Il est probable qu’Al-Qaïda ait commis les attentats terroristes terribles et sans précédent du 11 septembre 2001 avec l’intention que les États-Unis interviennent en Afghanistan et y soient défaits, comme il était arrivé aux Soviétiques engagés dans leur longue guerre. Al-Qaïda a fait par là une grossière erreur de calcul. L’intervention américaine, malgré son imperfection, n’a jamais donné lieu au niveau d’engagement que les Soviétiques avaient déployé et que les terroristes recherchaient.

Pourtant, au même moment, les événements du 11 septembre sont devenus une véritable aubaine pour la Chine. Ces attaques ont détourné l’attention des États-Unis, qui se sont concentrés sur le Moyen-Orient, en finissant par négliger l’expansion de la Chine. Elle a profité de cette occasion pour développer son influence géopolitique, en rencontrant peu d’obstacles, et souvent avec l’encouragement actif de nombreux partenaires commerciaux américains, jusqu’à occuper sa position actuelle de concurrente et de principale menace pour les intérêts et la position des États-Unis.

« Les événements du 11 septembre sont devenus une véritable aubaine pour la Chine. Ces attaques ont détourné l’attention des États-Unis, qui se sont concentrés sur le Moyen-Orient et se sont détournés de l’expansion de la Chine. »

Bradley A. THayer

Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis ont dépensé des ressources militaires et économiques colossales en Afghanistan, en Irak, en Libye (à la suite du printemps arabe) et, plus récemment, en Syrie et au Yémen. L’objectif de Washington était de gagner des guerres dans le domaine de compétence du commandement central. Mais alors que les États-Unis étaient si occupés, la politique internationale ne s’est pas arrêtée pour autant. Les États-Unis n’ont pas eu de « temps mort ». Les changements dans l’équilibre des pouvoirs se sont poursuivis sans relâche. Le plus important d’entre eux est que la Chine a accru son pouvoir, ses capacités, son influence et ses intentions.

« Les États-Unis n’ont pas eu de « temps mort ». Les changements dans l’équilibre des pouvoirs se sont poursuivis sans relâche. Le plus important d’entre eux est que la Chine a accru son pouvoir, ses capacités, son influence et ses intentions. »

Bradley A. Thayer

Washington a alors semblé sourd et aveugle aux menaces concurrentielles de la Chine, au plus fort de son engagement au Moyen-Orient. L’une des principales conséquences du 11 septembre 2001 a été que les États-Unis n’ont pas pris de mesures pour freiner la croissance de Pékin, alors qu’ils auraient pu le faire à moindre coût. Les premières mesures d’équilibrage effectif pour contrer la Chine commencent à peine à prendre forme.

La myopie de Washington a permis à la Chine de rompre le statu quo face aux intérêts des États-Unis et de ses alliés tels que le Japon en mer de Chine orientale et méridionale. Les États-Unis ne semblent pas avoir remarqué que la croissance économique de la République populaire de Chine lui a permis de mettre en place des institutions économiques internationales telles que l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB) et les Nouvelles routes de la soie, qui ont jeté les bases d’un nouvel ordre économique. Pékin a étendu son influence en Afrique, en Asie centrale et du Sud, au Moyen-Orient, en Europe et en Amérique latine.

Dans le domaine militaire, la Chine augmente ses capacités conventionnelles avec des armes cybernétiques et spatiales, et avec le développement des armes hypersoniques. Par ailleurs, elle a professionnalisé ses forces militaires en les dotant de la capacité à mener des opérations conjointes contre les États-Unis et ses alliés.

« Dans le domaine militaire, la Chine augmente ses capacités conventionnelles avec des armes cybernétiques et spatiales, et avec le développement des armes hypersoniques. »

Bradley A. Thayer

La dimension la plus critique de ces évolutions est que la période d’expansion incontrôlée a permis la formation d’une caste dirigeante autour de Xi Jinping, et a mené à l’abandon de l’approche plus prudente de Deng Xiaoping en matière de politique internationale. Avec l’avènement de Xi, les États-Unis font face à un leader qui a développé une grand strategy de domination chinoise, même s’il affirme que la Chine ne cherchera pas à dominer l’économie mondiale. C’est un dirigeant audacieux, déterminé à défier les États-Unis, et il a probablement l’intention de remporter la victoire d’ici 2049, année du centenaire de la révolution communiste.

À titre hypothétique, on pourrait imaginer un monde dans lequel les attentats du 11 septembre n’auraient pas eu lieu, et où des incidents comme celui de l’île de Hainan en avril 2001 auraient provoqué des mesures visant à empêcher la croissance et l’expansion pures et simples de la Chine, comme le souhaitait d’ailleurs le secrétaire à la Défense de l’époque, Donald Rumsfeld. Les États-Unis auraient pu assurer la poursuite de la croissance économique de la Chine, mais son expansion territoriale dans les mers de Chine orientale et méridionale aurait été entravée par une réponse alliée puissante. Les États-Unis et la communauté internationale auraient pu faire comprendre à Pékin qu’elle ne pouvait pas atteindre ses objectifs en intimidant les autres, et que les revendications territoriales devaient être réglées par la diplomatie.

« La Chine est clairement le bénéficiaire stratégique du 11 septembre et des décisions prises par la suite à Washington. »

Bradley A. Thayer

La Chine est donc clairement le bénéficiaire stratégique du 11 septembre et des décisions prises par la suite à Washington. Elle a fait preuve d’audace pour consolider son impressionnante ascension à un moment où les États-Unis regardaient ailleurs. Aujourd’hui, la Chine est peut-être le concurrent le plus redoutable que les États-Unis aient jamais eu à affronter. Savoir lequel des deux l’emportera est la question déterminante du XXIe siècle, mais il est grand temps que les États-Unis prennent conscience du défi et y répondent.

Crédits
Cet article est la traduction d'une tribune publiée dans The Hill. Il est publié et traduit avec l'autorisation gracieuse de l'auteur.

Version mise à jour le 11 septembre 2019 à 17:29.

La version publiée le 11 septembre 2019 à 00:50 était une version de travail passée en ligne par inadvertance. Nous nous excusons auprès de nos lectrices et nos lecteurs pour la gêne occasionnée.