Barcelone. Depuis lundi 14 octobre, la Catalogne connaît un nouvel épisode éruptif suite à la condamnation de neuf des douze indépendantistes à des peines de prison ferme. Au sein de la communauté internationale, peu de voix se sont prononcées sur une affaire considérée comme interne à l’Espagne par les chancelleries étrangères.

Au Canada, le gouvernement par l’intermédiaire de son Premier ministre, Justin Trudeau s’est prononcé ainsi sur la crise catalane : « C’est une affaire interne, espagnole, et je n’aurai pas de commentaires à faire »1. En Europe, les gouvernements respectifs demeurent discrets sur cette question sensible. Dès lors, les soutiens se font plutôt rares pour la Catalogne.

Les indépendantistes européens en soutien

Les principaux soutiens de la région catalane se trouvent parmi les différents mouvements autonomistes et indépendantistes à travers l’Europe. L’un des plus fervents soutien de la cause catalane est la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon. Dès la sentence connue, elle a exprimé sa solidarité avec la Catalogne et dénoncé de manière virulente cette situation : « Tout système politique qui aboutit à un résultat aussi épouvantable nécessite des changements urgents »2. Plus tard, elle précise que son gouvernement « continuera d’encourager les gouvernements espagnol et catalan à résoudre leurs différends par des moyens démocratiques convenus d’un commun accord »3.

Plus largement, plusieurs leaders politiques ont affirmé leur désapprobation concernant la condamnation des leaders indépendantistes catalans. Ainsi, le président de l’Assemblée corse Jean-Guy Talamoni a exprimé un message de solidarité sur son compte personnel Twitter4. De même, le parti républicain aux îles Féroé, favorable à l’indépendance de l’archipel, a publié une lettre de soutien. Les signataires, membres du parlement à Thorsavn, demandent « de relâcher immédiatement les prisonniers politiques catalans »5.

Des voix s’élèvent contre la dérive actuelle

Si le soutien aux indépendantistes est assez éparse, certains commencent à s’inquiéter de la judiciarisation de la crise catalane. De manière étonnante, en plein débat sur le Brexit, une discussion a été organisée à ce propos à Westminster le 15 octobre. Le secrétaire d’État britannique pour l’Europe, Christopher Pincher, a tout d’abord indiqué que cette question était une affaire interne avant de préciser que cette crise était « un rappel de l’ancien régime espagnol ». De même, le président du Parlement, John Bercow, a déclaré que Carles Puigdemont, actuellement exilé en Belgique, serait « extrêmement bien accueilli » pour prendre la parole au palais de Westminster.6

La secrétaire d’État du ministère de la Justice slovène, Dominika Švarc Pipan, a exprimé à titre personnel son désaccord sur la manière de traiter la crise catalane par les autorités espagnoles. Appelant au dialogue, celle-ci indique que « cette répression, au même titre que les prisonniers politiques, est insupportable dans une Europe démocratique ».7

Mais lundi 21 octobre, le gouvernement slovène rompt officiellement la réserve de mise, parmi les États membres de l’Union, en  dénonçant la gestion de la crise par les autorités espagnoles. Par la voix de son Premier ministre Marian Sarec, ce dernier a déclaré que « ce n’est pas souhaitable ni tolérable qu’un État européen résolve ses problèmes avec violence ». Il a toutefois tenu à préciser que « la situation en Catalogne n’est pas comparable avec l’indépendance de la Slovénie ».8

Au final, l’Union et ses États membres ne vont pas soutenir la cause indépendantiste des autorités catalanes. Mais, il incombe aux autorités européennes de rappeler que ses États membres se doivent de respecter l’état de droit. Rappelant régulièrement à l’ordre sur ces enjeux la Hongrie ou la Pologne, la Commission européenne ne doit pas « seulement regarder vers l’Est en ce qui concerne la défense des valeurs européennes »9. C’est précisément sur cette question que l’Europe est tenue d’agir dans cette crise.

Perspectives :

  • Alors que des voix s’élèvent en Catalogne pour un appel à la médiation internationale, le gouvernement espagnol n’entend pas internationaliser une crise interne.
  • La crise en Catalogne perturbe l’agenda politique national à la veille des élections générales organisées en Espagne le 10 novembre prochain.
  • La persistance de la crise politique et du phénomène de judiciarisation pourrait provoquer une crise sérieuse entre Bruxelles et Madrid. L’ancien président de la Generalitat de Catalogne Carles Puigdemont est pour l’heure en liberté sous conditions sur le territoire belge malgré le récent mandat d’arrêt européen émis contre lui à Madrid. Sa présence en Belgique représente dès lors un levier de négociation significatif.
Sources
  1. BOISVERT Yves, Pourquoi les indépendantistes catalans sont seuls au monde, La Presse, 16 octobre 2019.
  2. STURGEON Nicola, Compte personnel Twitter, 14 octobre 2019.
  3. Nicola Sturgeon responds to sentencing of Catalan leaders, The National, 14 octobre 2019
  4. TALAMONI Jean-Guy, Compte personnel Twitter, 14 octobre 2019.
  5. HÁFOSS Kristina, Compte personnel Twitter, 16 octobre 2019.
  6. ‘Reminder of former Spanish regime’ – Westminster debates Catalan leaders’ sentences ?, Catalan News, 15 octobre 2019.
  7. ŠVARC PIPAN Dominika, Compte personnel Twitter, 17 octobre 2019.
  8. El primer ministre d’Eslovènia critica obertament la violència del govern espanyol, VilaWeb, 21 octobre 2019.
  9. BERDSHIDSKY Leonid, Catalans’ Harsh Sentences Are Un-European, Bloomberg, 15 octobre 2019.