Il faut rassembler des données hétérogènes, des savoirs et des profils qui se parlent rarement pour donner forme, pendant la crise, au monde qui viendra après. Le Groupe d’études géopolitiques publie aujourd’hui, dans le cadre des publications de l’Observatoire géopolitique du Covid-19, sa première note de travail qui fait le point et émet les premières hypothèses dans les perspectives et les transformations de la pandémie sur le secteur de l’énergie, signée Tristan Metz, avec un avant-propos de Michel Derdevet.
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Coronavirus et énergie, un secteur face à ses concentrations géographiques
Les premiers effets du SARS-CoV-2 sur les chaînes de valeur de l’énergie en Chine illustrent le besoin d’une diversification géographique plus inclusive des soucis de résilience et de ses externalités et non une simple reterritorialisation de la production.
- La crise initiée par le coronavirus (SARS-CoV-2) vient relancer l’antienne des dangers de la mondialisation et des interdépendances qu’elle induit. Ces derniers mois ont de nouveau souligné le rôle clef de la Chine dans les chaînes de valeur de la transition énergétique. En parallèle, la guerre des prix sur les marchés pétroliers a rappelé la tension entre leur exposition à un nombre réduit d’acteurs et son importance pour nos économies.
- À contrario, notre analyse, nécessairement imparfaite, des premiers effets de cette crise dans l’énergie nous semble esquisser une autre conclusion : le besoin d’une diversification géographique des chaînes de valeur de l’énergie et non de leur concentration dans un pays ou une région donnée (Chine, France, Etats-Unis ou autre). Cette diversification n’a rien d’évident et d’autres facteurs, économiques, environnementaux et sociaux, pourraient légitimement s’y opposer.
- Alors que le secteur pétrolier subit un choc de demande inédit depuis 2008, la chute du prix du baril qui menace aujourd’hui l’équilibre des acteurs semble davantage être la conséquence du conflit que la Russie et l’Arabie Saoudite se livrent depuis le 8 mars dernier. En effet, la baisse de 1.8 million de barils jour (b/d) de la consommation mondiale sur le premier trimestre induite par les mesures chinoises a conduit à une chute de $60 à $50 du baril en février – un prix soutenable pour le secteur. La hausse anticipée de la production de plus de 3 millions b/d par l’Arabie Saoudite (soutenue par ses alliés) a conduit quant à elle a un baril à moins de $25 – un niveau bien plus périlleux. Le pouvoir de marché de cette dizaine d’acteurs apparaît directement en cause, même si le choc de demande fournit un contexte particulièrement favorable à son exercice.
- Dans ce contexte, les énergies renouvelables et la mobilité électrique sont tour à tour louées ou vues comme de nouvelles sources de dépendance. Si certains analystes y voient une réponse à l’exposition de nos sociétés à ces conflits géopolitiques par énergies fossiles interposées, d’autres soulignent la dépendance de ces secteurs vis-à-vis de la Chine.
- Pourtant, les conséquences sur les secteurs de la transition énergétique sont plus complexes à évaluer et ne mettent pas seulement en jeu des contraintes d’offre. Elles résultent de l’interaction non triviale des perturbations de chaque chaîne de valeur, des conditions locales d’octroi des subventions, et des tensions préexistantes sur la production. La situation est donc différente entre l’éolien et le solaire, mais aussi en Chine et hors de Chine. La situation chinoise illustre en particulier qu’il ne suffit pas de produire des turbines localement pour être immunisé face à une crise de cette ampleur.
- En définitive, la crise devrait se faire davantage sentir sur les secteurs de la transition à travers des effets macro-économiques. La situation pourrait conduire à de plus grandes difficultés de financement, à une baisse de la demande énergétique, ou des changement de politiques de la part des états ou des entreprises. Le secteur des batteries et des véhicules électriques en est un très bon exemple. Dans ce contexte, une production nationale ne serait pas non plus épargnée.
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