En bref – L’OMC a célébré le 40e anniversaire de la Conférence International sur la Santé Élémentaire d’Alma-Ata en réaffirmant l’engagement pris alors de rendre les soins de santé primaires universellement accessibles. Mais le rassemblement à Astana avait un air de déjà-vu. Malgré les avancées en termes de soins et les améliorations de la coopération internationale ces 40 dernières années, les critiques soulevées par la Déclaration d’Alma-Ata envers l’injustice des inégalités de santé demeurent actuelles.
Astana. La communauté mondiale de la santé fait preuve d’optimisme : le nouvel engagement en faveur de la réalisation des soins de santé primaires universels, la Déclaration d’Astana, sera, pense-t-on, une étape historiquement marquante. Symboliquement, la Conférence Globale de la Santé Publique s’est de nouveau déroulée au Kazakhstan 40 ans après la signature de la célèbre Déclaration d’Alma-Ata afin de réaffirmer ses engagements en faveur du renforcement des soins de santé primaires et du principe d’universelle accessibilité des soins qui doit devenir le centre de tous les systèmes de santé. La Déclaration d’Alma-Ata a fait grand bruit en son temps. Dans les années qui suivirent, l’objectif en termes de soins de santé primaires a imprimé sa marque sur les politiques de santé publique. Mais l’absence d’accord sur les approches, de jalon marquant, de financement ou d’objectif daté à la conférence de cette année suggère que la Déclaration d’Astana ne jouira pas du même prestige (3). En 1978, lors de la conférence d’Alma-Ata, la face du monde était bien différente. Qu’une assemblée de 3 000 représentants des questions de santé internationales se réunisse sur le territoire soviétique avant la chute du Mur de Berlin et aboutisse à une Déclaration aussi ambitieuse était une chose remarquable. Cette Déclaration défendait une vision des soins de santé primaires exécutés dans des cliniques locales ou des hôpitaux de troisième ordre plutôt que dans de grands hôpitaux très chers, et à un prix que les communautés et les pays étaient en mesure de supporter par eux-mêmes. Les gouvernements intégreraient dans les soins de santé primaires des soins à finalité préventive (comme la vaccination ou le planning familial) mais également le traitement des maladies chroniques et les soins palliatifs qui devaient tous être inclus dans les offres de soins de santé universels. Cette Déclaration fut le premier texte international à mettre au premier plan la santé publique, qualifiée de « but social important » et de « droit humain fondamental ». Elle a également pointé du doigt l’« inégalité criante » en terme d’accès aux soins entre les nations à l’intérieur d’elles-mêmes, qualifiée de « politiquement, socialement et économiquement inacceptable. » La conférence d’Alma-Ata a eu pour conséquence principale de rediriger l’agenda de l’OMS vers la « santé pour tous » et vers les soins de santé primaires vus comme le meilleur moyen d’atteindre cet objectif. Deux ans plus tard, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté une résolution spéciale appelant les États membres à mettre en place une Stratégie Globale de Santé pour Tous avant l’an 2000 sous l’égide de l’OMS (1). Aujourd’hui, 40 ans plus tard, les progrès vers des soins de santés primaires accessibles à travers le monde demeurent inégaux malgré le constat indéniable que la redirection des politiques de santé publique vers les soins de santé primaires remplaçant des politiques résolument tournées vers l’hôpital ou simplement en sous-investissement a eu le plus fort impact sur les inégalités de santé (2). Mais les ressources allouées à la santé publique – et cela est en partie dû à la mauvaise influence de l’aide officielle au développement – se sont bien trop concentrées sur l’intervention contre des maladies précises au lieu de développer des systèmes de santé efficaces et à compréhension globale : cette faiblesse a été soulignée par plusieurs cas d’urgence sanitaire ces dernières années. Mais c’est l’étendue des inégalités de santé qui décourage le plus la communauté de la santé (2). Au moins la moitié de la population mondiale n’a pas accès aux services de santé essentiels : le soin des maladies, contagieuses ou non, les soins nécessaires aux nourrissons et aux femmes enceintes, les soins psychiatriques et les fondamentaux de la santé reproductive et sexuelle. Les progrès concernant les maladies non contagieuses, dont les chiffres ont été annoncés à la réunion de haut niveau de l’ONU en 2011, ont été plus lents qu’escomptés. Certain des obstacles sont posés par le marché ; c’est notamment le cas de la dégradation des régimes alimentaires et des modes de vie, aggravés par la détermination de certaines multinationales de l’alimentation à pénétrer les marchés à bas et à moyens revenus. En 2018, encore 70 pour cent des populations pauvres n’ont pas accès aux soins de santé primaires mais vivent dans des pays à revenu moyen. Ces faits inacceptables – combinés aux prévisions démographiques – laissent à penser que nulle part dans le monde rendre les soins de santé primaires universellement accessibles et réduire les inégalités de santé ne sera facile. Ces inégalités de santé laissent une désagréable impression de déjà vu. |
Perspectives :
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Sources :
(1) BIRN Anne-Emmanuelle, KREMENTSOV Nikolaj, « Socialising » primary care ? The Soviet Union, WHO and the 1978 Alma-Ata Conference, British Medical Journal, 24 octobre 2018. (2) HONE Thomas, MACINKO James, MILLETT Christopher, Revisiting Alma-Ata : what is the role of primary health care in achieving the Sustainable Development Goals ?, The Lancet, 20 octobre 2018. (3) JACK Andrew, DODD Darren, Health for All or Health for Some, Financial Times, 6 octobre 2018. (4) WATKINS David et al., Alma-Ata at 40 years : reflections from the Lancet Commission on Investing in Health, The Lancet, 20 octobre 2018. |
Gràinne Dirwan |
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que de se focaliser sur l’affaiblissement des États-nations. Il faut parler du