Vienne. Quatre mois après l‘« affaire Ibiza » qui a fait éclater la coalition droite-extrême-droite, le Parti populaire d‘Autriche (ÖVP, PPE), la formation du chancelier sortant Sebastian Kurz a remporté de très loin les élections législatives anticipées organisées ce dimanche. avec 37,5 % des suffrages 1. Les Verts sont les autres grands gagnants de ce scrutin : avec 13,8 % des voix, soit une hausse de 10 points par rapport à 2017, ils font leur retour au Parlement et enregistrent leur meilleur score au niveau fédéral. De son côté, le Parti social-démocrate d‘Autriche (SPÖ, S&D) continue de perdre du terrain et n’obtient que 21,8 %, un score historiquement bas. La Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ, ENL), formation néo-nationaliste au pouvoir jusqu’en mai et dont l’ancien président et ex-vice chancelier, Heinz-Christian Strache, a démissionné suite à l’« affaire Ibiza » au profit de son bras droit Norbert Hofer, recule à 16,2 %, perdant ainsi près de 10 points par rapport au scrutin de 2017. Enfin, les libéraux du jeune parti NEOS (RE), fondé en 2012, s’affirment comme une force politique importante dans le pays avec 8,1 % des voix.

De nombreuses possibilités de coalitions 2 s’offrent à l’ex-chef du gouvernement, assuré en pratique de retrouver son siège à la chancellerie à l’issue des négociations. L’option la plus facile à négocier serait la poursuite de la coalition dont le programme a été signé en 2017, lors des dernières élections, entre l’ÖVP et la FPÖ. Toutefois, certains responsables du parti neo-nationaliste 3 voient dans le résultat en baisse de leur parti ainsi que dans les scandales à répétition qui l‘ont frappé une incitation à ne plus faire partie du gouvernement. Ce mardi, la décision du bureau national du parti de suspendre son ex-président, alors même que celui-ci a déclaré le jour même son « retrait total de la politique », semble cependant suggérer que le FPÖ pourrait être tenté de sacrifier symboliquement son ancien chef pour retrouver au plus vite des responsabilités au plus haut niveau.

Le renouvellement de la coalition noire-bleue apparaît donc, malgré les scandales, comme l’option la plus probable, ce d’autant plus qu’une coalition entre l‘ÖVP et un parti social-démocrate très diminué semble de plus en plus invraisemblable : les mésententes qui ont marqué la dernière coalition de ce type ne sont pas oubliées, et les différences de fond sont flagrantes, notamment dans les domaines fiscal et social 4. Une coalition entre l’ÖVP et les Verts, arithmétiquement possible grâce aux excellents résultats des deux mouvements, constituerait une surprise de taille. Même si de nombreuses divergences d’opinion se font sentir et malgré les réticences marquées des politiciens des deux bords à l’idée de s‘engager dans une telle alliance, cette coalition aurait pour l’ÖVP le « charme » de la nouveauté et serait une suite logique à une campagne dont les questions climatiques ont été un thème majeur. Enfin, une alliance encore plus large entre l’ÖVP, les Verts et le parti libéral NEOS serait une première en Europe 5, grâce à laquelle le parti populaire pourrait acquérir une image plus moderne – le fait que cette alliance ne serait pas minimale (les voix de l’ÖVP et des Verts suffisent pour gouverner) la rend toutefois peu réaliste.

Dans les semaines à venir, l’ex- et désormais futur chancelier Kurz devrait cependant se faire discret. Trois élections régionales se dérouleront en effet d’ici l’investiture du prochain cabinet fédéral, prévue pour février : le 13 octobre dans le Vorarlberg, à la frontière suisse, le 24 novembre en Styrie et le 26 janvier au Burgenland, où les sociaux-démocrates gouvernent dans une étrange alliance avec l’extrême-droite. Comme il entend ne pas troubler les campagnes régionales en cours et profiter de sa bonne dynamique, l’ÖVP a intérêt à la prudence 6.

Alors que l’élection à la présidence fédérale en 2016 d’Alexander Van der Bellen, indépendant mais historiquement issu des Verts, avait constitué pour son camp un moment historique, le parti écologiste paraît aujourd’hui occuper en Autriche une position clef. Entre un centre-gauche traditionnel affaibli et des préoccupations environnementales qui s‘imposent dans l‘opinion publique, l’Autriche est prise à son tour dans une dynamique politique commune à tous les pays du nord-ouest du continent. Si l’écart entre la FPÖ et les Verts est désormais de moins de 3 points, la préférence d‘une partie de l’opinion pour une alliance à droite devrait jouer en la faveur des néonationalistes, en dépit de la crise. On aurait tort d‘oublier que Van der Bellen lui-même n‘avait remporté que de quelques voix son « premier deuxième tour » de 2016, finalement annulé. Son adversaire d’alors n’était autre qu’un certain… Norbert Hofer.

Perspectives :

  • 13 octobre 2019 : élections régionales dans le Vorarlberg.
  • 24 novembre 2019 : élections régionales en Styrie.
  • 26 janvier 2020 : élections régionales au Burgenland.
Sources
  1. Das Ergebnis, die möglichen Koalitionen : Die Nationalratswahl im Überblick, Der Standard, 29 septembre 2019.
  2. WEISSENSTEINER Nina et al., Koalitionsvarianten : Sieger Kurz hat viele Möglichkeiten – wenn die Partner denn wollen, Der Standard, 29 septembre 2019.
  3. So reagieren die Länder auf die Wahl, ORF, 29 septembre 2019.
  4. JOHN Gerald et MAYR Peter, Was für und was gegen Türkis-Rot spricht, Der Standard, 1er octobre 2019.
  5. SCHILZ Christopher, Österreich-Wahl : Gute Nachrichten für Deutschland, WELT, 30 septembre 2019.
  6. PLAIKNER Peter, Vier Landtagswahlen und ein Koalitionspoker, Der Standard, 29 septembre 2019.