Suzano. Le 13 mars 2019, une attaque contre une école publique de l’État de São Paulo, dans la ville de Suzano, a fait sept morts et onze blessés, laissant la population brésilienne sous le choc. Le crime a été perpétré par un adolescent de 17 ans et un ancien élève de l’école, âgé de 25 ans. Tous les deux ont utilisé le deepweb pour entrer en contact avec des extrémistes de droite avant l’attaque. Les enquêtes sur les mentors intellectuels du massacre se poursuivent. Le 20 mars, deux grandes universités publiques brésiliennes ont été alertées. L’Université Fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS) et l’Université Fédérale du Minas Gerais (UFMG) ont été menacées d’attaques similaires, selon des enquêtes de la police fédérale.

Dans l’une des communications identifiées par la Police fédérale au sein d’un forum anonyme observé sur Internet, un jeune homme, qui s’identifiait comme un véritable “mâle alpha”, promettait de tuer “femmes et Noirs” dans le département des sciences exactes de l’UFRGS, laissant les étudiants et enseignants en alerte 1 . Contrairement aux pays européens, comme la France, qui ont un protocole dans les universités sur la manière d’agir en cas d’attentats terroristes, ces événements sont rares au Brésil et, par conséquent, il n’y a pas de protocole clair et établi à suivre dans ces situations.

Le massacre de Suzano et les menaces qui pèsent sur les universités publiques se déroulent dans un contexte où l’apologie de la violence prennent de nouvelles proportions et menacent les libertés individuelles. Certaines lectures critiquent l’apologie de la violence en tant que forme d’autodéfense individuelle, idée revendiquée par le président Jair Bolsonaro dans le cadre de la campagne présidentielle : il s’agirait d’un comportement qui aurait renforcé les actions des groupes d’extrême droite sur le territoire national. À plusieurs reprises, Bolsonaro a fait des gestes imitant une arme, y compris aux côtés d’enfants. Toujours en tant que député fédéral, Bolsonaro a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il avait appris à tous ses enfants à utiliser une arme à feu dès l’âge de cinq ans (1). Même si le président, une fois élu, a adouci ce discours, la réception de ce message par les partisans reste peu claire.

Le fait que plusieurs personnalités publiques aient quitté le pays ces derniers mois, après avoir reçu une série de menaces de mort, contribue au climat d’appréhension concernant les actions des groupes d’extrême droite. Parmi elles, se trouvent Jean Wyllys, membre du Congrès fédéral du PSOL (Parti socialiste et de la liberté), défenseur de la cause des LGBT ; l’anthropologue Débora Diniz, militante pour la légalisation de l’avortement ; la philosophe Marcia Tiburi, membre du PT (Parti des travailleurs) et très active dans le mouvement féministe. Ces trois personnalités se sont prononcées, à des moments différents, affirmant qu’elles ne se sentaient plus en sécurité au Brésil. Par ailleurs, le décret présidentiel assouplissant la détention d’armes, signé par le président le 15 janvier 2019, agit comme un facilitateur pour les personnes ayant des intentions variées d’avoir accès aux armes. En vertu des nouvelles règles, en plus de ceux qui vivent dans les zones rurales, les résidents des zones urbaines dont le taux d’homicides est supérieur à 10 pour 100 000 habitants peuvent acquérir des armes (2). Tous les États de la fédération ont des taux plus élevés.

D’autre part, il est important de noter que le massacre de Suzano a lieu dans un contexte où la popularité du président est en déclin depuis janvier. Selon les données d’IBOPE, la popularité de Bolsonaro a chuté de 15 points depuis janvier et se situe maintenant à 34 %. Au début du mois, les manifestations lors du carnaval contre le président ont pris de l’importance, ce qui a amené Bolsonaro à prendre la parole sur Twitter pour critiquer la traditionnelle célébration brésilienne.

Toutefois, les désaccords au début du mandat présidentiel peuvent être atténués par le succès relatif de la délégation brésilienne qui a rendu visite au président américain Donald Trump, que Bolsonaro admire. La proximité idéologique entre les deux nationalistes semble avoir contribué à l’amélioration des relations bilatérales entre le Brésil et les États-Unis. Donald Trump a plaidé en faveur de l’adhésion du Brésil à l’OCDE et a déclaré qu’il demanderait au Brésil de devenir un membre extra-continental de l’OTAN.

Perspectives :

  • La combinaison de deux facteurs, à savoir la souplesse dans le port d’armes et l’absence d’une position plus ferme du gouvernement condamnant la violence, pourrait inciter à de nouveaux actes de violence contre des groupes minoritaires dans l’avenir. En ce sens, il est nécessaire d’être attentif aux attaques similaires à celles de Suzano ou aux menaces qui pèsent sur les personnalités publiques, dans le but de restreindre les libertés individuelles.
  • Le président Bolsonaro devrait continuer avec deux programmes principaux pour assurer la survie du gouvernement dans un contexte de baisse de popularité : au niveau national, l’approbation de la réforme de la sécurité sociale, déjà en discussion au Congrès national et la réduction des dépenses publiques ; au niveau international, le rapprochement avec les États-Unis est prometteur, même si les objectifs commerciaux et politiques brésiliens liés à cette alliance ne sont pas clairs.

Anaís Medeiros Passos