Erevan. Cette année, les Arméniens ont reçu leurs cadeaux de Noël en avance : le 9 décembre, le Premier ministre Nikol Pachinian, porté au pouvoir par la révolution de velours (avril-mai 2018), a obtenu une victoire écrasante aux élections législatives avec plus de 70 % des voix. Les anciens partis, tant décriés durant les manifestations de ce printemps, n’ont pas trouvé leur compte sous le sapin : encore aux rênes du pays il y a six mois, le Parti républicain se retrouve sans un seul siège au parlement. L’enthousiasme d’une grande partie des Arméniens, et en particulier de la jeunesse, pour le nouveau Premier ministre, est indéniable.
La lutte contre la corruption et le respect de la démocratie semblent aussi en bonne voie. Selon les observateurs de l’OSCE-ODIHR, ces élections législatives se sont déroulées dans des conditions régulières, sans pressions sur les électeurs ni achats de votes, une première depuis le début des années 2000. La corruption, Pachinian entend aussi l’évincer de l’économie : selon le Premier ministre, les avatars du soviétisme (bureaucratisation, monopoles, violence politique) doivent rejoindre les oubliettes de l’histoire. Voilà qui fera peut-être revenir l’entreprise Orange, qui avait quitté le pays en 2015 après six ans de présence sur place en arguant d’un « mauvais climat des affaires ». Les entreprises étrangères, en effet, ne sont pas légion à Erevan, ce qui prive le pays de nombreux emplois, précieux pour une société où le taux de pauvreté avoisine les 28 % selon la Banque mondiale. Mais Pachinian entend y remédier : smartphone en main, toujours prêt pour un selfie, il veut faire de son pays un havre de hautes technologies. Le modèle est l’école numérique TUMO, créée il y a quelques années à Erevan, dont la réussite a poussé la mairie de Paris à l’importer dans la capitale française l’année passée.
Autre cadeau promis, un pays en paix. En septembre, le Premier ministre a déjà fait avancer les relations arméno-azéries en établissant un téléphone rouge entre Erevan et Bakou, censé favoriser les processus de désescalade au Haut-Karabagh. Le président azéri Aliyev a même déclaré que l’année 2019 donnerait un nouvel élan au règlement du conflit, qui a fait plus d’une centaine de morts lors de la « guerre des quatre jours » en avril 2016. Cet enjeu, crucial pour un pays qui voit l’essentiel de ses ressources partir vers le budget de la défense, s’impose comme un véritable défi dont la résolution s’annonce toutefois difficile. Tout en étant extrêmement avides d’un changement radical pour leur pays, les Arméniens sont très attachés au Haut-Karabagh et ne semblent pas prêt à faire une quelconque concession sur le sujet. Aliyev, de son côté, ne l’abandonnera sans doute pas facilement, qui plus est face à une société azérie dont il a pris soin d’exciter régulièrement les sentiments anti-arméniens depuis des années.
Que nous réservera donc l’année 2019 sur ce point ? L’élection de Pachinian, qui n’est pas originaire du Karabagh comme les deux présidents précédents, pourrait tout de même faire bouger, si ce n’est vaciller, les lignes géopolitiques du Sud-Caucase. Dans tous les cas, Pachinian a communiqué au peuple arménien ses bonnes résolutions. Parviendra-t-il à les tenir ?
Benjamin Mai