Alger. L’élection présidentielle en Algérie s’est conclue sur la victoire au forceps de l’ancien premier ministre Abdelmajid Tebboune, ce qui a eu pour conséquence la fureur du dirigeant de facto de l’Algérie depuis la retraite forcée de Bouteflika en avril, le général Ahmed Gaid Salah qui lui préférait un autre homme du sérail, Azzedine Mihoubi. M. Tebboune a été brièvement premier ministre en 2017 et il est réputé proche de la France qui cherche tout naturellement à garder son influence. Savoir comment jouer à l’intérieur de cette fosse aux lions ou les clans s’entre déchirent généralement pour des questions d’argent n’est guère chose aisée. D’autant plus que d’après des informations concordantes à l’intérieur du système, seulement 10 % de ceux et celles qui avaient le droit de vote ont déposé un bulletin dans l’isoloir. Ce score ne donne pas au nouveau chef de l’état une assise politique solide. Pour gagner un bref répit il a toutefois promis de faire libérer les détenus politiques du Hirak emprisonnés après des procès expéditifs. Les prochaines heures permettront de voir si cette tactique peut s’avérer payante pour lui.

Nul ne sait en Algérie combien d’Algériens sont véritablement inscrits sur les listes électorales, nul ne sait exactement qui a voté car l’Autorité Nationale Indépendante pour les élections n’a aucune crédibilité et aucun observateur étranger n’a accès à ces chiffres ou ne peut vérifier les comptes. De plus, les bourrages d’urnes sont possibles, dans certaines villes des manifestants ont forcé les portes des bureaux de vote et ont découvert des urnes déjà pleines.

De nombreuses filent de votants qui attendait sagement de voter hier à Alger semblent avoir été de jeunes conscrits habillés en civils : pas de femmes, pas de gens âgés, des jeunes hommes aux cheveux coupés court1 – la ficelle est grosse mais les dirigeants algériens ont perdu tout sens de mise en scène crédible. Les insultes proférées à l’égard du Hirak, traitant ces membres de « pervers » et d’« homosexuels » ont profondément choqués les Algériens et les pays voisins. Le ministre de l’intérieur qui les a proférés illustre à quel point certains dirigeants ont de très faibles considérations pour le débat démocratique.

Hier, vendredi tout comme le jour du vote, de nombreux algériens protestaient dans la rue alors que, malgré quelques dizaines de visas exceptionnellement accordés aux médias étrangers, de grandes chaînes comme France 24 et la BBC World Service se voyaient interdits d’entrer sur le territoire Algérien.

Cette élection n’a donc rien résolu : quand il y a plus d’Algériens dans la rue que dans les bureaux de vote, comment pourrait-il en être autrement ? Les partenaires Européens de l’Algérie à commencer par la France sont dans une position délicate certes, mais craindre l’instauration de la liberté d’expression et d’un nouveau système économique que de tels changement amèneront n’est peut-être pas la meilleure politique pour l’avenir. S’accrocher à un régime au bout du rouleau et qui sombre dans une forme de comédie électorale grossière n’est pas une politique porteuse d’avenir et ne permettra pas à la France de garantir à terme son influence dans le pays.

L’Union Européenne ne pourra jamais compter sur un régime à bout de souffle pour insuffler de nouvelles idées de partenariat entre le vieux continent, le Maghreb et l’Afrique. Seule une Algérie rénovée et dirigée par des hommes et des femmes plus jeunes, plus éduqués, ouverts au monde et qui arrêtent de se draper dans un faux patriotisme frileux pourra un jour constituer un partenaire de choix pour tous les pays de la région. De France, quelques signaux forts dans ce sens seraient peut-être mal perçus mais alors, ce serait à l’Union Européenne de parler. C’est peut-être à ce prix que sa politique de proximité en Méditerranée retrouvera des couleurs.

Sources
  1. Tweet de la Télévision algérienne, 12 décembre 2019