Davos. Dans sa communication du 11 décembre 2019 sur le “Green deal européen”, la Commission appelle à un effort partagé entre les États européens, avec un investissement supplémentaire de 260 milliards d’euros nécessaire chaque année pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.1 Le ton est donné clairement : il s’agit d’investir, tendance nouvelle de la part de la Commission qui a toujours préféré adopter le langage de l’austérité. La Commission alloue les responsabilités financières entre les différentes parties prenantes et enjoint le secteur privé à prendre une place importante au sein d’un cadre renouvelé de finance verte et responsable.

Tandis qu’un Plan dédié d’investissement d’Europe durable doit voir bientôt le jour pour assurer les besoins en financement, la Commission prévoit d’allouer 25 % des objectifs du budget européen au climat et ce de manière transversale dans ses programmes. Il est intéressant de noter que la Commission conçoit le financement de la lutte contre le changement climatique non seulement comme une source de coûts mais aussi de revenus. Elle précise que les recettes issues de la gestion des déchets plastiques non-recyclables et celles du système communautaire d’échange de quotas d’émission, qui est en cours de révision, viendront alimenter le budget climat.2

La Banque européenne du climat. Une grande partie du financement viendra de la Banque européenne d’investissement (EIB) qui a vocation à devenir la “Banque européenne du climat” avec un quasi doublement de ses prêts consacrés à des projets verts, de 28 % à 50 %. La Banque a déjà annoncé en novembre 2019 son engagement à ne plus financer les énergies fossiles à partir de 2021, y compris le gaz naturel. Le fond InvestEU sera dédié à 30 % à la question climatique, avec un filtrage des projets répondant à des objectifs d’impacts environnementaux, sociaux et climatiques. Le fonds est exhorté à promouvoir des partenariats avec les acteurs et les politiques territoriaux.

Ne laisser personne de côté. La Commission réaffirme le concept de transition juste, soutenu par le mécanisme du même nom et un fonds dédié, afin de « ne laisser personne de côté ». Les pertes d’emplois sont une conséquence inévitable de la décarbonisation de l’économie européenne ; à elle seule, l’industrie du charbon emploie environ 250 000 personnes, principalement en Europe de l’Est. Visant les populations de ces régions fortement dépendantes d’industries polluantes, le fonds bénéficiera du budget de l’UE ainsi que d’une contribution de l’EIB et de capitaux publics et privés, pour un total d’environ 100 milliards d’euros sur sept ans. Il financera des projets sociaux tels que des offres de formation et de logements éco-énergétiques, permettant ainsi d’atténuer les difficultés socio-économiques et l’opposition politique alimentées par la transition.

Taxonomie. L’autre grande partie du financement est attendue d’investisseurs privés, avec un cadre consolidé sur la finance durable prévu au troisième trimestre 2020. La Commission souligne les enjeux clés de la Taxonomie visant à canaliser l’argent vers des investissements propres et durables tout en évitant le greenwashing, sur lequel les négociateurs de l’UE ont conclu un accord provisoire le 5 décembre dernier. La Commission précise également les opportunités issues de la finance durable, en mettant en exergue le label européen et le standard européen sur les obligations vertes. Enfin, reprenant les débats déjà actifs lancés par la Banque d’Angleterre et plus récemment par la Banque Centrale Européenne, elle propose le développement de règles prudentielles et le renforcement de la résilience des institutions financières face au risque climatique.

Transparence et RSE. La Commission réaffirme la nécessité de renforcer le reporting extra-financier, sur lequel l’UE a déjà produit des travaux conséquents avec la Directive sur le reporting non-financier publiée en octobre 2014. Dès l’année prochaine, les grandes entreprises européennes devront divulguer plus d’informations sur leur impact environnemental, y compris leurs émissions de carbone. Des travaux sont également à venir sur la standardisation des normes comptables. Ce dernier point sera la pierre angulaire permettant d’avoir un dialogue réel sur le sujet, avec une comparabilité effective entre les organisations. La nouvelle réglementation financière offrira des signaux plus clairs aux marchés quant aux paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Les pays européens, bon indice de performance environnementale
Sources
  1. Commission Européenne, Communication on The European Green Deal, 11 décembre 2019
  2. Commission européenne, Annex – Roadmap and key actions, 11 décembre 2019