Paris. La fin de semaine dernière, du 16 au 18 mai, a vu entrepreneurs, industriels, politiques et badauds se rendre à VivaTech, devenu depuis quelques années le rendez-vous de la communauté entrepreneuriale française et européenne à Paris. Pour sa quatrième édition, le succès semble avoir été au rendez-vous, et c’est aux 100 000 visiteurs et 2000 exposants de l’édition 2018 qu’il s’agira de comparer l’affluence.

Cet événement voit converger plusieurs séquences en lien avec le numérique, depuis la question de la régulation des discours en ligne jusqu’au dynamisme du secteur. Cependant, la géopolitique n’est jamais loin, et ce forum a aussi permis de matérialiser les attentes européennes du secteur. Il est d’ailleurs révélateur qu’un des quatre thèmes choisis pour la conférence fut : “United Tech of Europe : Quelle place pour l’Europe sur la scène tech internationale ?”.

En pratique, et ce fut souligné par le Président de la République, le secteur des startups bénéficie actuellement de vents porteurs, avec une année 2018 qui a vu un volume record de levées de fonds, tant en France qu’en Europe1. Comme analysé dans un article du Grand Continent en janvier2, ce développement est en partie la manifestation du tissage de réseaux européens de financement, permettant à des entreprises de finaliser de très grosses levées de fonds (plus de 100 millions d’euros) avec des capitaux issus des quatre coins du continent.

Au-delà des questions économiques, c’est aussi une esquisse de ce qui pourrait être la technologie européenne qui se lisait entre les lignes. En terme de priorités, il est révélateur qu’un autre grand thème de la conférence était la question du “tech4good”, en langage courant : la technologie pour le bien. Et ce message fut souligné une seconde fois par le Président de la République lors de sa conférence face à des entrepreneurs, déclarant notamment que « l’Europe peut devenir le leader de la tech car nous sommes en train de construire la tech démocratiquement soutenable »3, opposant de fait la régulation européenne à l’emprise étatique au sein de l’écosystème chinois et à son absence dans la libertaire Silicon Valley. Ayant eu lieu le lendemain de “l’appel de Christchurch”4, enjoignant une plus grande régulation des publications en ligne, et quelques jours après une tribune virulente en faveur du démantèlement de Facebook écrite par un de ses cofondateurs5, ces discours témoignent d’une intensification des questionnements autour du numérique dans le débat public.

En décortiquant les arguments du Président, cette intervention nous rappelle un autre discours, celui de Sébastien Soriano, actuel directeur de l’ARCEP, à la très branchée conférence #SXSW6, ainsi que les réflexions de la Commission Européenne, dans un format plus confidentiel mais dont nous vous avions parlé dans Le Grand Continent7. De cette effervescence, il convient de noter un début de convergence dans les idées, notamment dans la nécessité de revoir la politique de la concurrence dans le secteur du numérique, mais aussi l’ouverture de ce débat au grand public, les citoyens européens réalisant progressivement la place essentielle du sujet dans leur vie quotidienne.

Entre l’intensification de l’intérêt médiatique et politique sur les questions numériques, et l’approfondissement des réflexions académiques et institutionnelles sur ces enjeux, on ne peut s’empêcher de remarquer une maturation du sujet en Europe. Cependant, le chemin avant d’aboutir à une doctrine européenne complète est encore long. Dans une de ses réponses au panel, le Président de la République recommande de mener une “régulation intelligente” en réponse aux défis du numérique. Chiche ?

Perspectives :

  • Quels que soient les résultats aux élections européennes, le numérique sera très probablement dans les priorités du prochain parlement. Quels seront les prochains grands projets ?
  • Verra-t-on une harmonisation du débat sur la régulation au niveau européen au cours de l’année à venir ?