Kampala. L’Ouganda a connu une forte augmentation du budget de la défense en 2019/20201. Yoweri Museveni a donc tenu l’une de ses promesses les plus importantes : l’augmentation substantielle des dépenses militaires. Le problème central, qui inquiète les acteurs régionaux et mondiaux, concerne l’allocation d’une partie de ces investissements. Lors d’une récente réunion au parlement, un important achat d’armement aurait été annoncé, sans entrer dans les détails de la nature et du fournisseur2. Bien que conforme aux plans du président, ce plan d’investissement est unique en Afrique subsaharienne, où les dépenses militaires ont considérablement diminué ces dernières années3.

Selon les rumeurs, le plan d’achat serait couvert par une somme d’environ 1 900 milliards de shillings ougandais, auxquels il faudrait ajouter 225 milliards d’autres investissements déjà prévus. Personne n’a encore révélé la nature de l’achat, ni le scénario opérationnel mais, en 2012 puis en 2014, Kampala a déjà réalisé d’importantes transactions avec certaines sociétés russes4. Cela n’est pas surprenant compte tenu de la centralité de Moscou en tant que fournisseur d’armes sur le continent africain. Le chiffre le plus important concerne l’augmentation substantielle des investissements dans la défense de Museveni, qui s’est fixé pour objectif de doubler le budget, même au risque de réduire les dépenses dans d’autres secteurs. Certains journalistes et experts ont souligné une augmentation régulière des dépenses militaires au cours de la période 2014-2018, suivie d’une croissance plus nette pour l’exercice 2019-2020 (passant de 2 200 milliards à 2 600 milliards de shillings). Dans le même temps, il y a eu une forte diminution pour l’éducation (de 2,7 milliards à 2,6 milliards de shillings) et pour la santé (de 2,3 milliards à 2,2 milliards de shillings)5. Ce pouvoir écrasant du budget de la défense peut s’expliquer par une tentative de consolidation de la figure de Museveni dans la perspective des élections de 2021, mais également comme un instrument de pression contre le Rwanda.

L’augmentation des dépenses militaires en Ouganda est un cas isolé dans le contexte africain. Selon l’analyse du think tank suédois SIPRI, en effet, les dépenses militaires des pays du continent ont diminué pour la quatrième année consécutive. En 2018, la diminution était de 8,4 %. Cette baisse (qui s’accompagne de celle des importations d’armes) est naturelle, après le pic des investissements en 20146.

Un autre facteur est le processus de transparence promu au niveau international. L’ONU a créé le registre des dépenses militaires en 1993 en tant qu’outil de comparaison visant à une allocation des ressources moins consacrées au matériel d’armement offensif, appelant à des investissements plus diversifiés. La transparence est également inhérente à la procédure d’analyse et de mise à disposition des informations au niveau national. En Afrique, on distingue au moins trois catégories : les pays dont les relations ne sont pas spécifiques aux affaires militaires (Éthiopie), les pays dont les relations ne sont pas rendues publiques (Ouganda) et les pays qui communiquent toutes les données à cet égard (Sierra Leone, Afrique du Sud)7. Ces difficultés, également présentes dans de nombreux pays européens (comme l’Italie), sont dues à la nature des investissements et aux contraintes juridiques peu respectées, notamment en ce qui concerne les politiques multilatérales. Kampala, dont les analyses sont gérées par le ministère des Finances et la commission parlementaire du budget, révélerait toutefois des limites délibérées en termes de transparence, notamment en ce qui concerne les acteurs régionaux.

Perspectives :

  • Outre l’aggravation des tensions avec Kigali et le retrait du contingent ougandais de la Somalie, un scénario opérationnel central pour Kampala pourrait consister à sécuriser la frontière nord avec le Soudan du Sud, compte tenu de son importance stratégique en termes de sécurité. À cela s’ajoute la campagne centrale mais stérile contre les ADF, une milice opérant en République démocratique du Congo.
  • Si les rumeurs étaient confirmées, la pénétration commerciale de la Russie deviendrait une réalité très importante pour les équilibres stratégiques en Afrique centrale et dans les Grands Lacs. En effet, le ministre aux Affaires étrangères Lavrov a maintes fois invité de nombreuses entreprises à investir massivement dans cette partie de l’Afrique.
Sources
  1. MATSIKO Haggai, Museveni doubles military spending, The Independent Uganda, 1St avril 2019.
  2. OKELLO Dickens H., Exclusive : UPDF to purchase classified asset worth Shs 1.9 Trillion, Chimpreport, 26th avril 2019.
  3. World military expenditure grows to $1.8 trillion in 2018, SIPRI, 29Th avril 2019.
  4. OKELLO Dickens H., Exclusive : UPDF to purchase classified asset worth Shs 1.9 Trillion, Chimpreport, 26th avril 2019.
  5. MATSIKO Haggai, Museveni doubles military spending, The Independent Uganda, 1St avril 2019.
  6. World military expenditure grows to $1.8 trillion in 2018, SIPRI, 29Th avril 2019.
  7. TIAN Nan, Military Expenditure transparency in Sub-Saharan Africa, SIPRI Policy Papers, novembre 2018