Vienne. Neuf jours après le « Scandale Ibiza » mettant fin à la coalition autrichienne entre l’ÖVP (parti populaire autrichien) et le FPÖ (parti de la liberté d’Autriche), les élections européennes en Autriche se sont déroulées dans un contexte de grandes incertitudes politiques au niveau national. La politique intérieure de ce pays au centre de l’Europe a été agitée pendant cette dernière semaine.

La publication d’une vidéo présentant l’ex-vice-chancelier, Heinz-Christian Strache, qui promet des marchés publics à une supposée nièce d’oligarque russe si elle rachète le journal principal autrichien Die Krone pour augmenter l’influence médiatique du FPÖ, a entrainé la sortie spectaculaire de l’extrême droite de la scène gouvernementale. Par conséquent, les élections et questions européennes n’étaient plus une priorité en Autriche1 – ni pour les acteurs politiques, ni pour les médias, ni pour l’électorat. Si les élections européennes sont toujours considérées comme une combinaison de 28 scrutins nationaux, c’est d’autant plus vrai pour le cas autrichien de 2019.2

Comme tous ces basculements ont eu lieu juste une semaine avant les élections, leurs conséquences étaient imprévisibles. Dans un entretien, le psychiatre autrichien renommé, Reinhard Haller, a décrit ces élections comme « une expérience de psychologie des masses ». 

Le dimanche 26 mai 2019, les Autrichiens ont donc voté pour leurs 18 eurodéputés (19 en cas de Brexit) avec une participation de 50,6 %. Elle est plus élevée qu’en 2014, quand elle s’élevait à 45,4 % avec une moyenne européenne de 42,61 %. Cette participation en hausse s’inscrit à une tendance pan-européenne.

Le résultat de l’ÖVP (affilié au PPE au niveau européen) est de 35,4 % comparé à un pourcentage de 27 % en 2014. Ce parti est ainsi le vainqueur incontestable du scrutin et probablement aussi du « Scandale Ibiza ». Une autre raison pour laquelle l’ÖVP a pu gagner autant de voix peut être liée au fait que ce parti a mené une campagne à deux volets, avec Othmar Karas, tête de liste très pro-européenne, et les propos récents contre Bruxelles du chancelier Sebastian Kurz. Avec cette stratégie, ils ont pu récupérer des voix des électeurs pro-européens, mais aussi ceux qui sont moins convaincus du projet européen.

En 2014, le SPÖ (S&D au Parlement européen) est arrivé à un pourcentage de 24,1, un résultat qui s’est légèrement dégradé : le SPÖ est arrivé au deuxième rang avec 23,6 % des votes. Cela peut surprendre car les attentes envers le premier parti de l’opposition étaient plus hautes après cette semaine de turbulence pour les partis au pouvoir. Une explication pour cela pourrait être que le SPÖ avec Pamela Rendi-Wagner en tête ne s’est pas positionné assez clairement après le scandale. D’ailleurs, l’ « effet Timmermans » du Pays-Bas n’a pas aidé le SPÖ (le candidat socialiste pour la présidence de la Commission s’est rendu à Vienne le lendemain des élections). 

Le troisième parti est le FPÖ (ENL à l’échelle européenne) – le principal acteur du scandale. L’extrême droite n’a pas obtenu les 23 % que les sondages ont prévus avant l’éclatement du scandale3. Cet effect a été confirmé. Pourtant, le parti nationaliste est quand même arrivé à un score de 18,1 % (comparé à 19,7 % en 2014). Cela peut aussi étonner, mais, comme l’expert de droit européen, Stefan Brocza, l’a expliqué, la FPÖ est le seul parti qui n’est pas pro-européen en Autriche. Pour son électorat il n’y avait donc pas de vraie alternative.4 De plus, leur stratégie avec la dévise « Jetzt erst recht ! » (Maintenant plus que jamais) et la présentation du scandale comme attaque de gauche a permis de mobiliser une grande partie de leurs électeurs. 

Pour les Verts (14,5 % en 2014), ce scrutin a été un test important. Aux élections législatives en 2017, ils ont connu une chute majeure en perdant tous leurs sièges au Conseil national. Leur résultat de ces élections européennes est de 13,0 % – assez élevé quand on considère leurs difficultés au niveau national. Les Verts peuvent donc être vu comme un des gagnants de ces élections. Leur bon résultat est conforme à la tendance à la hausse pour les Verts européens désormais décrite comme « la vague verte ».

Le parti le plus pro-européen, demandant la création des Nations unies de l’Europe, les NEOS (ADLE) avaient gagné 8,1 % en 2014 ; un résultat qui reste exactement le même.

La répartition des sièges au Parlement européen sera donc la suivante :

  • 7 sièges pour le ÖVP (PPE)
  • 5 sièges pour le SPÖ (S&D)
  • 3 sièges pour le FPÖ (ENL)
  • 2 sièges pour les Verts (Verts/ALE)
  • 1 siège pour les NEOS (ADLE)

Pour les résultats finaux (la marge d’erreur est actuellement de 0,5 %), il faut attendre le dépouillement des votes par correspondance – cette fois-ci, 690 000 électeurs ont choisi de voter par cette voie ce qui est un record dans l’histoire démocratique en Autriche. Traditionnellement ces votes sont plutôt défavorables au FPÖ.