Il faut rassembler des données hétérogènes, des savoirs et des profils qui se parlent rarement pour donner forme, pendant la crise, au monde qui viendra après. Le Groupe d’études géopolitiques publie aujourd’hui, dans le cadre des travaux de l’Observatoire géopolitique du Covid-19, sa cinquième note de travail signée Pauline Deschryver, avec un avant-propos de Guido Schmidt-Traub, Directeur Exécutif UN Sustainable Development Solutions Network.

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Les outils du financement durable et innovant contre les épidémies

La pandémie de Covid-19 a souligné l’urgence de renforcer la résilience de nos sociétés, mettant en évidence les risques de la relation entre l’activité humaine et son environnement. La crise sanitaire a bouleversé l’économie réelle et de marché, fragilisant des millions de personnes, en particulier les plus vulnérables — en avril 2020, le FMI comptait 190 millions de chômeurs et anticipait une contraction du PIB mondial de 3 % cette année (FMI, 2020). Le mode de survie contraint des organisations a ébranlé l’ensemble des sociétés, questionnant le rôle des autorités publiques et la place accordée aux questions sociales et écologiques.

Bénéficiant d’un fort intérêt des citoyens, des régulateurs et d’un nombre grandissant d’acteurs de marché, le financement durable constitue un outil adéquat pour répondre aux différents temps de la crise : soutenir l’effort massif en accès aux soins et en équipements sanitaires et garder l’économie à flot ; accompagner la sortie de crise, prévenir l’apparition d’une nouvelle épidémie ; et se préparer à une nouvelle menace dans un cadre renouvelé.
Alors que l’aspiration à un changement de paradigme sociétal grandit, la finance durable pourrait-elle devenir la norme ?

Cette note de travail dresse un panorama critique des instruments de la finance innovante et durable mis en oeuvre pour répondre à la crise du Covid-19, et s’interroge sur leur pertinence et leur postérité.

  • La magnitude et la sévérité de l’épidémie du Covid-19 se traduisent par l’ampleur de son impact sanitaire, social et économique, et par celui des réponses qui lui sont adressées. Différents mécanismes de financement non traditionnels existent pour guérir et prévenir les épidémies.
  • Au sein des instruments de financement d’impact, les obligations à visée sociale connaissent un certain dynamisme avec une série d’émissions dédiées à lutter contre les effets socio-économiques de la pandémie. Cette tendance traduit également un effort d’innovation financière au service d’objectifs sociaux et durables.
  • Des interventions massives, parfois hétérodoxes, et la multiplication de plaidoyers par divers acteurs sur une prise de conscience nouvelle soulignent une aspiration à un changement de paradigme. Un important effort mené par l’Union Européenne est en cours pour intégrer les exigences climatiques dans le plan de sortie de crise. Les conséquences à court, moyen et long terme de la crise pandémique varient entre les pays, justifiant des traitements différenciés pour répondre à ce choc exogène symétrique. La crise exacerbe l’interconnexion et le besoin de déployer des réponses communes et solidaires.
  • Le discours reste à aligner avec la réalité car les financements alloués aux projetss’alignant avec les critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance(ESG) restent marginaux. Des institutions comme la BCE et le FMI n’ont adopté quetardivement une posture plus encline à l’intégration du risque climatique.
  • Les marchés financiers pourraient s’orienter vers une adoption plus généralisée desproduits de type verts et ESG. Durant la crise, la bonne performance de certainsproduits financiers (comme les ETF) incorporant ces critères, ainsi que celled’entreprises bien notées dans ces domaines, fournit un intéressant incitatif. Cetterésilience signale une meilleure adaptation au risque, qualité essentielle en des tempsd’extrême volatilité.