Les mots du Duomo
Stratégie ? bluff ? taqîya ? Hier après-midi à Milan, à moins d’une semaine des élections européennes, a eu lieu le seul véritable événement politique transnational de cette campagne électorale. Seul problème : il s’agissait d’un meeting de forces néonationalistes.
- Auteur
- Le Grand Continent
Jordan Bardella et Marine Le Pen du Rassemblement National, Joerg Meuthen de l’AfD, Geert Wilders du Partij voor de Vrijheid, Gerolf Annemans du Parti nationaliste flamand (Vlaams belang), Boris Kollar, du parti slovaque Nous sommes une famille (Sme Rodina), le néonationaliste bulgare Veselin Mareshki du parti de la Volonté (Volya), Andres Vistisen pour le Parti du peuple danois, les représentants du parti conservateur populaire d’Estonie, Laura Huhtasaari des Vrais Finlandais, et bien sûr, Matteo Salvini. Ils étaient tous rassemblés sur la Piazza Duomo de Milan pour le grand show néonationaliste orchestré par Matteo Salvini à la veille des élections européennes. Absence notable : Heinz-Christian Strache, le leader du FPÖ autrichien, qui a dû annuler sa participation annoncée à cause du « scandale Ibiza » ayant précipité sa démission du gouvernement 1.
Après avoir publié une série d’entretiens avec des participants au meeting de samedi, nous traduisons et commentons les prises de parole les plus importantes d’une journée qui pourrait marquer un moment clef dans la recomposition politique en acte à l’échelle continentale.
Alessandro Morelli, Ligue du Nord
Enfin, l’Italie devient protagoniste ! De nombreux représentants de l’Europe sont présents ici à Milan aujourd’hui, et veulent signaler leur participation et leur proximité non seulement à la Ligue, mais avec les objectifs communs que nous avons tous, pour changer le modèle européen !
Alessandro Morelli, député de la Ligue proche de Salvini a introduit les dix représentants de dix pays différents en montrant à la fois le rassemblement fidèle des leghisti autour de Salvini, le nouveau rôle joué par l’Italie et le caractère transnational de la nouvelle alliance européenne. Avec 31 % d’intentions de vote, la Ligue devrait obtenir une vingtaine de sièges dans le prochain parlement. Comme l’explique Lorenzo Castellani, politiste italien et auteur pour le Grand Continent le meeting de Milan « est une manière pour Salvini de se projeter comme leader européen en mettant la pression au PPE. En Italie, l’objectif est de donner l’impression d’être le seul à savoir bouger les lignes, en faisant un clin d’oeil aux catholiques, qui n’apprécient guère la figure du Pape. » La mise en scène a été en ce sens méticuleuse : le meeting a été ouvert par les salutations du gouverneur de Lombardie, accompagné des gouverneurs des quatre régions du Nord gouvernées par la Ligue dont Luca Zaia, Président de la Vénétie et probable candidat de la Lega à la Commission, comme nous l’expliquions ici.
Veselin Mareshki, Volya (Bulgarie)
Bonjour les patriotes italiens ! Cher Monsieur Salvini, chers amis, je vous apporte les salutations de la belle Bulgarie et de mon parti Volya. Notre nom signifie Volonté, et c’est ce que vous montrez en Italie. Nous voyons l’énorme succès de Salvini et de la Ligue et nous soutenons votre politique ferme contre la migration. Bravo Matteo ! Je suis sûr qu’ensemble, nous pouvons changer l’Europe et ramener la raison et la sécurité. L’Europe d’aujourd’hui est impuissante, soumise et envahie par les migrants. Maintenant c’est notre tour à nous, les patriotes. Nous savons comment ranimer l’Europe. Nous accorderons la priorité aux citoyens européens, à leur sécurité et à un niveau de vie élevé. Ensemble, nous sommes très forts parce que nous avons la volonté d’agir. Avec votre capitaine Matteo, avec Marine en France, avec Volya en Bulgarie, avec tous les amis de notre famille patriotique, nous sommes invincibles ! À la victoire !
Le choix d’ouvrir sur le représentant bulgare est intéressant. Il semble s’expliquer par le fait de mettre en avant une personnalité qui a déjà des responsabilités institutionnelles dans son pays. Veselin Mareshki, fondateur du parti néonationaliste Volya, est en effet, depuis 2017, vice-Président de l’Assemblée nationale bulgare. Son parti ne devrait cependant pas obtenir de sièges dans le prochain parlement en culminant au seuil des 3 %.
Par ailleurs, il faut noter que sa prise de parole se fait en italien, en lisant, certes avec un fort accent, un texte qui par son côté exclamatif, parvient à briser la glace, à chauffer l’auditoire.
Boris Kollar, Sme Rodina (Slovaquie)
Matteo Salvini a réussi à résoudre le problème des migrants et à protéger les traditions. L’union fait la force : si nous unissons nos forces, nous pouvons tout faire. Les élites nous traitent d’extrémistes, mais ces politiciens traditionnels ne font que voler, tricher et mentir. Ces élites soutiennent les plus riches, les grandes multinationales des groupes financiers, les oligarques et les banques et, en même temps, elles ne se soucient pas des gens ordinaires et de vos problèmes. Nous sommes une famille qui promet de jeter à la décharge les politiciens qui volent, mentent, trichent.
Le défilé de l’internationale souverainiste se poursuit avec Boris Kollar, membre du Parlement slovaque, chef du parti Nous sommes une famille (Sme Rodina). Avec moins de 10 % dans les sondages, Sme Rodina devrait envoyer un seul parlementaire à Bruxelles. Son discours présente un problème important : l’évocation de la prison (« la décharge ») pour les politiciens qui « volent, mentent, trichent » finit par résonner étrangement dans un contexte politique italien où la Ligue se trouve au centre d’une série d’affaires de corruptions et de malversations. La dernière date d’il y a trois jours et a été largement commentée : le maire de la Ligue de Legnano, une commune dans la banlieue de Milan, vient d’être mis en état d’arrestation.
Lu en italien, le discours a ainsi provoqué une réaction mitigée.
Tomio Okamura, Liberté et démocratie directe (République tchèque)
Les prochaines élections peuvent être considérées comme un référendum décisif pour l’avenir de la coopération en Europe. Nous pouvons voter et nous voterons pour la liberté et la souveraineté de nos citoyens, de nos nations, des démocraties en Europe, ou nous pouvons laisser le pouvoir à ceux qui planifient l’extinction des États nations et rejettent la démocratie. C’est à nous de décider si nous voulons que l’Europe reste avec les Européens ou si nous voulons que des gens comme Junker, Merkel ou Macron puissent islamiser l’Europe, et au nom des gouvernements de l’élite bruxelloise, éliminer toutes les valeurs, traditions et libertés européennes. Nous devons reprendre le contrôle de nos pays, de nos ancêtres qui ont défendu nos nations contre les envahisseurs pendant des milliers d’années, et c’est aussi une obligation que nous avons envers nos enfants, à qui nous devons garantir une vie sûre et digne.
Le vice-président de la Chambre des députés tchèque parle anglais. Son intervention présente des caractéristiques typiques du discours néonationaliste (islamisation de l’Europe, désignation d’ennemis dans la triade Junker, Merkel, Macron) mais s’appuie sur un raisonnement qui empreinte aux arguments classiques des nationalistes d’extrême droite, en développant un discours assimilationniste. Cette attitude répond sans doute aux contradictions identitaires qui pourraient être posées par l’ethos de l’orateur : Tomio Okamura est un entrepreneur politique tchèque d’origine japonaise.
Son parti Pour la liberté et la démocratie directe devrait envoyer deux parlementaires à Bruxelles. La tradition conservatrice présente les réseaux de relations historiques comme base à la construction de l’identité. Au XIXe siècle, cette identité s’appuie sur les valeurs de la lignée, exigeant une communauté ethnique-nationale cohérente grâce à l’utilisation du module « Blut und Boden », qui a été le plus systématiquement élaboré en Allemagne, mais qui a également été largement utilisé ailleurs.
Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, Edmund Burke, mentor des opposants à la Révolution française, considérait la nation comme : « un pacte non seulement entre les vivants d’aujourd’hui, mais aussi entre les vivants, les morts et ceux qui ne sont pas encore nés », une formule qu’on retrouve tout au long des XIXe et XXe siècles, un pacte métaphysique qui, par un « serment inviolable » de type mystique « relie le monde visible à l’invisible » (Burke, 1790/1910, pp. 93-94). Un siècle plus tard, en 1894, Maurice Barrès, dans le journal La Cocarde, réunit les nationalistes françaises avec le mot de passe « La Terre et Les Morts. »
Jaak Madison, Parti conservateur populaire d’Estonie
Nous voulons la souveraineté sur des questions telles que l’immigration et les politiques internes, et nous voulons également coopérer avec nos partenaires, y compris au niveau militaire.
Les pays d’Europe sont à la fois très différents et très semblables. Mais nous avons des histoires différentes, des nationalités différentes, des langues différentes. Je voudrais dire au Président Juncker de venir en Italie, pour apprendre de Matteo Salvini comment défendre nos nations et notre Europe.
Avec un peu plus de 10 % d’intentions de vpte, le Parti conservateur populaire devrait envoyer un député à Bruxelles. Jaak Madison cherche ici à dédiaboliser la figure de Matteo Salvini, considéré explicitement comme le chef de file des européistes contre Juncker.
Gerolf Annemans, Les Flamands d’abord (Vlaams belang)
Aujourd’hui sur la place du Duomo, mais aussi au carrefour de l’histoire, en ce lieu nous faisons et écrivons l’histoire européenne. D’où ce message : les peuples des États membres européens ne seront plus conduits comme des agneaux à l’abattoir, mais reprendront le contrôle total des frontières. La Ligue a montré à toute l’Europe et au monde entier que, dans cette malheureuse Union européenne, il suffit d’une chose pour tout changer enfin : la décision et la volonté politique de prendre notre destin en main.
L’intervention de Gerolf Annemans, qui sonne encore une fois comme un hommage à Salvini, est faite en un bon italien. Son parti (Vlaams belang) devrait selon toute probabilité envoyer un député à Bruxelles, avec un peu plus de 5 %.
Andres Vistisen, Parti du peuple danois
J’ai l’honneur de partager la scène avec ces dirigeants qui se battent pour vous, pour protéger tous les citoyens européens. Il est temps de suivre le leadership de Salvini et de laisser de côté cette politique migratoire absurde ; il est temps d’apporter du bon sens à cette Europe, grâce à Matteo, pour nous aider à éliminer enfin Merkel, Juncker et Macron. Nous avons besoin de frontières fortes, nous devons renvoyer les migrants, pas les intégrer.
L’intervention du Danois Andres Vistisen est en anglais. Le parti devrait envoyer deux députés au Parlement européen. Visitisen reprend ici les éléments de langage de Salvini : le « bon sens », la bataille en commun sur les frontières fortes et fermées et l’opposition à l’intégration des migrants.
Laura Huhtasaari, Vrais Finlandais
Milan est le premier exemple de notre merveilleuse civilisation européenne, que nous voulons tous protéger. En ce moment, l’Europe est témoin de la croissance des partis patriotiques à travers le continent, nous allons protéger nos nations, nos cultures et nos frontières.
L’intervention de Laura Huhtasaari est en anglais. Le parti Vrais Finlandais devrait envoyer trois députés au Parlement européen.
Joerg Meuthen, AfD
Les forces politiques patriotiques, de l’Italie à la Finlande, du Danemark à la France et à l’Allemagne, se réunissent aujourd’hui à Milan pour célébrer la renaissance du bon sens en Europe. Parce qu’il y a des gens sur ce continent qui croient aux valeurs et aux vertus, et qui ont le courage, comme nous, de les défendre toutes les deux, c’est notre devoir patriotique. Nous ne sommes pas du tout anti-européens, comme d’autres le disent généralement, c’est le contraire : nous sommes les vrais Européens, nous ne sommes pas contre l’Europe, nous sommes contre cette Europe, l’Union européenne actuelle et ses élites décadentes. Nous devons vaincre politiquement ces élites, appelons-les par leur nom : Juncker, Draghi, Macron, Shultz, Merkel, Timmermans, Weber et tous les autres. Nous vous disons : vous n’êtes pas de vrais Européens, vous êtes les destructeurs de l’Europe, vous n’êtes que des technocrates arrogants, et nous allons vous expulser des parlements, pas à pas, siège par siège. Nous voulons créer une Europe plus légère, redonner à nos nations les compétences qui leur sont dues, avec des échanges commerciaux libres, avec une plus grande sécurité pour nos citoyens, créer véritablement une forteresse européenne, et la protéger, car nous sommes les vrais Européens.
L’AfD devrait envoyer onze députés. Le point saillant de cette intervention est que les souverainiste se revendiquent comme étant « les vrais Européens » en luttant contre les technocrates et les « faux Européens » comme Juncker, Draghi, Macron, Shultz, Merkel, Timmermans, Weber, qui auraient trahi l’esprit européen.
Georg Mayer, Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ)
Avec les élections du 26 mai, nous verrons si l’Europe deviendra encore plus islamique et si nous devrons poursuivre l’immigration massive. Nous déciderons si nous voulons défendre les frontières européennes et mettre fin à l’immigration en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient et si nous voulons maintenir une puissance centrale forte au niveau européen ou si nous voulons rendre le pouvoir à nos différents États européens. Enfin, il s’agira de choisir entre le maintien de nos formidables cultures différentes et la volonté d’avoir une culture européenne unique.
Matteo Salvini défend non seulement l’Italie, mais toute l’Europe s’il empêche le flux des migrants par bateau. Nous sommes les défenseurs des différentes cultures et du multiculturalisme en Europe. Nous ne sommes ni des destructeurs ni autre chose, nous sommes les réformateurs de l’Europe.
C’est la seule intervention en allemand de la journée – le représentant de l’AfD s’était exprimé en anglais. Le parti autrichien devrait envoyer cinq députés. C’est néanmoins une journée complexe pour le représentant du FPÖ suite à la démission de Heinz-Christian Strache leader du parti, qui a dû annuler sa participation annoncée à cause du « scandale Ibiza » qui a conduit à sa démission du gouvernement. On peut s’étonner que, dans son intervention, il définisse le front souverainiste comme défenseur du multiculturalisme, concept d’origine anglo-saxonne traditionnellement très critiqué par l’extrême droite.
Geert Wilders, Partij voor de Vrijheid (Hollande)
Nous devons défendre nos États-nations, nous devons exiger plus de souveraineté nationale. Non aux diktats du super-État de l’Union européenne ! plus d’immigration ! plus d’Islam ! Nous ne pouvons pas faire confiance aux élites politiques de Bruxelles, elles veulent nous imposer leurs lois, elles veulent nous enlever notre identité et notre sécurité, elles veulent inonder nos nations de migrants de plus en plus nombreux et nous ne pouvons pas leur permettre de le faire. Nous devons limiter l’immigration, nous devons mettre fin à l’islamisation. Encore une fois : No Islam ! Nous devons élire de nouveaux dirigeants courageux, nous devons garantir l’avenir de notre nation et de nos enfants, pour la sécurité de nos filles. Nous sommes les patriotes de l’Europe et nous choisissons la liberté.
Marine Le Pen, Rassemblement National
Nous vivons un moment historique et vous pourrez dire à vos petits-enfants « J’y étais. » Le moment où, ensemble, nous donnerons à toute l’Europe le signal de la résistance, de l’espoir et de la reprise. Nous ne voulons plus de cette oligarchie sans cœur qui nous guide. Nous ne voulons plus de cette oligarchie sans repères, sans racines et sans âme, qui nous dirige avec une ambition : la soumission et la dilution de nos nations. Nous ne voulons plus de cette Union européenne qui souffle les vents néfastes d’une mondialisation incontrôlée. Une mondialisation sans règles qui ne produit que des esclaves à vendre aux chômeurs. Nous ne voulons pas de cette société de folie fiscale, de concurrence généralisée, de tous contre tous, de concurrence déloyale jusqu’à l’épuisement. Nous rejetons le libre-échange incontrôlé qui tue nos entreprises et nos producteurs et met en danger notre accueil avec des produits non réglementés, au seul profit des grandes banques et des multinationales. Disons donc non à cette immigration qui inonde nos pays et met en danger la sécurité de nos peuples, nos comptes publics et nos valeurs de civilisation. Nous voulons vivre dans nos pays comme nous le voulons, en France comme Français, en Italie comme Italiens et en Europe comme Européens.
C’est aujourd’hui l’acte fondateur d’une révolution pacifique et démocratique, qui voit dans tous nos pays le réveil des peuples. Nous devons maintenant répondre à la nomination que l’histoire a faite pour nous.
La nouvelle harmonie européenne que nous construisons repose sur la valeur de la liberté, la liberté de chaque peuple de décider par lui-même, la liberté de choisir la coopération et la liberté de définir toute protection. C’est la fille des paysans et des marins, des scientifiques, des philosophes, des explorateurs, des peintres, des écrivains, des musiciens, qui ont donné un visage à notre paysage, notre identité et notre âme. C’est la fille des soldats qui ont combattu pour la liberté, de ceux qui ont construit le Dôme et Notre Dame, Léonard et Jeanne d’Arc. Nous n’accepterons jamais que ce patrimoine matériel et immatériel nous soit enlevé. Cette histoire commune et fraternelle qui lie nos peuples, nous appelle à affronter ensemble l’avenir, dans la grande alliance européenne des Nations, et a pour but le bonheur, la sécurité et la prospérité économique de nos peuples. L’heure est venue. La première phrase de l’hymne national français dit ceci : « Allons enfants de la Patrie, le jour de gloire est arrivé », et nous vous prêtons cette phrase pour vous dire aujourd’hui : « Allons enfants des Patries, le jour de gloire est arrivé. »
Le Rassemblement National devrait reporter vingt deux députés. Marine Le Pen, la seule à avoir reçu une véritable ovation de la foule, commence avec une dure en règle contre l’oligarchie européenne, responsable selon elle d’une mondialisation, d’un libre-échange et d’une immigration incontrôlés. Son discours contient ses principaux concepts clefs, qui vont de la révolution pacifique et à la liberté de chaque peuple de décider par lui-même.
Son intervention se conclue de manière étonnante sur le partage d’une culture européenne unique, allant jusqu’à modifier les paroles de La Marseillaise pour l’adapter à la situation européenne. Un hymne national adapté à un contexte européen : qu’est-ce, sinon de l’européisme ?
Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien, leader de la Ligue du Nord
Il n’y a pas d’extrémistes, de racistes, de fascistes sur cette place. En Italie et en Europe, la différence est entre ceux qui regardent vers l’avenir et parlent de travail, et ceux qui parlent du passé parce qu’ils n’ont aucune idée de l’avenir. Nous laissons volontiers les peurs et les fantômes du passé aux autres. Ici, il n’y a pas d’extrême droite, il y a la politique du bon sens, les extrémistes sont ceux qui ont dirigé l’Europe pendant vingt ans au nom de la précarité et de la pauvreté.
La Ligue devrait envoyer vingt cinq députés. Sur fond de Nessun dorma de Giacomo Puccini, Matteo Salvini commence à parler. Le leader de la Ligue s’exprime dans un style pas du tout incendiaire – on dit que le texte prévu, beaucoup plus provocateur et plus dur, aurait été remplacé le matin même du meeting –, mais presque œcuménique. Il cherche à rassembler son électorat au nom de l’amour, dans le style de Berlusconi. En effet, Salvini ouvre son discours précisément sur le changement des éléments linguistiques, non plus et rien d’extrême droite, mais seulement le parti ou la Ligue du bon sens en Europe. Au contraire, il inverse le discours en accusant d’extrémisme les élites européennes qui ont gouverné il y a vingt ans et qui auraient trahi l’esprit original de l’Europe.
Voici l’Europe originelle, l’Europe dont il parlait, celui qui aurait aujourd’hui quatre-vingt-dix-neuf ans et qui est l’un des hommes les plus importants non seulement de l’histoire de l’Église, mais de l’histoire de l’humanité, je pense évidemment à saint Jean-Paul II, né le 18 mai, qui a parlé de la vocation européenne à la fraternité, à la solidarité des peuples qui la composent, depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, qui parle des peuples et des nations, de la différence dans leur unité… et non de la Turquie, car la Turquie ne sera jamais l’Europe !
Le deuxième point saillant commence par le rappel de Jean-Paul II, l’un des papes les plus populaires de l’histoire récente, jusqu’au rêve d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural – et donc aussi de la Russie européenne, véritable mantra de l’extrême droite européenne.
Se présenter comme un catholique fervent permet à Salvini d’équilibrer et de renverser son aura de fermeté qui frôle l’inhumanité face à la crise migratoire. Par ailleurs, Salvini a remplacé la petite ampoule contenant les eaux du dieu Po par le chapelet. Il continue d’emprunter la figure du leader qui est aussi ministre sacramentel – même si l’utilisation du chapelet a été très critiquée par une partie du monde catholique institutionnel. Le discours sur les véritables origines européennes, trahies par l’élite, permet à Salvini d’attaquer lourdement Macron, Soros, Juncker et Merkel et en même temps de dénoncer la finance non régulée, l’immigration non contrôlée et les multinationales.
C’est un moment historique extrêmement important et nous devons libérer le continent de l’occupation abusive organisée à Bruxelles ces dernières années.
Jean-Paul II lui-même a parlé de la vieille Europe, l’invitant à se retrouver et à redécouvrir ses origines et ses racines. Qui a trahi l’Europe, l’un des plus beaux rêves des pères fondateurs, l’Europe des peuples et des nations, dont De Gaulle, De Gasperi et Margaret Thatcher ont parlé ? Elle a été trahie par les élites et les puissances fortes qui occupaient cette Europe au nom de la finance, au nom des multinationales, de l’argent du dieu et de l’immigration hors de contrôle : la Merkel, le Macron, le Soros, le Juncker.
Il est étonnant de le voir se référer aux figures des pères fondateurs européens tels que De Gaulle, De Gasperi et Margaret Thatcher ( ?), et c’est là sa vraie différence avec l’extrême droite traditionnelle, qui rejette en bloc et indique précisément l’échec du projet de l’Union européenne à cause ces personnalités.
Nous voulons l’Europe dont a parlé le Pape Benoît XVI, une Europe née de la rencontre de civilisations différentes, et dont certaines personnes nient les origines judéo-chrétiennes. Ceux qui nient ses racines sont des traîtres et ne construisent pas d’avenir. Nous sommes fiers de l’être, sinon nous risquerions d’ouvrir les portes de cette Eurabie dont a parlé Oriana Fallaci, l’une des mères fondatrices de cette Europe qui renaît. Nous ne pouvons pas accepter les différences si nous oublions qui nous sommes. Et si nous voulons accueillir ceux qui viennent de loin, nous devons pouvoir le faire, c’est ce qu’enseigne le catéchisme de l’Église catholique, le cardinal Robert Sarah dit que nous devons tout faire pour que tous les hommes puissent rester dans le pays où ils sont nés.
Salvini continue d’attaquer, qualifiant de « traîtres » ceux qui ne reconnaissent pas les racines chrétiennes juives de l’Europe. Avec l’utilisation de ce mot fort, une logique de dialectique est substantiellement éteinte : il n’y a pas de dialogue possible avec les « traîtres. » On notera l’allusion à Oriana Fallaci essayiste et journaliste italienne, ancienne maquisarde dans la Résistance italienne et populiste ante litteram.
Comme le disait Alcide De Gasperi : un homme politique doit faire, il ne doit pas parler, cela s’applique aussi à sa sainteté le pape François, qui a dit aujourd’hui que nous devions réduire le nombre de morts en Méditerranée : la politique de ce gouvernement consiste précisément à éliminer le nombre de morts en Méditerranée, avec fierté et dans un esprit chrétien ! Les chiffres disent que la politique des portes ouvertes et des ports ouverts entre 2015 et 2018 a causé, selon les données de l’ONU, près de quinze mille morts et personnes disparues. Notre politique de rigueur et de solidarité à l’égard de ceux qui le méritent a permis de réduire le nombre de victimes au fond de la Méditerranée de 15 000 morts à moins de 1 000. Nous sauvons des vies. Disons-le avec fierté demain en allant à la messe. La seule façon de sauver ces femmes et ces enfants est de lutter contre les passeurs et les trafiquants et d’aider l’Afrique à se développer sur son continent. Nous ne voulons pas d’esclaves, de déportations massives, de ghettos, d’exploitation.
A travers les chiffres, il revendique la diminution des départs et donc aussi de la mortalité en Méditerranée. Au contraire, Salvini termine par une bataille séculaire de la droite italienne (les premières lois sur la question de la citoyenneté remontent à 1911). Il propose de faciliter le retour des descendants italiens expatriés durant ces 150 ans, à son avis culturellement beaucoup plus assimilables que les musulmans. Cette véritable obsession des élites italiennes à partir de la fin du XIXe siècle (dictée par des raisons de remords, l’Italie n’ayant pas pu assurer une richesse suffisante pour éviter les vagues d’émigration à l’étranger) a fait que l’Italie a encore aujourd’hui une loi très stricte concernant de nouveaux citoyens, mais au contraire c’est le pays le plus permissif en matière de citoyenneté ius sanguinis.
Un État ne peut pas voir ses règles dictées par les complices des trafiquants d’êtres humains, payés par les Soros de service. Si nous rouvrons les ports, comme ils le veulent au Parlement et, je l’espère, pas au gouvernement, des milliers de personnes mourront à nouveau. Si, le 26 mai, vous nous aidez, en tant que premier parti italien à devenir le premier parti européen, nous ferons passer la protection des frontières du niveau national au niveau européen. Et si l’immigration peut être facilitée, elle sera facilitée, je pense davantage à l’immigration en provenance des pays islamiques qu’à l’immigration en provenance de pays culturellement plus proches de nous, et je pense aux descendants des millions d’Italiens qui ont émigré dans le reste du monde et qui sont invités à retourner dans leurs villes et pays. C’est sur cette immigration que nous pouvons être prêts à travailler, car d’autres qui aujourd’hui prétendent être pacifiques et dialoguer n’attendent que le moment d’être majoritaires et pour imposer leur loi, qui n’est pas compatible avec nos libertés, car une religion qui dit qu’une femme vaut moins qu’un homme ne sera jamais la religion de mon foyer ! L’Europe des nations et l’Europe de la démocratie, où le Parlement européen, qui est le seul organe élu librement, doit retrouver sa position centrale. Assez de décisions prises dans un bureau secret à Bruxelles ou à Luxembourg. Le 26 mai, allons chercher l’Europe, changeons cette Europe !