Daniele Macchini est docteur à l’hôpital Humanitas Gavazzeni à Bergame (Lombardie). En mars dernier, alors que le Covid-19 commençait à frapper la Lombardie, il nous racontait son expérience concernant le combat contre le coronavirus, dans un témoignage du front qui a fait le tour du monde. À la fin de cette année particulière, au plus fort de la deuxième vague, il revient dans nos colonnes pour lancer un appel particulièrement crucial, alors que la campagne de vaccination peine à s’imposer en France et dans une partie des pays d’Europe continentale.

Bergame, 30 décembre 2020

Pendant la première vague, le Covid-19 nous a bousculé avec un impressionnant déferlement de destruction. Ce fléau nous a choqué, il a transformé le récit que se faisait d’elle-même notre époque, notre humanité.

La pandémie a fait disparaître une partie de la génération qui avait survécu aux guerres mondiales et a laissé des cicatrices inoubliables sur les nouvelles générations. Nous n’avions jamais connu un événement de cette intensité, demain nous en parlerons à nos enfants ou à nos petits-enfants. Désormais habitués à la vie séreine de nos anciens, nous nous sommes retrouvés confrontés à des souffrances inimaginables, à des bouleversements dévastateurs.

Les générations nées après la guerre n’étaient pas préparées à ce que tout ce qui est essentiel leur soit soudainement enlevé : leur travail, la proximité des autres, un sourire. Elles ont maintenant connu ou connaîtront la pauvreté. Des familles qui n’auraient jamais imaginé connaître la solitude, l’éloignement d’un être cher, d’une caresse doivent s’habituer à pleurer — seules.

La pandémie nous submerge à nouveau, pour la deuxième fois. Elle nous rappelle que nous ne sommes que des humains. Parfois nous oublions nos défauts : la science n’est pas infaillible et il ne faut pas croire que le progrès soit inévitable. Nous, médecins, nous connaissons – ou nous devrions connaître – l’imperfection de notre art.

Pourtant aujourd’hui, nous sommes habitués à ce que tout soit immédiatement résolu, sans problème ou complexité. Tout devrait être réglé immédiatement, par magie, comme dans les histoires des super-héros. Mais la vie, les problèmes que nous avons en face ne ressemblent pas à ces caricatures. Si on veut surmonter cette crise, il faut apprendre à rejeter cet imaginaire simpliste et à chérir les enseignements que nous avons appris.

Le monde d’après est-il vraiment là ? Il serait temps de le prouver.

Le moment est venu de se faire vacciner. Le reste, c’est du vent.