Bologne. Lors des élections régionales en Emilie-Romagne du dimanche 26 janvier, le centre-gauche enlève à la Ligue la possibilité d’une victoire historique : dans les terres de Bologne la rouge, la candidate de la Lega, Lucia Borgonzoni (43,7 %) a été battue par Stefano Bonaccini, président sortant, de centre-gauche (51,4 %), dans une élection avec un taux de participation particulièrement élevé.1 Ce résultat, dont le sens dépasse le simple local et qui avait en fait été préparé par une campagne très intense au niveau national, permet quelques réflexions plus larges.

1) M. Bonaccini, le candidat du Parti démocratique (PD, centre-gauche) est réélu au poste de gouverneur régional. Une défaite aurait pu avoir des conséquences importantes pour l’ensemble du centre-gauche, étant donné la centralité historique et l’importance de la région. Cependant, cette victoire devrait être exploitée par les élites du PD pour résoudre certains déficits de longue date du parti, tant en termes de discours que de structure organisationnelle. Gagner dans sa région historiquement la plus « sûre » pourrait bien se traduire par une victoire à la Pyrrhus si cela conduit à… supposer que l’aura de Salvini est en déclin. 2

2) Soyons absolument clairs. Salvini n’est pas en crise, et son projet politique non plus. À mon avis, son résultat en Émilie-Romagne est et reste remarquable. Pour la première fois dans l’histoire, l’issue d’une élection régionale en Émilie-Romagne est apparue incertaine. Ou du moins, cela semblait une véritable compétition. La Lega avait très peu à perdre aujourd’hui, contrairement au PD. Il est vrai que Salvini a personnalisé les élections régionales, mais il contrôle le parti : la coalition dominante est composée d’un groupe (très) étroit d’individus extrêmement fidèles à Salvini et socialisés aux objectifs et buts du parti. Ainsi, pour la Lega, ne pas gagner en Émilie-Romagne n’équivaut pas à une défaite. Elle était et reste le parti le plus fort aujourd’hui en Italie et aucun autre parti n’a la capacité de fixer l’agenda politique ni d’attirer l’attention des médias.3

Ligue Cinq étoiles PD Forza Italia FDI +Europa Italia Viva Azione

3) Au contraire, une victoire de Salvini aurait pu susciter des attentes trop optimistes de la « vieille » circonscription du Nord sur la question de l’autonomie régionale. La Lega gouverne déjà la Lombardie et la Vénétie ; l’Émilie-Romagne est historiquement gouvernée par le centre-gauche, et l’autre région du Nord fait pression pour l’autonomie régionale. En cas de victoire électorale de Salvini, un trio autonomiste de régions dirigé par la Lega aurait suivi, mais l’absence (probable) de résultats substantiels en termes de pouvoirs et de compétences régionales accrus aurait été très difficile à justifier dans le Nord. Cela est particulièrement vrai dans le cas de la Vénétie, région où les relations entre la Lega (Nord) et les autonomistes locaux (et les sécessionnistes) ont été historiquement tendues. 4

4) Parlons du Mouvement 5 étoiles (M5S)  : mes attentes quant à son avenir après la démission de Di Maio étaient très pessimistes, mais ses performances ont été encore pires qu’attendu. Une véritable débâcle ! Après avoir reçu environ 3,5 % des suffrages hier, le M5S semble sur la voie de l’oubli politique. Sa crise est due aux effets dévastateurs de l’interaction entre son idéologie, son projet organisationnel et les pressions du gouvernement. Nous avons discuté sur Le Grand Continent des problèmes (structurels) du M5S il y a quelques jours.5 Nous verrons si le premier « Congrès » du M5S (États généraux) qui se tiendra en mars apportera la rationalisation organisationnelle et le repositionnement idéologique dont ils ont tant besoin.

5) Enfin, selon diverses sources médiatiques en Italie et à l’étranger, le gouvernement national PD-M5S va être plus fort dans les prochaines semaines. Il apportera un peu d’oxygène au PD, c’est vrai, mais alors que leur partenaire de coalition, le M5S, sera en proie à un conflit interne et sera sur la voie de l’oubli… La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Et, en effet, quelques fissures commencent déjà à se manifester6. Deuxièmement, il est vrai qu’à court terme, le PD peut s’attendre à voler (beaucoup) de voix à son partenaire de coalition, mais après cela : quel est le plan ? N’oubliez pas que toutes les régions ne peuvent pas être la zone la plus « sûre » du parti – bien au contraire, étant donné la situation extraordinaire de l’hégémonie historique de la gauche en Émilie-Romagne.7

Perspectives :

  • 13-15 mars : États généraux du Mouvement 5 étoiles
  • Mai-juin : élections régionales en Campanie, Ligurie, Toscane, Vénétie, dans les Marches et les Pouilles
Sources
  1. Hier, l’Émilie-Romagne a résisté à la Ligue, La Lettre du Lundi, 27 janvier
  2. BORGHESE Salvatore, VERNETTI Alessio, Cosa ci dicono le elezioni regionali in Emilia-Romagna e in Calabria, YouTrend, 27 gennaio 2020
  3. CASTELLANI Lorenzo, LUISS School of Government, La nouvelle année apportera-t-elle de nouvelles élections en Italie ? , Le Grand Continent, 19 janvier 2020
  4. COLLOT Giovanni, La véritable opposition à Salvini vient-elle de l’intérieur de la Ligue ?, Le Grand Continent, 2 septembre 2018
  5. ZULIANELLO Mattia, Les causes du déclin du Mouvement 5 étoiles, Le Grand Continent, 23 janvier 2020
  6. FORTUNA Gerardo, ROME – Regional elections, the day after, Euractiv, 28 janvier 2020
  7. Elezioni Emilia-Romagna : la regione resta rossa. Bonaccini batte Borgonzoni di 7 punti, L’Espresso, 26 janvier 2020