Washington. La Defense Intelligence Agency (DIA), l’Agence du renseignement de la défense américaine, a publié, le 15 janvier, l’édition 2019 de son rapport intitulé « China Military Power », qui donne un aperçu détaillé du développement militaire de la Chine.
Le document confirme que depuis quelques années la Chine s’est engagée dans un vaste plan de renforcement de ses forces armées. Ce volume présente les réformes entreprises par Pékin pour convertir son Armée populaire de libération (APL) en une force de frappe flexible et expéditionnaire capable de soutenir ses ambitions politico-diplomatique sur la scène internationale (1).
Entre 2000 et 2016, Pékin a augmenté le budget de l’APL de 10 % par an en moyenne, profitant d’une période considérée comme stratégique : la Chine estime qu’elle ne participera pas à un conflit militaire majeur avant 2020 (1). La Chine a bénéficié de l’avantage du retardataire car elle n’a que très peu investi dans la recherche et le développement des nouvelles technologies. Elle a plutôt choisi d’absorber les meilleures technologies occidentales à travers des achats directs, des rénovations et parfois même, du vol de propriété intellectuelle (1). Cela a permis la modernisation rapide et à moindre coût de l’APL.
D’autre part, l’APL a professionnalisé sa formation et ses troupes. L’APL s’entraîne sur des exercices de mise en situation plus réalistes, elle a cessé la plupart de ses activités non-militaires et, enfin, elle recrute de plus en plus d’officiers compétents et des diplômés universitaires afin d’exploiter correctement les armes modernes.
Des réformes structurelles de grandes ampleur ont également débuté en janvier 2016. L’armée de terre, historiquement prééminente, voit ses effectifs drastiquement réduits. Toutefois, elle continue de jouer un rôle essentiel puisque trois des cinq nouveaux théâtres de commandement de l’APL sont dirigés par des officiers terriens.
Mais c’est bien la marine qui est le bénéficiaire majeur de ces réformes. La Chine, qui accuse un retard technologique significatif vis à vis des États-Unis, considère désormais le domaine maritime comme l’arme principale de sa projection de force (2). La construction navale a donc été largement financée par le gouvernement, en témoigne la production d’un second porte-avions, le T-001A, intégralement construit en Chine ou encore l’établissement d’une première base militaire à l’étranger, dans la ville portuaire de Djibouti.
L’armée de l’air a quant à elle gagné en agilité et s’est rapidement modernisée, mais la formation de ses officiers reste insuffisante par rapport à l’armée américaine. Enfin, Pékin a annoncé la création en 2015 d’une force de soutien stratégique qui centralise toutes les missions ayant trait aux domaines stratégiques de l’électronique, du numérique, du cyber et de l’aérospatiale (2).
Cette réorganisation de l’APL découle d’une nouvelle approche à l’égard de la sécurité nationale. Plusieurs documents attestent des menaces concrètes perçues par Pékin parmi lesquelles le séparatisme Tibétain et Ouïgour, la volonté d’indépendance de Taiwan, les territoires disputés en Mer de Chine orientale, l’instabilité de la péninsule Coréenne, le contentieux territorial avec l’Inde et le Bhoutan pour la région du Doklam et enfin, l’omniprésence américaine dans la région qui cherche à freiner l’essor Chinois (1). Dans ce contexte, le rôle de l’APL est aussi bien d’assurer la stabilité intérieure afin de maintenir le régime communiste, que de garantir la protection des intérêts chinois à l’étranger. Par ailleurs, l’APL n’hésite pas à prendre part à des missions non-militaires (lutte contre la piraterie et le terrorisme, assistance humanitaire), dans le but notable d’engranger de l’expérience sur le terrain.
Ce rapport annuel, originellement destiné à présenter la puissance militaire soviétique, démontre l’inquiétude croissante de Washington vis-à-vis d’une Chine qui monte en puissance militairement. Plus précisément, le renseignement américain a insisté sur l’expertise de la Chine en matière de cyber – elle est même devenue leader du développement de technologies de piratage. Ainsi, alors qu’une part non-négligeable des équipements digitaux sont fabriquée en Chine, la vulnérabilité de l’économie américaine, et plus largement occidental, aux hackers chinois est élevée (3).
Perspectives :
- Vulnérabilité des États-Unis et de l’Europe face à l’expertise chinoise en matière de cyber.
- Le développement militaire chinois a t-il provoqué un choc psychologique aux États-Unis, devenus peut-être moins sereins sur leur avance technologique ? De la même manière, cela peut-il engendrer des progrès en matière de défense européenne ?
Sources :
- Defense Intelligence Agency (China Military Power), China Military Power, 2019.
- GENEVAZ Juliette, Le nouvel équilibre des forces armées chinoises, RDN n°812, Eté 2018.
- LYNCH Justin, Intelligence Chiefs Single out China in Threat Hearing, Fifth Domain, 30 Jan. 2019.
Hugo Alias