Un précurseur français du Soft Power
Sous la Troisième République, l'éducation était intégrée à une stratégie d'influence de la France à l'étranger. Découvrons avec ses mots l'un de ses promoteurs : André Honnorat.
- Auteur
- Guillaume Tronchet
Peu connu du grand public, André Honnorat est pourtant un parlementaire influent de la Troisième République, député puis sénateur des Basses-Alpes (actuel département des Alpes-de-Haute-Provence), à l’origine notamment de la mise en place des premières politiques familiales, de la législation antituberculeuse et de la création des sanatoriums, de la fondation de bibliothèques, de musées et d’instituts de recherche, un grand réformateur de la nationalité française, l’initiateur de l’heure d’été en France et le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts en charge, à l’occasion des cérémonies du 11 novembre 1920, de l’inhumation du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe et de l’entrée de Gambetta au Panthéon1.
Investi pour développer la circulation des étudiants et des intellectuels en Europe et à l’international, il est aussi l’initiateur de l’accueil d’étudiants réfugiés en France pendant la Première Guerre mondiale, un acteur central de l’accueil des intellectuels juifs dans les années 1930, et le président-fondateur de la Cité internationale universitaire de Paris, conçue à la fois pour renforcer l’attractivité internationale des universités françaises et pour favoriser la diffusion du pacifisme au sein d’une jeunesse mondiale en formation (Bourguiba, Césaire, Pompidou, Sartre, Senghor, etc.).
Cette action internationale mêlant intimement le développement des échanges culturels internationaux à ce qu’on appelle alors le « rayonnement intellectuel » français s’inscrit dans une vision géopolitique de long terme, dont l’audace a parfois déconcerté ses contemporains. Les six textes qu’on va lire, issus de sa correspondance privée, d’articles de presse, d’interventions au Parlement ou dans des think thank internationaux, en sont l’illustration.
Dans le premier texte, daté de novembre 1914, alors que l’Europe s’enfonce dans la Première Guerre mondiale, André Honnorat anticipe avec un demi-siècle d’avance la guerre froide et, à rebours des vents dominants, évoque déjà la nécessité d’envisager un projet politique européen autour d’un axe franco-allemand. Le deuxième texte, daté de 1919, constitue, en lien avec plusieurs projets initiés par Honnorat à la même époque, un plaidoyer pour le développement d’une diplomatie d’influence visant à positionner la France à l’avant-scène mondiale dans les domaines de la formation, de la recherche scientifique et de la culture afin de contrebalancer une perte de compétitivité économique prévisible à l’horizon des années 1970 face aux États-Unis et à l’Asie. Le troisième texte est cri d’alerte, par lequel Honnorat dénonce dès 1924 les dangers de la montée du racisme, de l’antisémitisme et du militarisme au sein des mouvements de l’extrême-droite allemande autour d’Adolf Hitler. Le quatrième texte est une série d’extraits qui évoque entre-deux-guerres un projet d’échanges internationaux d’étudiants, à même de contribuer à la construction d’un espace européen pacifié, dans l’esprit de ce que sera le programme Erasmus cinquante ans plus tard. Le cinquième texte, écrit dans les années 1930 dans un contexte d’instabilité économique et financière internationale, propose que la France initie la création d’une organisation économique internationale qui préfigure celles que les États-Unis et la Grande-Bretagne mettront sur pied à Bretton Woods au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le dernier texte, enfin, est porteur d’un projet inédit d’Union franco-britannique qui remonta jusqu’au cabinet de Churchill en 1940 et qui, échouant de peu, aurait pu permettre à l’Europe politique d’embrasser un autre destin.
Refaire la Sainte Alliance (1914)
Je trouve que partout on fait fausse route. Je ne crois pas en effet qu’on distingue entre l’Allemagne et l’impérialisme allemand. Dans les journaux – que je commence enfin à pouvoir lire – on ne distingue guère entre ceci et cela. Or, si l’impérialisme allemand est haïssable, l’Allemagne ne mérite notre mépris que dans la mesure où elle se subordonne à lui et sert ses desseins. Cette mesure, il est entendu qu’elle est complète, puisque pas un mot de protestation ne s’est élevé jusqu’ici au sein du peuple allemand contre les procédés du militarisme allemand. Mais il faut prévoir l’avenir et je ne crois pas me tromper en disant que notre intérêt serait de dire que nous n’en voulons à ce peuple que de sa docilité à exécuter les ordres d’un gouvernement d’un autre âge qui le mène à sa ruine et le déshonore. Rien de plus.
Car il faut prévoir l’avenir. Il n’est pas démontré que, dans 40 ou 50 ans, nous n’aurons pas besoin de préserver l’humanité d’une excessive expansion des deux forces de nationalité qui peuvent seules bénéficier de la guerre actuelle : je veux dire le monde slave et le monde anglo-saxon. Je n’écrirais pas volontiers ce que je pense, de crainte de provoquer des méprises et des malentendus. Mais je suis d’avis qu’on ferait bien d’engager tout le monde à faire entendre une note plus juste, à savoir que nous luttons pour constituer une Europe qui ne soit asservie à aucun gouvernement, où chaque peuple aura la place qui lui revient légitimement, le peuple allemand comme les autres. Qui sait, si nous développions davantage cette idée, l’écho qu’elle trouverait de l’autre côté du Rhin ? Et qui sait, si elle y recueillait un écho, les conséquences qui en résulteraient ? […]
Mais à quoi bon discourir ? Je ne trouve nulle part l’écho de ma pensée. Il est probable que je ne parvienne à convaincre personne. Quand je dis, autour de moi : ce qu’il faut, c’est refaire en ce siècle et sous une forme démocratique la Sainte Alliance qui triompha de Napoléon, on me regarde comme un illuminé. Chacun ne pense qu’à découper la carte de l’Allemagne à son gré, à en faire tout un damier. Cela me paraît enfantin et à certains égards dangereux, car s’il faut empêcher l’Allemagne de pouvoir exposer encore l’humanité à des désastres comparables à ceux que nous subissons, il faut également qu’elle n’ait pas, après la guerre, quelques raisons de garder à notre endroit les sentiments que nous avons eu le droit de nourrir contre elle après 1870. Mais il est des courants d’opinion qu’on ne dirige pas.
Ce dont je suis convaincu, par exemple, c’est qu’il va se poser bientôt des problèmes sociaux et économiques, moraux et politiques, infiniment plus grands que tous ceux sur lesquels nous avons débattus pendant si longtemps. Et ce que je crois, c’est que comme ces problèmes se poseront de la même manière dans les pays de la vieille Europe, ils les rapprocheront inévitablement quand le militarisme prussien sera détruit2.
Au déclenchement de la guerre en 1914, André Honnorat a 46 ans. Alors député des Basses-Alpes, il n’entend pas pour autant se soustraire à la mobilisation et rejoint le front comme engagé volontaire, en qualité de secrétaire d’État-major.
Cet élan patriotique n’est cependant pas emprunt de germanophobie. À la différence de ses amis politiques, Honnorat n’emploie dans ses textes ni les termes de « Boches », ni de « monstre germanique », ni de « hordes teutonnes ». S’il juge l’Allemagne responsable de la guerre, c’est pour appeler à la raison dès qu’il s’agit d’évoquer le peuple allemand, qu’il estime victime des ambitions impérialistes du Kaiser.
Cette position s’enracine dans une vision géopolitique inspirée par ses lectures antérieures des écrits du sociologue Jacques Novicow sur la concurrence des langues et des nationalités, la « kilométrite des États » ou encore La Fédération de l’Europe (1901).
Dans cette lettre écrite à sa mère en novembre 1914, Honnorat souligne ainsi qu’il ne tient pas à ce que la France nourrisse outre-Rhin une envie de revanche préjudiciable à la paix en Europe au lendemain du conflit, pressentant avec acuité les conséquences néfastes des conditions de paix que les vainqueurs imposeront en 1919. Surtout, il anticipe avec plus d’un demi-siècle d’avance un choc possible entre un bloc de l’Est sous pavillon russe et un bloc occidental sous pavillon anglo-américain, en envisageant que la seule façon pour la France de s’en sortir sera alors de promouvoir une voie européenne, sous la forme d’une confédération d’États souverains dont l’Allemagne devra faire partie.
En pleine guerre de mouvement, tandis qu’une majorité de ses contemporains marchent sur Berlin au son des canons de la revanche, André Honnorat demeure un européen convaincu qui, on le voit ici, se projette dans le demi-siècle à venir avec une hauteur de vue peu commune.
« Pour l’avenir de la France » (1919)
Ce projet, en fixant ne varietur le cadre et la forme du développement de Paris, a, pour l’avenir de la France, une portée infiniment plus haute que le libellé de son titre ne le donne à entendre.
Je dis : pour l’avenir de la France, parce qu’il est de toute évidence que si nous voulons garder à la France, dans le monde de demain, une influence morale digne de sa magnifique histoire, il importe au premier chef que Paris conserve la situation privilégiée qu’il occupe parmi toutes les capitales et qui fait de lui, pour l’ensemble des hommes civilisés de notre temps, un peu de ce que la Rome papale, pendant des siècles, a été pour la communauté des chrétiens.
Ne l’oublions pas, messieurs, la France, numériquement, ne comptera pas beaucoup dans cinquante ans. Elle avait déjà, avant la guerre, une population décroissante ; que sera-ce après les effroyables hécatombes de ces dernières années ? Et en admettant que nous puissions enrayer cette décroissance, que compteront les quelque quarante millions que nous serons alors, contre les 100 millions de Germains qui seront au cœur de l’Europe, les 150 millions de citoyens que dénombreront les États-Unis, les 150 millions d’individus qui peupleront le territoire de l’Angleterre et de ses dominions, les masses plus nombreuses encore des nations slaves ou extrême-orientales ?
Quelque regret que nous en puissions avoir, nous devons nous l’avouer à nous-mêmes, les sacrifices inouïs que nous avons faits à la liberté des peuples depuis le jour où la Convention nationale déclarait la guerre à l’autocratie, jusqu’au jour où, tour à tour, les trônes de tous les souverains et de tous les princes de l’Europe féodale s’écroulaient définitivement sous la poussée victorieuses des armées commandées par le maréchal Foch, nous interdisent de nous bercer de l’espoir que nous pourrons représenter, demain, dans l’activité économique internationale dont, plus que jamais, l’influence politique est destinée à devenir tributaire, un facteur comparable à celui que nous avons constitué hier.
Est-ce une raison, cependant, pour que nous devions en même temps renoncer à l’espoir de rester un élément agissant dans le concert des nations ? Loin de moi, messieurs, pareille pensée. Je suis, au contraire, convaincu qu’il ne dépend que de nous d’élargir encore le champ d’action de la France. Je prétends seulement que nous ne pouvons y réussir que si nous savons tirer parti du rôle prodigieux que la France a joué dans la formation du monde moderne. (Très bien ! très bien !)
Je l’ai dit et répété sans cesse à mes collègues de la commission des affaires extérieures [de la Chambre des députés] comme à tous les ministres qui se sont succédé au pouvoir depuis quatre ans : notre vraie propagande, à nous, c’est par nos écoles, par nos musées, par nos bibliothèques, par nos laboratoires, par nos instituts que nous pouvons avec le plus de profit l’organiser et l’exercer. Ils constituent nos plus sûrs moyens de défense ; ils sont les meilleurs auxiliaires de notre diplomatie, les agents les plus actifs de notre influence politique et économique au dehors.
Or, messieurs, quand des bibliothèques et des musées ne s’enrichissent pas, ils s’appauvrissent et quand des écoles n’augmentent pas leur clientèle ou quand des laboratoires n’améliorent pas leur outillage, ils cessent bien vite de rendre des services.
Est-il donc possible que, dans l’organisation du plus grand Paris qu’on nous demande d’approuver, aucune place ne soit réservée à nos écoles, à nos laboratoires, à nos musées, à nos bibliothèques ? (Très bien ! très bien !)
Quoi ! C’est au moment précis où, de tous les coins du monde, des étudiants en foule, comme au temps d’Abélard, accourent vers la montagne Sainte-Geneviève pour goûter aux fruits savoureux de notre culture, qu’on nous convie à ratifier un contrat qui fait litière de tous ces intérêts-là ?
J’ose dire que nous ne le pouvons pas […].
Si quelque chose me choque dans le projet de loi, c’est bien que l’État, au lieu de s’associer à la ville pour faire du Paris de demain le plus grand centre de l’humanité pensante, n’ait songé, dans cette vaste opération que constitue la démolition de l’enceinte fortifiée, qu’à réaliser de médiocres recettes pouvant à peine alléger de quelque deux millièmes le déficit annuel de nos budgets. […]
Je ne veux pas faire obstacle au projet de loi. Je demande seulement à la Chambre [des députés] d’y introduire le modeste amendement que je lui soumets3 et qui, faute de mieux, sauvegardera toujours quelques-uns des plus hauts intérêts dont nous ayons la charge : je veux dire les intérêts de la pensée et de la science qui se confondent si étroitement en France avec ceux de la nation tout entière. (Très bien ! très bien !)
Messieurs, vous m’excuserez si je mets dans ma demande tant d’insistance. Je ne le fais que parce que je suis convaincu que c’est le destin de notre grand et glorieux pays de devenir, pour l’ensemble des peuples civilisés, la terre de la nouvelle alliance et que ce destin, il ne peut le remplir que si nous savons aménager Paris pour en faire toujours le plus étonnant foyer de lumières qui brille sous les cieux. (Applaudissements)4
Devenu peu à peu un relai des intérêts du monde universitaire au Parlement, André Honnorat signe ici, dans le cadre du débat parlementaire sur le déclassement des terrains de l’ancienne enceinte Thiers, une intervention qui s’inscrit dans une série d’initiatives qu’il prend alors en vue de positionner la France dans la compétition intellectuelle et scientifique mondiale5 : volonté de créer, en 1914, une Bibliothèque internationale de législation et d’administration, pour faire de Paris un pôle international pour les études juridiques ; création en 1918 de la Bibliothèque-Musée de la Guerre, renommée ensuite Bibliothèque internationale de documentation contemporaine (actuelle La Contemporaine), afin de défier l’Allemagne sur le terrain de l’érudition scientifique et de faire de la France le centre mondial des études sur la guerre, la diplomatie et les relations internationales ; tentative la même année pour faire de Versailles la capitale de la Société des nations et des grandes institutions internationales issues de la guerre, avant que Genève puis, plus tard, New York n’obtiennent ce privilège.
Quelques mois après cette intervention, André Honnorat devient ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts et, sur les terrains des anciennes fortifications de Paris qu’il a repéré, il réussit à lancer le chantier de la Cité internationale universitaire de Paris, pour former en France l’élite de la jeunesse mondiale, sur un campus de 40 hectares prévu alors pour accueillir près de 3 000 étudiantes et étudiants de toutes les nationalités6.
La Cité n’est pour lui qu’une étape dans la construction, à cheval entre Paris et les communes environnantes, d’un grand campus mondial adapté aux enjeux du monde contemporain avec des salles de cours, des laboratoires, d’autres résidences pour étudiants et professeurs. Dans ce but, peu après la Libération, la Cité alloue un terrain à l’École normale supérieure de jeunes filles (actuel campus Jourdan) et un autre à l’hôpital international universitaire de Paris (actuel Institut Montsouris), tandis qu’Honnorat obtient du gouvernement français 70 hectares supplémentaires pour bâtir autour de la Cité une nouvelle Sorbonne. Le projet est cependant torpillé en 1948 à l’Assemblée nationale par les élus communistes des villes dont les terrains ont été préemptés sans leur consentement. Paris n’aura pas le campus mondial qu’Honnorat avait espéré lui donner.
« On a le droit d’être inquiet » (1924)
En dehors de l’armée régulière, se développe [en Allemagne] un vaste mouvement, qui groupe, en des associations puissantes, les éléments d’une autre force ; l’esprit militaire renaît, sous l’impulsion de groupes politiques et d’agitateurs. Les événements de Bavière en ont donné la preuve, tout récemment encore. Sont-ce des rides de surface ? Ou bien sommes-nous en présence d’une vague de fond ? […]
Les associations de droite prêchent l’emploi de la force pour régénérer le peuple allemand, aveuli par le régime parlementaire et la domination des révolutionnaires « à la solde des Juifs ». […]
En dehors des milieux d’extrême-droite, les nationalistes semblent reconnaître qu’il serait « déraisonnable » de se jeter « à tête perdue et prématurément » dans une guerre contre la France ; mais, disait l’un deux, « ce qui ne peut pas se faire maintenant doit se faire bientôt ». C’est en ce sens que l’effort des associations patriotiques peut devenir dangereux pour la paix, par l’action morale qu’elles exercent sur la jeunesse allemande et l’appel qu’elles lancent à la force. […]
Que manquerait-il donc à l’Allemagne pour lever une grande armée ? Elle a les hommes et les armes légères : mitrailleuses et fusils. Elle peut transformer ses avions commerciaux en avions de bombardements, en dépit des précautions du Comité de garantie. Elle peut préparer l’arme chimique. […]
L’activité des associations patriotiques appuyée plus ou moins ouvertement par la Reichswehr et encouragée par les autorités officielles du Reich, est avant tout un danger pour la République allemande. Elle ne semble pas être, aujourd’hui, un danger pour une puissance étrangère. En sera-t-il ainsi demain ? C’est une autre question. La propagande nationaliste, qui affecte depuis quelques temps de se dégager de l’esprit de parti, inculque à la jeunesse allemande l’idée de revanche.
Déjà le gouvernement du Reich a fait des concessions au mouvement nationaliste […] ; déjà les élections bavaroises ont donné un succès aux extrêmes, et surtout au mouvement raciste d’Hitler et de Ludendorff. Qu’en sera-t-il dans quelques semaines ? Si les partis nationalistes grossissent leurs effectifs dans le prochain Reichstag, si le parti socialiste sort vaincu de la bataille électorale – comme il paraît s’y attendre – alors n’est-ce pas contre l’étranger que se tournera la menace ? […] On a le droit d’être inquiet7.
Rédigées quelques mois après le putsch manqué d’Adolf Hitler en novembre 1923, ces lignes sont extraites d’un ouvrage publié par André Honnorat en 1924 sur la situation politique de l’Allemagne, à partir d’un méticuleux travail de lecture, de compilation et d’analyse de la presse allemande ainsi que de textes et de discours produits par les partis de l’extrême-droite allemande.
Inspiré par la méthode critique avec laquelle André Honnorat s’est familiarisé en fréquentant les historiens (dont Pierre Renouvin) et les archivistes gravitant autour de la Bibliothèque-Musée de la Guerre qu’il a contribué à fonder peu de temps auparavant, cet ouvrage de près de 150 pages met en évidence une dynamique de fond que même les services secrets français de l’époque – on le sait aujourd’hui – sous-estiment et pensent peu dangereuse, comme d’ailleurs de nombreux observateurs internationaux pour qui le putsch manqué d’Hitler « a répandu un tel ridicule sur tout le mouvement que le sort de la croix gammée est définitivement compromis ». Loin d’être majoritairement partagée, l’analyse d’Honnorat est alors plutôt celle d’un Cassandre.
Erasmus avant la lettre (années 1920-1930)
La paix que nous envisageons, ce n’est pas simplement la suppression de la guerre, c’est quelque chose de plus. […] Ce qui est essentiel pour la paix du monde, c’est que l’élite des divers pays d’Europe arrive à se connaître, à se pénétrer, à acquérir un peu d’esprit international européen. […] Le grand problème est le problème européen. En favorisant les contacts entre les étudiants européens, nous rendrions un immense service à l’humanité. […]
Ma proposition est très simple. Considérons par exemple l’Allemagne. Nous demandons aux universités allemandes ou à nos collègues allemands de trouver deux étudiants parlant l’un le français, et l’autre l’anglais. Nous leur enverrions sept ou huit de leurs camarades français, belges, suisses, anglais, polonais. Un groupe ferait à travers l’Allemagne un voyage de six semaines ou deux mois ; les jeunes gens vivraient ensemble pendant ce temps. Je suis persuadé qu’à la fin du voyage, ils seraient tous des amis. Et ce serait déjà un lien international créé. […]
Pour la paix, […] je trouve que nous devons essayer d’agir sur les jeunes générations, qui sont les éléments de l’avenir. Nous devons leur donner des facilités sans doctrine, simplement pour se connaître. […] De jeunes Allemands en Angleterre, […] de jeunes Français en Autriche, […] et puis le même échange en Italie, et un peu partout. […] Prendre des jeunes gens de formation différentes : savants, biologistes, mathématiciens, ingénieurs, médecins, artistes, un groupe varié […], le résultat serait, à mon avis, très important. […] Un échange d’idées se produit, un contrôle, des visions d’ensemble, des réactions différentes puisque leurs disciplines sont différentes, […] ça ne peut pas faire autrement que de dégénérer en relations personnelles. […] Si nous ne cherchons pas à provoquer ces contacts vis-à-vis de ceux qui paraissent pouvoir être des dirigeants de demain, nous perdons notre temps. […]
Vous me permettrez de croire que les hommes, même quand ils sont tout à fait endoctrinés sont susceptibles de recevoir un enseignement. L’observation, le contact, la réflexion élargiront néanmoins la pensée. Moi je crois qu’il y a toujours un profit à étudier au dehors […] Après tout, au cours des siècles, le progrès humain, tel qu’il s’est réalisé en Occident ne s’est réalisé que par un contact des hommes entre eux. C’est un fait. Il y a une certaine histoire vraie de l’Europe, […] [qu’on retrouve] dans n’importe quel pays, […] des faits évidents et desquels on peut tirer de même certaines conclusions qui ne seront contestées par personne : c’est qu’il est nécessaire d’établir les contacts et de les multiplier8.
En écho à ses préoccupations pour le développement de la Cité universitaire de Paris, André Honnorat multiplie dans les années 1920 et 1930 les interventions en faveur des échanges internationaux d’étudiants, comme ici lors des séances du conseil d’administration du Centre européen de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, une fondation philanthropique américaine dotée d’une antenne à Paris et dont Honnorat est le président.
Les années 1920 constituent un moment de développement des circulations internationales étudiantes, que ce soit sous l’impulsion des États, des universités ou des associations internationales d’étudiants en lien avec l’Institut international de coopération intellectuelle, organisme rattaché à la Société des nations. Il s’agit cependant souvent d’échanges bilatéraux (la France en organise ainsi avec l’Allemagne, l’Autriche et l’Angleterre). Ce que propose Honnorat, c’est bien plutôt un programme multilatéral d’échanges dont l’objectif affiché est de forger un « esprit européen », dans une ambition assez semblable à celle qui présidera à la naissance du programme européen Erasmus dans les années 1980.
Pour une caisse de crédit mutuel des États d’Europe (1933)
Les suggestions de M. Mussolini montrent avec évidence que si la France ne veut pas devenir une puissance dirigée, il est temps qu’elle ait elle-même quelques idées directrices à opposer à celles qui lui sont soumises. […]
Malgré l’intensité de la crise qui l’atteint, malgré le déficit de son budget, elle est encore la puissance qui peut apporter à la reconstruction du monde l’aide financière la plus efficace.
C’est la seule force qu’elle ait à sa disposition. Et encore n’est-il pas sûr qu’elle la garde bien longtemps. D’où, nécessité pour elle d’en user à temps.
Ce sont ces considérations qui me font croire qu’elle serait heureusement inspirée, si elle prenait l’initiative de proposer la création d’une caisse de crédit mutuel des États d’Europe dont le statut serait fixé par une convention internationale et qui aurait pour objet d’aider ces États à reconstituer leurs trésoreries, à consolider ou à restaurer la valeur de leurs monnaies et, par voie de conséquence, à favoriser la reprise de l’activité économique. […]
Il serait prématuré de préciser sur quelle base une caisse de cette nature pourrait être créée. J’indique seulement qu’elle devrait avoir, en échange de gages qui lui seraient librement consentis par chacun des États contractants, la faculté d’émettre des titres portant la signature conjointe de ces États. […] Le crédit des États dépend toujours de la confiance qu’ils inspirent. […] Aujourd’hui, c’est la dévalorisation et l’instabilité des monnaies les plus réputées, qui conjointement avec le désordre des finances publiques et le développement des passions nationalistes ont porté au crédit de tous les États les plus graves atteintes. Ils ne le rétabliront qu’à la condition de créer en commun une caisse [mutuelle], et entourée de garanties qui imposeront la confiance. […]
Il n’est pas douteux, en tous cas, que l’ensemble des États intéressés envisagerait ce projet avec faveur, non seulement à raison des avantages que chacun d’eux en pourrait retirer, mais aussi et surtout à raison des perspectives de paix durable qu’il leur permettrait d’avoir.
On ne peut, en effet, imaginer que des États créent entre eux une caisse de crédit mutuel sans s’obliger les uns envers les autres à ne rien faire qui puisse nuire au crédit de cette caisse.
Or, comment pourraient-ils pratiquement prendre un engagement de cette nature sans s’interdire de recourir à la force en cas de différend entre eux et sans se donner des garanties réciproques au cas où l’un d’entre eux viendrait à rompre cet engagement ?
L’erreur que nous avons commise est d’imaginer que la France pouvait assurer sa sécurité sur un plan politique, quand tout démontre qu’elle ne peut l’attendre que d’un plan financier liant entre eux les intérêts permanents de tous les États. […] L’intérêt est un levier puissant. Si nous savons en user, on nous ménagera et, par la force des choses, on sera obligé de mettre une sourdine à ces affreuses campagnes d’excitation à la haine entre les peuples qui se développent partout et qui ajoutent tant de légitimes inquiétudes à toutes celles qu’a fait naître la crise sans précédent que le monde subit depuis trois ans. […]
Une fois que la France aura effectué le paiement qui venait à échéance le 15 décembre [1932], elle aura toute latitude pour offrir aux États d’Europe de coopérer à la restauration de leurs finances. […] Il lui sera alors aisé de démontrer aux États-Unis que cette restauration est une préface nécessaire à la conférence économique mondiale, puisque c’est seulement lorsque les États d’Europe auront assaini leurs trésoreries et dissipé l’atmosphère de méfiance dans laquelle ils vivent les uns vis-à-vis des autres qu’un nouveau et important mouvement d’échanges pourra s’établir entre eux et l’Amérique.
La logique voudrait même que la France allât plus loin et exprimât nettement l’espoir qu’à la caisse de crédit mutuel des États d’Europe, un organisme pût un jour se superposer en vue de créer dans ce domaine entre ces États et les États-Unis des liens nouveaux susceptibles de les mettre à l’abri de bien des crises et de préparer une longue période de confiance et de prospérité. […]
Plus [la France] persistera dans l’attitude qu’elle a jusqu’ici observée, plus elle apparaîtra apeurée et inquiète et plus elle autorisera les gouvernements qui lui sont hostiles à se montrer hardis et audacieux avec elle.
La défensive est la plus mauvaise de toutes les tactiques. Il est temps et grand temps que la France se montre capable d’avoir des vues d’ensemble et d’oser, elle aussi, offrir des « directives » à ceux qui rêvent de ne la faire entrer dans leur directoire que pour la diriger au gré de leurs ambitions. […]
S’il est une autre méthode qui puisse conduire à ces résultats, je serai le premier à demander qu’on y ait recours. Mais de grâce, sortons de notre inertie, montrons que nous sommes capables, nous aussi, d’être constructeurs […] N’écoutez pas les conseils de ceux qui considèrent comme chimérique toute idée neuve. Ce sont eux qui nous condamnent à rester toujours sur la défensive et à subir, tôt ou tard, la volonté des autres, même lorsque celle-ci comporte pour tous les peuples des risques aussi graves que pour nous9.
Après la crise de 1929, la crise des taux de change, les dévaluations compétitives, la guerre des monnaies, les disparités de pouvoir d’achat entre pays, les difficultés de circulation des hommes et des marchandises qui en résultent sont à la source de l’accroissement des tensions politiques internationales, dans un contexte où n’existe encore aucune instance de régulation du système monétaire international, tel que ce dernier a été mis en place par les accords de Gênes en 1922.
Pour y faire face, André Honnorat s’intéresse alors à la possibilité d’organiser les finances européennes et conçoit ce projet de caisse de crédit mutuel des États d’Europe, avec quinze ans d’avance sur ce que sera, à une autre échelle, le Fonds monétaire international, dont l’idée germera dans les travaux de John Maynard Keynes au milieu de la Seconde Guerre mondiale.
Cette idée, Honnorat la porte en vain à partir de 1931 et pendant plusieurs années dans la presse, auprès de ses collègues au Sénat, du Quai d’Orsay, des gouvernements successifs, du président de la République, de la Dotation Carnegie pour la paix internationale. L’échec d’Honnorat à se faire entendre est le symptôme d’un raidissement des positionnements politiques dans un contexte d’instabilité croissante des gouvernements de la Troisième République, où des parlementaires comme lui, trop indépendants pour être utiles dans les combinaisons de gouvernement, sont de plus en plus marginalisés. À la conférence internationale de Londres, en 1933, date à laquelle Honnorat écrit cette correspondance adressée à Edouard Daladier, alors chef du gouvernement, les positions respectives des États nationaux échouent à sauver le système monétaire international. Il faudra attendre les accords de Bretton Woods pour le reconstruire.
L’occasion manquée d’une Europe franco-britannique (1940)
Il est certain que si les Alliés ne prennent pas une initiative de nature à faire impression sur l’opinion des autres comme sur la leur propre, ils se trouveraient bientôt dans une situation qui paraîtra sans issue et qui les exposera malgré l’accroissement de leurs forces aux risques les plus graves.
Il est non moins certain que cette initiative ne pouvant être ni d’ordre militaire, ni d’ordre diplomatique sans les exposer à des risques encore plus graves, le seul moyen pratique qu’ils aient de sortir de l’impasse dans laquelle ils sont placés consiste à transformer leur alliance en une « Union franco-britannique » liant définitivement et indissolublement leurs destinées et réalisant déjà par son statut ce quelque chose de nouveau qu’ils se sont promis d’apporter à l’Europe.
Sur ce terrain-là, ils sont en effet libres. Rien ne les gêne. Il ne dépend que d’eux d’accomplir un acte qui, par sa portée historique comme par ses conséquences immédiates, aura au moins autant de retentissement que n’en aurait une éclatante victoire.
L’essentiel est seulement qu’au lieu de perdre leur temps à discuter du détail concernant leurs intérêts pouvant se concilier dans les domaines les plus divers, ils arrêtent dès maintenant les mesures de la charte qui fera de la France et de l’Angleterre deux états unis par un lien équivalent à un lien fédéral.
A priori, on est porté à croire que cette charte devrait contenir un préambule précisant l’esprit qui l’a inspirée et cinq articles fixant les principes sur lesquels sera établie cette union, à savoir :
1° organisation de leur commune défense ;
2° liaison de leur action diplomatique ;
3° établissement d’un tarif préférentiel pour leurs échanges ;
4° création d’un organisme de crédit mutuel pour la restauration de leurs finances ;
5° énumération de toute une série d’accord à intervenir entre les deux pays pour que dans les domaines économiques comme dans les domaines intellectuels, la coopération entre eux devienne étroite et constante.
Pourvu que ce texte ne porte aucune atteinte au Commonwealth britannique et réserve expressément les droits des Dominions, on ne voit pas quelles objections l’Angleterre pourrait y faire.
On ne voit pas davantage quelles critiques motivées les neutres pourront y faire, s’il a soin, tout en étant strictement limité dans son objet, de n’interdire à aucun état le droit de demander à être associé à l’Union franco-britannique ou d’exclure celle-ci de toute éventuelle participation à une organisation similaire plus étendue.
Sans doute placera-t-il certains d’entre eux dans l’obligation ou de chercher un point d’appui sur les alliés ou de se condamner à devenir des satellites du grand Reich allemand. Mais comment pourrait-on se flatter de gagner la guerre sans les obliger à faire ce choix ? Et quelle action diplomatique pourrait faire pencher plus sûrement leur choix au côté de la France et de l’Angleterre que la promulgation d’une charte qui opposerait aux 80 millions d’Allemands du grand Reich de M. Hitler, un bloc équivalent de Franco-Britanniques unis ?
Sur la Belgique et sur la Hollande en particulier, l’effet moral qui résulterait de cette promulgation aurait de grandes chances d’être irrésistible.
Il le serait, en tous cas, sûrement sur l’opinion française et sur l’opinion anglaise qui trouveraient dans cet événement un renouveau de confiance.
On peut dire avec non moins de certitude qu’il déconcerterait l’ennemi et gênerait considérablement la réalisation des plans sur lesquels il a pu se mettre d’accord avec son alliée non-belligérante.
Une autre raison plus puissante encore que celles-ci recommande aux Alliés de transformer leur alliance en une union à forme fédérale. C’est qu’ils n’ont pas d’autre moyen de redresser leur position sans risque et qu’ils n’ont pas le droit d’attendre pour la redresser. Car on a beau dire que la guerre est une « longue patience », il n’est pas démontré que la patience, même longue, puisse suffire à la gagner10.
Depuis 1938, un petit groupe d’universitaires franco-britanniques – dont l’historien Arnold Toynbee et le politiste Étienne Dennery – travaille à un projet de rapprochement franco-britannique, sans que cette démarche ne soit toutefois suivie avec grand intérêt par les décideurs publics. En 1939, la drôle de guerre change la donne et, pour les besoins du conflit, la France et la Grande-Bretagne se dotent d’organes communs de décisions, dont l’un, présidé par Jean Monnet, est chargé d’impulser une coopération économique nouvelle entre les deux pays, spécialement pour le ravitaillement et l’achat de matériel militaire.
Mais ne faut-il pas aller plus loin ? Entre tous, note l’historien François Bédarida, « c’est Honnorat qui, du côté français, conçoit les formules les plus audacieuses et les plus originales d’union ». Début 1940, lors de plusieurs interventions au Sénat dont nous avons ici l’une des versions manuscrites, Honnorat suggère la « réalisation d’un Zollverein entre les deux Empires [coloniaux] et un programme de grands travaux : tunnel de la Manche, hydraulique exportée, etc. ; une incorporation de la Belgique et de la Hollande dans cette union douanière. […] Il faut de l’imagination : condominium des matières premières ; accord des universités franco-britanniques ; échanges de cadres entre les deux armées », création d’un organisme de crédit mutuel entre les deux États, double citoyenneté, élite bilingue, etc. Pour Honnorat, les buts de guerre doivent être intimement mêlés à un projet politique européen de plus vaste portée. La seule issue, dit-il par provocation, est le « retour à la Monarchie des Plantagenêt ». Ses collègues sénateurs le regardent alors comme un illuminé.
En mars 1940 cependant, Honnorat rencontre Toynbee, à l’occasion d’un dîner chez Jean Giraudoux, alors Commissaire général à l’Information, et, avec d’autres intellectuels, le rallie à ses vues. De retour en Angleterre, Toynbee rédige un mémorandum posant les cadres d’une charte d’association perpétuelle en partie inspirée par les idées d’Honnorat. Aidé par le lobbying de plusieurs intermédiaires dont Keynes, Monnet et le général de Gaulle, le projet inouï d’union franco-britannique fait son chemin jusqu’au cabinet Churchill, qui le valide le 16 juin 1940 et le transmet immédiatement au gouvernement français, exilé à Bordeaux depuis l’invasion allemande. Il est toutefois trop tard. Le soir même, Philippe Pétain devient chef du gouvernement et, dès le lendemain, demande l’armistice à l’armée allemande. Barberousse vient de triompher des Plantagenêt.
Sources
- Guillaume Tronchet, André Honnorat. Un visionnaire en politique, Hémisphères éditions, 2020, 448 p.
https://www.hemisphereseditions.com/andre-honnorat - Lettre d’André Honnorat à Berthe Honnorat, 19 novembre 1914 (Archives nationales).
- « Sur l’ensemble des terrains déclassés, vingt hectares seront attribués en toute propriété à l’université de Paris ».
- Journal officiel du 20 mars 1919, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1ère séance du 19 mars 1919, p. 1283-1284.
- Cf. Guillaume Tronchet, Savoirs en diplomatie. Une histoire sociale et transnationale de la politique universitaire internationale de la France (années 1880-années 1930), thèse de doctorat en histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014.
- Cf. Dzovinar Kévonian et Guillaume Tronchet (dir.), La Babel étudiante : la Cité internationale universitaire de Paris (1920-1950), Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Le Campus monde : la Cité internationale universitaire de Paris, de 1945 aux années 2000, Presses universitaires de Rennes, à paraître.
- André Honnorat, Un des problèmes de la paix. Le désarmement de l’Allemagne. Textes et documents, Paris, Alfred Costes, 1924, p. 6-146.
- Extraits d’interventions d’André Honnorat devant le conseil d’administration du Centre européen de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, entre 1927 et 1937 (Archives de Columbia University, New York).
- Lettres d’André Honnorat à Édouard Daladier, président du Conseil, 11 avril 1933 et 31 mai 1933 (Archives nationales).
- Intervention d’André Honnorat devant la commission des affaires étrangères du Sénat, texte manuscrit, janvier 1940 (Archives nationales).