Kinshasa. Le 10 décembre, s’est tenue à Oslo la cérémonie de remise du prix Nobel de la Paix au médecin congolais Denis Mukwege qui, durant son discours, a dénoncé le caractère arriéré des processus de protection des civils et des droits de l’homme en contexte de guerre. La cérémonie a lieu à la veille d’un événement important pour l’Histoire de la République démocratique du Congo (RDC) : l’élection présidentielle. De nombreux intellectuels et chefs de l’opposition ont avancé l’idée d’opter pour le chirurgien en tant que candidat à la présidence, afin de mener à une transition solide. L’idée, rejetée par l’intéressé lui-même, a donné naissance à une longue médiation, qui a culminé il y a deux semaines à Genève, lorsque les oppositions ont choisi le nom de Martin Fayulu comme candidat unique à la présidence1 .

Fayulu est un homme d’affaires et politique congolais, qui a axé sa campagne électorale, rendue difficile par de continuelles échauffourées, sur l’unité des oppositions et de tous les mouvements politiques présents dans le pays2 . Cependant, immédiatement après sa nomination, des défections se sont produites chez de nombreux leaders et partis. Fayulu peut être considéré comme le favori en vue d’une victoire à l’élection du 23 décembre, mais les dynamiques avec lesquelles il a été choisi n’en font pas un homme d’État assez fort pour pouvoir apporter stabilité et souveraineté sur l’ensemble du territoire de l’État. Les deux affaires les plus importantes sont l’unité des forces armées (au moyen de l’énième mécanisme de cooptation des groupes armés) et la gestion des crises humanitaires qui traversent le pays3 . Les incertitudes portent sur la position des milices présentes à l’égard de l’élection, surtout dans les zones rurales et dans les petits villages de l’est, et le soutien de la part de quelques figures de proue auxquelles l’accès à la candidature a été refusé (en premier lieu Jean-Pierre Bemba).

La campagne électorale est marquée par un point qui met d’accord tous les cercles politico-culturels du pays : la critique adressée au vote électronique4 . Le système est très fréquent en Afrique, beaucoup moins en Europe, et est le résultat de l’activisme des États-Unis, qui ont poussé à l’usage d’un tel dispositif passant surtout par des acteurs privés. Les critiques ont révélé des inquiétudes portant aussi bien sur d’éventuelles manipulations que sur la faible capacité des administrateurs locaux à utiliser les structures offertes. Inquiétudes aggravées par le caractère central des élections : Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, qui ont tous deux renoncé à se présenter, ont suggéré d’utiliser le vote électronique seulement pour les élections locales et administratives, prévues pour 20195 . Les organisations internationales sont dans l’attente de l’issue et des modalités de la présidentielle : l’UE a récemment renouvelé le paquet de sanctions contre Kinshasa jusqu’à décembre 2019, ajoutant 19 personnes à la liste noire. L’embargo sur les armes, certainement le point central de l’affaire, n’a globalement pas été amendé, dans l’attente de connaître quels aspects prendra l’opération de maintien de la paix de l’ONU6 .

Perspectives :

  1. 23 décembre 2018 : élection présidentielle en RDC.
  2. Mai 2019 : retrait des troupes onusiennes de la MONUSCO.
  3. Décembre 2019 : fin du régime de sanction de l’UE contre Kinshasa.

Sources :

  1. Restrictive measures against the Democratic Republic of the Congo, EU sanctions Map, 10 décembre 2018.
  2. RDC : Bemba et Katumbi appellent à voter Fayulu, mais sans la machine à voter, JeuneAfrique, 29 novembre 2018.
  3. In Congo 13 milioni di persone allo stremo, Oxfam Italia, 10 décembre 2018.
  4. Elections en RDC : échauffourées lors de l’arrivée de Martin Fayulu à Lubumbashi, RFI, 11 décembre 2018.
  5. ROSA Alessandro, Une semaine cruciale pour la République Démocratique du Congo, La Lettre du Lundi, 14 octobre 2018.

Alessandro Rosa

Trad. Olivier Lenoir