  » CONSTANT, Benjamin. «  De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (discours prononcé à l’Athénée de Paris.)  » dans Œuvres politiques, IV, 5, Éd. Louandre, Charpentiers et Cie, 1874, pp. 258-286.
  36. Il est permis de s’interroger dans quelle mesure la figure du Général dans la constitution de 1755 ne relève pas d’une hybridation entre la figure tribunicienne du Capitaine du Peuple et celle davantage patricienne du Doge.
  37. On rappellera encore que la Terra di u Cumunu en Corse évoque moins une forme précoce de «  communisme politique  » qu’une allusion déférente à la Commune de Gênes, mouture médiévale plus «  populaire  » que celle, aristocratique, de la Sérénissime République de Doria.
  38. FILIPPI Antoine-Baptiste. Ibid., p. 80.
  39. La Constitution d’Alesani stipule ainsi que «  hanno i Popoli tutti determinato, e deliberato  » (les Peuples ont dans leur entier déterminé et délibéré  » (trad. personnelle) afin de se donner un Roi.
  40. Ce terme semble remonter au vieux germanique hring, que l’on retrouve dans l’anglais ring et dans les appellations parlementaires des pays nordiques : l’Althing islandais, le Storting norvégien ou encore le Folketing danois. Cette sorte de table ronde civique, se retrouve au Moyen-âge dans de nombreuses autres cités italiennes, notamment en Italie du Nord, et également en Corse où le terme Aringu désigne également les assemblées villageoises (voir notamment LAMOTTE, Pierre. «  Note sur l’Aringo  », Sociétés des sciences historiques et naturelles de la Corse, (170) Études corses n° 3, 1954, pp. 74-77) équivalents des curies de la Rome royale. En ce sens, la démocratie communale encensée dans la Corse médiévale s’inscrit en réalité dans un contexte européen bien plus vaste, qui remonte peut-être aux périodes proto-historiques. D’un point de vue toponymique, le terme se retrouverait dans le nom du village corse d’Aregno en Balagne.
  41. (Trad. personnelle) « dall’Arringo ossia da tutto quanto il nostro popolo in esso adunato », Extrait des Statuts de Saint Marin, Livre I, Rubrique III. Site du Consiglio grande e generale, Archivio leggi, decreti e regolamenti [En ligne], consulté le 12 décembre 2020. URL  : https://www.consigliograndeegenerale.sm/on-line/home/archivio-leggi-decreti-e-regolamenti/scheda17009068.html
  42. Le texte de 1755 montre une Constitution totalement souple, sans procédure de révision ou apparente description d’une hiérarchie des normes, à la différence des Statuts de Saint-Marin dont la rubrique LXII du Livre I détaille la procédure de révision et de publicité.
  43. Comme le note Matthieu FONTANA : « le suprême Conseil jouissait en dehors des sessions, c’est-à-dire pendant presque toute l’année, d’une indépendance à peu près complète vis-à-vis du pouvoir législatif » dans  : FONTANA, Matthieu. Ibid., p. 37.
  44. «  dès que la Consulte [Diète] ouvre sa session, ses pouvoirs [du Suprême Conseil d’État] cessent  : les ministres sont comme suspendus de leur fonction  » dans  : FONTANA, Matthieu, Ibid., p. 37.
  45. La tenue du Lit de Justice par le Souverain ôtait leur compétence aux Parlements qui refusaient d’enregistrer ses édits conformément à l’adage Adveniente principe, cessat magistratus (lorsque le Prince apparaît, le magistrat s’arrête).
  46. Voir FONTANA, Matthieu. Ibid., p. 96 : la Diète était composée de ces délégués des provinces et de représentants des pièves qui «  étaient aussi des élus du second degré  » – aucun n’étant par conséquent directement élu au premier degré – et elle pouvait être complétée par les présidents de province, lorsque l’organe exécutif (le Suprême Conseil) les convoquait.
  47. GRAZIANI, Antoine-Marie. « Les Génois ont permis aux femmes de voter, Paoli n’a rien inventé  », Propos recueillis par Ghjilormu PADOVANI, Article de Corse-matin [En ligne], mis en ligne le 31 août 2017, consulté le 12 décembre 2020. URL  : https://www.corsematin.com/articles/antoine-marie-graziani-les-genois-ont-permis-aux-femmes-de-voter-paoli-na-rien-invente-75853.
  48. (exemple vraiment rare et jamais rencontré dans tant de républiques vues ou imaginés par les philosophes – trad. personnelle), Machiavelli, Niccolò, «  Istorie fiorentine  », dans FLORA, Francesco et CORDIÈ, Carlo (sous la direction de), Tutte le opere di Niccolò Machiavelli, vol. II, Éd. Mondadori, Vérone 1950, p. 421. Cité dans  : MASCONI, Andrea, Ibid.
  49. La Constitution génoise de Doria distingue ainsi entre les fonctions exécutives de la Seigneurie et celles législatives des deux Consigli (le Maggior et le Minor), même si la Seigneurie peut prendre, à l’instar des décrets-lois, des actes dans le domaine législatif. Voir sur ce point précis MASCONI, Andrea, Ibid. dans sa première partie sur les institutions.
  50. Voir à ce sujet FERRANTE, Riccardo. «  La difesa della legalità : i sindacatori della repubblica di Genova  », Éd. Giappichelli, Turin, 1995.
  51. Vito PIERGIOVANNI rappelle que les magistrats de la Sérénissime, Doge compris, devaient à l’issue de leur mandat rendre des comptes au sindacato dei Sindacatori Supremi (PIERGIOVANNI, Vito. Ibid., p. 26), puissant contre-pouvoir dans la Sérénissime. La Constitution paoline transpose cette institution génoise, qui tient à la fois de la juridiction d’exception et de la cour constitutionnelle, en instaurant un sindicatu de 4 membres élu par la Diète. Mais, comme le note Matthieu FONTANA, non seulement le Général n’y est pas soumis mais en outre cet avatar insulaire démontre une relative inefficacité à contrôler les actes des autres magistratures  : «  Il n’est d’ailleurs trace nulle part de remontrances ou observations que le sindicat ait adressées au gouvernement. C’est même plutôt le contraire qui se produisait car les membres du sindicat recevaient souvent des instructions du Conseil d’État  » dans  : FONTANA, Matthieu, Ibid., p. 37.
  52. «  Mais la sanction de leur responsabilité n’était pas précisée. Il n’y en eut jamais d’autre que la non-réélection pour ceux que le pays ne jugeait pas dignes d’occuper cette haute charge  » FONTANA, Matthieu. Ibid. p. 37
  53. FILIPPI Antoine-Baptiste. Ibid., p. 30.
  54. Anonyme, «  Mémoire apologétique au sujet de la dernière révolution de l’isle de Corse  », Corte, 1760, pp. 40-45  : «  il y avait autrefois dans notre île un corps de noblesse brillante et distinguée (…) La République dans le dessein d’abattre la noblesse a saisi le système de l’Empire ottoman. Là un seul règne avec le sceptre de fer, et tous sont esclaves (…) L’infraction d’un décret du Sénat emportait suppression du fief. Que de ruses, que d’artifices mis en œuvre pour enlever les plus beaux domaines de nos barons (…) Le mépris pour nos Seigneurs a été porté jusqu’à l’outrage. On les a forcés dans le palais du Gouverneur de se tenir dans une salle d’attente, confondus avec les gens de livrée (…)  Un ancien cérémonial leur donnait le droit de s’asseoir et de se couvrir devant lui. La hauteur républicaine s’en trouva offensée, le Sénat par un décret solennel, abolit cet usage (…) Comme Tarquin le Superbe, ils ont abattu les plus hautes tiges des pavots de notre île  ; on parle de ces hommes de marque, tous confondus en ces jours dans la poussière avec de vils Plébéiens (…) Le sincère ministre [le Gouverneur Felice Pinello en poste en Corse en 1729] répondit que la République ne reconnaissait plus de nobles en Corse, et que tous les insulaires étaient pour elle d’égale condition ».
  55. C’est dans cette logique que Pisistrate et Tarquin, qui s’appuyaient sur la plèbe commerçante, furent chassés du pouvoir par une aristocratie terrienne désireuse de conserver ses privilèges, les Eupatrides à Athènes, les Patriciens à Rome.
  56. Le Père LABAT dit la même chose de la relation des Génois eux-mêmes à la couronne française  : «  Louis XI se lassa à la fin d’avoir des sujets si remuants qu’ils se révoltaient quand ils en trouvaient l’occasion ou quand ils n’avaient pas besoin de sa protection  » Voyages du père Labat de l’ordre des frères prêcheurs en Espagne et en Italie. J.-B Delespine, imprimeur du Roy. 1730, cité dans GIROLAMI Jean-Pierre, Ibid.
  57. Un nombre notable de familles corses sont des familles originaires de l’aire nord italienne, installées en Corse sous l’impulsion de la Banque de Saint-Georges puis de la Sérénissime, l’exemple le plus connu étant celui des Bonaparte, originaires de Sarzana en Lunigiana.
  58. SALONIA Matteo, «  Genoa’s Freedom : Entrepreneurship, Republicanism, and the Spanish Atlantic », Éd. Lexington Books, 2017.
  59. «  Les Assyriens, si décriés dans la Bible, servent pourtant de modèle au discours religieux sur le dieu d’Israël : c’est ce qu’on appelle la compensation ou la « contre-histoire » – on récupère le discours de l’oppresseur et on se l’approprie  ». RÖMER, Thomas dans RÖMER, Thomas et CHABBI, Jacqueline. «  « Prenons garde à ne pas fantasmer les origines des religions », Propos recueillis par Virginie LAROUSSE. Article du Monde des religions [En ligne], mis en ligne le 27 septembre 2020, consulté le 12 décembre 2020. URL  :  https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2020/09/27/jacqueline-chabbi-et-thomas-romer-prenons-garde-a-ne-pas-fantasmer-les-origines-des-religions_6053773_6038514.html
  60. Ibid., p. 107.
  61. Ibid., p. 118
  62. Ibid., p. 118
  63. THUCYDIDE, «  Histoire de la Guerre du Péloponnèse  », V, 84-116.
  64. FILIPPI, Antoine-Baptiste. Ibid., p. 76.
  65. Trad. personnelle.
  66. Bible, 1 Samuel, VIII, 6, trad. Augustin Crampon, Desclées & Co Paris, 1923.
  67. « Mémoire apologétique au sujet de la dernière révolution de l’isle de Corse », Corte, 1760, p. 5
  68. FILIPPI, Antoine-Baptiste. Ibid., p. 109.
  69. Pierre BIRNBAUM rappelle ainsi que  : «  La rencontre entre le puritanisme et le judaïsme a été harmonieuse, les Américains se voient longtemps comme « sortis d’Egypte », c’est-à-dire d’Angleterre, ils se reconnaissent dans l’Ancien Testament. Les Pères fondateurs ont proclamé haut et fort leur identification à l’histoire juive  » dans BIRNBAUM, Pierre. «  « On a sous-estimé l’élément antisémite du soulèvement du Capitole »  », Propos recueillis par Valentine FAURE. Article du Monde [En ligne], mis en ligne le 19 janvier 2021, consulté le 23 janvier 2021. URL  : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/19/pierre-birnbaum-on-a-sous-estime-l-element-antisemite-du-soulevement-du-capitole_6066732_3232.html
  70. «  L’axiome fondamental est ici  : cultura facit saltus. Il est assurément possible que les grands tournants et les grandes transformations culturelles ait été préparés de façon imperceptible par des passages progressifs. Mais la mémoire culturelle les met en scène et s’en souvient comme des sauts  » ASSMAN, Jan. Ibid., p. 36.
  71. Sur ce thème, voir les travaux de FINKELSTEIN, Israël et DEVER, William G.
  72. Il écrivit à son père Hyacinthe dans une lettre du 17 octobre 1754  : « Lisez l’histoire romaine et contemplez une fois encore ces modèles qui furent autrefois les vôtres  » cité dans  : FONTANA, Matthieu. Ibid. p. 20
  73. Paoli écrit ainsi en 1802, dans son exil londonien  : «  Nous sommes unis à cette Nation [la France], il faut se conformer à sa langue, à ses mœurs et habitudes si l’on veut faire quelques progrès dans le monde  », cité dans VERGÉ-FRANCESCHI, Michel. Une histoire de l’identité corse, des origines à nos jours, Éd. Payot & Rivages, Paris, 2017.
  74. C’est le propos de sa dernière œuvre, «  L’Homme Moïse et la religion monothéiste  » dans laquelle il soutient l’idée que le prophète majeur de la religion hébraïque était en réalité un prêtre égyptien.
  75. Sur cette notion, voir DUPONT, Florence, «  Rome, la ville sans origine  : L’ «  Énéide  » un grand récit du métissage  ?  », Éd. Le Promeneur, 2011
  76. Bonaparte avait exposé à Las Cases son rêve d’une fédération européenne dont il cherchait le fondement dans les exemples de l’antiquité  : «  Alors peut-être, à la faveur des lumières universellement répandues, devenait-il permis de rêver, pour la grande famille européenne, l’application du congrès américain, ou celle des Amphyctions de la Grèce  » dans LAS CASES, «  Mémorial  », t. 2, p. 304 cité dans  : Jacques-Olivier BOUDON, Napoléon et l’hellénisme, Anabases [En ligne], 20 | 2014, mis en ligne le 01 novembre 2017, consulté le 12 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/anabases/4843 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anabases.4843
  77. DEBRAY, Régis. «  L’Europe fantôme  », Collection Tracts (no. 1), Gallimard, 2019, p. 36 cité dans : TRAVERS DE FAULTRIER, Sandra. Singulier pluriel, Revue Droit & Littérature, vol. 4, no. 1, 2020, pp. 133-147.
  78. Voir sur ce sujet la contribution de ETTORI, Fernand dans POMPONI, Francis (sous la direction de). Le Mémorial des Corses. Tome 2 «  Soumissions et résistances  » 1553-1796, Éd. Le Mémorial des Corses & Arslibris, Ajaccio, 1981, p. 250  : «  Les journaux de campagne des Impériaux, comme d’ailleurs les mémoires de Rostini, donnent une image moins simple et moins romanesque des événements. Calenzana était un village fidèle à la République  ».
  79. Né une vingtaine d’années après les faits, il en livre une version épique dans ses Osservazioni storiche sopra la Corsica rédigées à partir de 1778, où il fait intervenir le renfort de ruches d’abeilles que les habitants auraient jeté des toits du village sur la soldatesque impériale.
  80. BONAPARTE, Pierre-Napoléon. «  La battaglia di Calenzana. Poemetto storico  », Imprimerie administrative de Paul Dupont, Paris, 1865.
  81. STRABON. «  Géographie  », Livre XII, 2, 18.
  82. Utopie vient du grec οὐτοπος, qui signifie littéralement «  le lieu de nulle part  ».
  83. Jean-Louis Fabiani parle notamment de la construction d’un «  isolat mythique  » dans FABIANI, Jean-Louis. «  Sociologie de la Corse  », Éd. La Découverte, Paris, 2018, Introduction.
  84. Stèles de pierre anthropomorphiques «  en armes  » de l’âge du bronze (moitié du II° millénaire avant notre ère) dont les attributs évoquent fortement celles de la Lunigiana ainsi que les bronzetti de chefs nuragiques en Sardaigne.
  85. Ce n’est pourtant pas le postulat des apologètes des révolutions corses, le «  Mémoire apologétique au sujet de la dernière révolution de l’isle de Corse  » (précité) énonce ainsi que  : «  Avant l’invasion des Romains, les Corses avaient eu des Rois nationaux. Sous ces règnes d’ignorance et de barbarie, la Législation fut un empire dur et barbare  » (p. 5). Si les mythes historiques de cette littérature mettent souvent en avant la figure hostile de l’étranger oppresseur, ils n’envisageaient pas nécessairement de meilleures conditions de gouvernance lorsque les détenteurs du pouvoir sont des autochtones.
  86. BIANCARELLI, Marcu. «  Prighjuneri / Prisonnier  », Éd. Albiana, 2000. Traduction de Jérôme FERRARI.
  87. BRAGUE, Rémi. «  Europe, la voie romaine  », Éd. Critérion, Paris, 1992, p. 23.
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