Washington, D.C. / Téhéran. Il y’a un peu moins d’un an les Etats – Unis et l’Iran sont entrés dans un cycle de tensions permanent au Moyen – Orient. Les récentes confrontations navales dans le golfe Persique et dans le détroit d’Ormuz en pleine pandémie mondiale, nous rappellent que les tensions émanant de la crise de 2019 sont toujours palpables. Pour rappel, cette précédente crise a commencé le 8 avril 2019 lorsque le président Donald Trump plaça sur la liste noire des «  organisations terroristes étrangères  » le Corps des Gardiens de la Révolution. Le conflit s’est accentué dès mai 2019, lorsque quatre navires furent sabotés en mer d’Oman.1

Les différends ont ressurgi dès le mois de mars 2020 lorsque l’US Navy, l’armée de l’air et les gardes côtes ont annoncé l’entame d’exercices conjoints dans les eaux centrales et septentrionales du golfe Persique2. Les tensions ont augmenté dès le début du mois d’avril, lorsque les autorités américaines ont annoncé la poursuite des exercices d’interopérabilité conjointes. Les objectifs affichés étant d’appliquer des tactiques innovantes pour contrer les manœuvres iraniennes dans les eaux internationales3. La réaction iranienne ne s’est toutefois pas fait attendre puisque dès le 3 avril, le Général de division Mohammad Hossein chef d’état – major des forces armées iraniennes a annoncé son intention de surveiller de près les activités militaires américaines dans le golfe Persique tout en renforçant les systèmes de défense côtiers.4  Selon PressTv, le 5 avril, une «  première démonstration de force  » a eu lieu dans le détroit d’Ormuz, entre l’USS Bataan et des navires de la marine du Corps des Gardiens de la Révolution. L’incident a eu lieu alors que ce dernier tentait de rejoindre le Golfe persique5. Le commandant de la marine du Corps des Gardiens de la Révolution Alireza Tangsiri déclara également que des batteries de missiles placées sur les côtes étaient prêtes en cas de «  menaces sérieuses  » durant la traversée du bâtiment américain. 

Il ne s’agit toutefois pas du seul accrochage récent en mer puisque, toujours selon les autorités iraniennes, les 6 et 7 avril, des navires de guerres américains auraient tenté dans «  un mouvement dangereux  » de bloquer la traversée du navire iranien, le Shahid Siavashi avant d’être contraints de reculer face aux avertissements de la marine du Corps des Gardiens de la Révolution.6

Le 15 avril 2020, le Commandant central des Forces Navales américaines a signalé une série de «  manœuvres dangereuses et non professionnelles  » menée par des vedettes rapides de la marine du Corps des Gardiens de la Révolution dans les eaux nord du golfe Persique7. Selon le département de la marine américaine, onze navires iraniens ont effectués à plusieurs reprises des approches «  illégales  » à grande vitesse jugées «  dangereuses et harcelantes  » à moins de 50 mètres des navires de guerre de l’US Navy tandis que ces derniers menaient des opérations d’intégration conjointes avec des hélicoptères d’attaque AH-64E Apache8. Les navires de guerre iraniens auraient usés à plusieurs reprises selon Farzin Nadimi  «  de tactiques de contournement serrés et de harcèlement très similaires à celles utilisées lors d’une chaîne d’incident en 2016 lorsque des destroyers et patrouilleurs américains ont étaient ouvertement menacés près du détroit d’Ormuz  ». Téhéran a pour sa part rejeté ces accusations. Le bureau des relations publique du Corps des Gardiens de la Révolution a par ailleurs qualifié la marine américaine de «  non professionnelle […] menaçant la sécurité et la tranquillité et posant de nouveaux dangers pour la région  ».9  Depuis la semaine dernière, la marine du Corps des Gardiens de la Révolution a annoncé avoir renforcée ses patrouilles dans le golfe Persique, notamment près des zones de forages pétroliers. Il convient également de noter que les vedettes iraniennes ont volontairement ciblé l’USS Lewis B. Puller (ESB3) qui est la première «  base maritime expéditionnaire  » permanente de l’US Navy. Celui-ci permet par ses caractéristiques d’opérer favorablement dans des zones maritimes dépourvues de bases côtières. Il représenterait alors un atout indispensable dans des opérations de soutien au sein des zones iraniennes sensibles.

Ces récents évènements s’inscrivent dans un véritable conflit hybride. Nous constatons ainsi depuis quelques semaines une accentuation des tensions traduite notamment du côté iranien par une communication des corps armées beaucoup plus accrue. La présentation de nouveaux systèmes et moyens de défense (dernièrement la présentation d’un hélicoptère léger Shahed-278 à la suite de l’incident du 15avril) ainsi que les démonstrations de forces sur mer et dans les airs sont de plus en plus importantes. Du côté de l’administration Trump, la détermination est également présente. Récemment, le président Trump a déclare via Twitter autoriser la marine américaine à «  détruire toutes les canonnières iraniennes si elles harcelaient nos navires  ».10 Toutefois, selon le vice – amiral à la retraite John Miller, il est très peu probable que cette déclaration change les règles d’engagement existantes, «  Les commandants de la marine sont plus que capable de comprendre, quand le président dit quelque chose, si cela est destiné à un public extérieur plutôt qu’à une direction  »11. Le Secrétaire d’Etat des Etats – Unis Mike Pompeo avait également réagi face à la saisie d’un pétrolier de pavillon Hong Kong par les forces navales iraniennes le 14 avril. 

Menaces contre l'Iran dans la région L'iran et ses alliés

Même si cette séquence conflictuelle semble être une simple démonstration de force réciproque, sans aucune volonté  réelle des deux parties d’entrer dans un cycle de conflits ouverts, le véritable danger réside dans le fait qu’une trop forte utilisation de la puissance militaire par l’administration Trump, notamment à travers des manœuvres pour faire reculer les iraniens, pourrait être interprétée par Téhéran (faisant déjà face à des défis nationaux et régionaux) comme une volonté de Washington de faire capituler le régime, risquant ainsi de déplacer la vague actuelle de tensions en Irak vers le golfe Persique. Cette nouvelle crise, à la différence de 2019, serait alors beaucoup plus difficile à gérer.12