Washington. La veille d’un forum visant à promouvoir les importations de GNL organisé le 2 mai par la Commission européenne dans le cadre du Conseil de l’énergie UE-USA, le secrétaire américain à l’Énergie Rick Perry avait déclaré à Bruxelles : « Les États-Unis offrent à nouveau une forme de liberté au continent européen et plutôt que sous la forme de jeunes soldats américains, c’est sous la forme de gaz naturel liquéfié »1. Suite à quoi, le journaliste d’EURACTIV Frédéric Simon demandant si « gaz de la liberté » était une bonne manière de décrire les exportations de GNL américain vers l’Europe, « je pense que votre remarque peut être correcte », a répondu Rick Perry.

Le secrétaire à l’Énergie expliqua ce 1er mai que « Chaque jour où Nord Stream 2 n’est pas achevé est un autre jour où l’Union dispose de plus d’options pour son approvisionnement futur en gaz naturel. » Vingt jours plus tard à Kiev il annonçait qu’un projet de loi de sanctions imposant de lourdes restrictions aux entreprises impliquées dans le Nord Stream 2 serait présenté « dans un avenir pas très lointain »2. Vouloir imposer son gaz en ralentissant l’achèvement du gazoduc par le biais d’attaques à l’encontre des entreprises européennes le construisant : on reconnaît bien ici la tradition américaine d’exportation de la liberté par la force.

Ce dont ne se doutait sûrement pas le journaliste d’EURACTIV à Bruxelles c’est qu’il venait de trouver le nouveau slogan du gouvernement américain, le « Freedom gas ». En témoigne le communiqué de presse du 28 mai annonçant l’autorisation d’exporter que le Département américain de l’Énergie a donné à la future usine de liquéfaction du terminal Freeport LNG situé sur Quintana Island au Texas. Le sous-secrétaire à l’Énergie, Mark W. Menezes, y explique qu’« accroître la capacité d’exportation de Freeport LNG est essentiel pour répandre le gaz de la liberté (freedom gas) à travers le monde en donnant aux alliés des États-Unis une source d’énergie propre, diversifiée et abordable » .3

Ce discours tient de l’orwellien puisque le GNL américain est plus cher que le gaz russe, mais également plus polluant à importer en Europe. L’extraction de gaz de schiste dégage environ trois fois plus de méthane dans l’atmosphère que les puits conventionnels ; à cela s’ajoutent les phases de liquéfaction et regazéification ainsi qu’un transport plus long via méthaniers4. Il faut aussi prendre en considération la catastrophe sanitaire qu’engendre localement le fracking et le fait que le « boom » du gaz de schiste accompagne un « boom » de la production de plastique5. De manière générale, parler d’énergie propre lorsque l’on parle de gaz est une aberration et ce d’où qu’il vienne puisque le méthane qui le compose à 90 % est un gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement climatique est plus élevé que celui du CO26.

Le gaz en Europe, entre gazoducs et terminaux GNL
GEG | Cartographie pour Le Grand Continent

Perspectives :

  • Freeport LNG devrait commencer à exporter l’année prochaine. Les États-Unis espèrent passer d’une capacité d’exportation de 50 milliards de mètres cubes à 112 d’ici 2020.
Sources
  1. SIMON Frédéric, ‘Freedom gas’ : US opens LNG floodgates to Europe, Euractiv, 02 mai 2019.
  2. Sanctions bill on Nord Stream 2 coming soon : U.S. energy secretary, Reuters, 21 mai 2019.
  3. US Department of Energy, Department of Energy Authorizes Additional LNG Exports from Freeport LNG, 28/05/2019
  4. Cornell University, EU should skip LNG’s ‘bridge to nowhere’ and leap to sustainable energy, says expert, Yuba.net, 27 septembre 2016.
  5. PETITJEAN Olivier, Les liens étroits et méconnus entre le gaz de schiste et l’explosion des déchets plastiques, Observatoire des multinationales, 11 septembre 2018.
  6. HOWARTH Robert W., A bridge to nowhere : methane emissions and the greenhouse gas footprint of natural gas, discours à la conférence « Fossil Fuel Lock-in : why gas is a false solution », 26-28 septembre 2016.