Berlin. La place qu’occupe l’automobile en Allemagne est l’objet d’une intense mise en scène publicitaire. Les images de marque véhiculées par BMW, Daimler-Benz, Volkswagen ou Opel façonnent largement l’imaginaire étranger sur l’Allemagne. Mais les controverses actuelles sur les trucages des tests de pollution et les pratiques illégales des constructeurs ébranlent l’autorité et le prestige de cette industrie qui en est venue à représenter l’Allemagne toute entière.
Le portefeuille ministériel des transports est généralement dévolu à la CSU bavaroise par la CDU. Le titulaire précédent, Alexander Dobrindt, avait été mis en cause personnellement, pour avoir laissé se développer le scandale Volkswagen par sa négligence. En 2017, Dobrindt s’est retiré de la scène nationale pour devenir chef du groupe CSU au parlement régional de Munich. Son successeur, Andreas Scheuer, lui aussi bavarois, partage la conception du transport comme un domaine quasiment régalien de la politique nationale.
Après la publication du rapport d’une Commission gouvernementale, qui comporte tous les acteurs des transports dans le pays (syndicats des constructeurs, associations environnementales, Deutsche Bahn, etc.), Scheuer a déclaré que l’idée d’un limitation de vitesse à 130 km/h sur les autoroutes allemandes « allait à l’encontre de tout bon sens ». En outre il a refusé avec véhémence toute taxation supplémentaire du diesel. Le ministre a reçu un soutien marqué du Bild, qui a dénoncé les « propositions dingues » de la commission (1).
La force de la réponse du ministre a choqué en Allemagne, la comparaison étant alors inévitable avec tous les pays européens qui ont instauré une limitation obligatoire. Dans les faits, la vitesse maximale recommandée de 130 km/h est généralement celle choisie par les automobilistes. Sur l’échiquier politique, les Verts soutiennent évidemment les conclusions de la Commission, tandis que le SPD s’est montré plus prudent, annonçant vouloir mettre à l’épreuve les effets sur l’environnement de la limitation avant son entrée en pratique. Le syndicat de la police s’est également déclaré en faveur d’une limitation officielle.
Dans ce contexte polémique, la contestation par des membres de l’Association de pneumologie et de médecine respiratoire des seuils limites d’émissions de particules et de leur nocivité pour la santé est venue soutenir la croisade du ministre des transports contre les ennemis supposés de l’industrie automobile en l’agrémentant d’un argument scientifique (4). Scheuer, comme Dobrindt avant lui, se considère comme le dernier défenseur du secteur automobile allemand, menacé selon lui par les exigences toujours plus grandes des écologistes. Dans ce combat sans merci contre les progrès de la régulation, il est soutenu par l’AfD, mais aussi par le FDP, qui assume une ligne anti-écologiste très marquée (3). Libéraux, populistes et chrétiens-sociaux semblent tous trois à la recherche d’une réponse face à la croissance rapide du poids des Verts dans le débat national.
Perspectives :
- La position des Allemands évolue en faveur de la limitation de la vitesse : selon un sondage de la télévision publique ZDF, la moitié des interrogés soutiennent l’entrée en vigueur des 130 km/h sur les autoroutes (5).
- L’industrie automobile allemande pourrait entrer en crise, après des années de croissance ininterrompue, portée par la demande extérieure. En 2017, 820 000 personnes étaient employées par les constructeurs et leurs sous-traitants, qui contribuaient à 13 % du PIB national. Les chiffres de l’année 2018 pourraient encore battre des records. Mais la conjoncture fébrile sur les marchés chinois et nord-américain, tout comme le scandale des émissions, pourraient sonner le début des années de vaches maigres (2).
Sources :
- „Gegen Jeden Menschenverstand“ Scheuer lehnt Tempolimit und höhere Dieselsteuer strikt ab, Die Welt, 21 janvier 2019.
- DORNFELDER Andreas, Warum jetzt alle von der Krise der Autoindustrie reden, Handelsblatt, 14 janvier 2019.
- PEETZ Katharina, Verkehr und Umwelt : Debatte um Tempolimit für den Klimaschutz, Deutschlandfunk, 21 janvier 2019.
- STUMPFE Miriam, « Stickoxide und Feinstaub : Ärzte-Debatte um Grenzwerte », BR 24, 24 janvier 2019.
- ZDF-Politbarometer – Jeder Zweite für Tempolimit 130, ZDF, 25 janvier 2019.
Pierre Mennerat