Damas. Dans deux analyses du 9 et 13 octobre Le Grand Continent expliquait les causes et conséquences éventuelles de l’opération « Source de Paix » dans la zone dite « Rojava ».12 Le 17 octobre, neuf jours après le début des opérations, une « pause » a été convenue, qui ne peut qu’être qualifiée comme une capitulation américaine complète. Cette « pause », à contraster avec un « cesse feu », ne représente que dans les faits le temps accordé par le côté turc au YPG pour sortir de la « zone de sécurité » de 30 km de profondeur3. C’est une victoire qui étonne non-seulement par sa rapidité mais aussi par le fait qu’elle ne semble pas du tout refléter l’équilibre des forces sur le terrain.

En effet, si une chose est claire dès à présent c’est que c’est une victoire diplomatique et non militaire. Pour référence, les opérations « Bouclier de l’Euphrate » et « Rameau d’Olivier » avaient duré 7 et 2 mois respectivement. L’espace sur lequel ces deux dernières se sont conduites était par ailleurs très limité. De façon contre-intuitive, c’est une explication potentielle du retrait du YPG. Au cours des 9 derniers jours, l’action de l’armée turque a consisté à démolir des sections de la barrière de 828 km construite sur la frontière entre 2014 et 2018. Le YPG n’avait ainsi pas la possibilité de concentrer leurs forces à des points d’entrés précises et risquait donc l’encerclement. Il est très peu probable néanmoins que le YPG aurait arrêté le combat si les Etats-Unis n’avaient pas capitulé en leur nom.

Comment expliquer donc la décision américaine ? Le résultat semble même avoir choqué les négociateurs turcs, qui sont sortis joviaux des négociations alors même que l’atmosphère à Ankara avait été plutôt sombre au début. L’instabilité et l’imprudence du Président américain ont été des facteurs majeurs tout au long de ce processus. C’est ce dernier par ailleurs qui a annoncé le résultat des négociations entre la délégation du Vice-Président Mike Pence et l’équipe Erdoğan via son compte Twitter avant même la conférence de presse. Il semble par ailleurs que Trump a entièrement adopté la rhétorique des Turcs en déclarant « À bien des égards, le PKK kurde est une menace terroriste plus grave que l’Etat islamique »4. Il est pourtant possible de discerner un semblant de considération géostratégique dans la décision américaine. L’abandon par leur allié principal a poussé le YPG vers le gouvernement de Damas. Les forces du régime contrôlent dès à présent Manbij, Kobane, Qamishli et Al Hasakah ainsi qu’une partie considérable des infrastructures routière du Nord-Est5. Faute d’avoir les Kurdes à leurs côtés, les Américains sont donc contraints de soutenir la Turquie pour pouvoir peser contre la Russie et l’Iran dans la région. C’est bien évidemment un choix nécessité par la décision impromptu de Trump le 8 octobre dernier. Mais comme on le dit chez eux outre-Atlantique : too little too late.