Paris. Si la France possède le deuxième espace maritime mondial derrière les États-Unis, et que le quatrième transporteur mondial est un représentant hexagonal (CMA CGM), le pays n’en reste pas moins un nain du commerce maritime mondial. Cette contradiction est particulièrement visible à l’observation du port du Havre. Premier port français pour le trafic de porte-conteneurs, avec 2,8 millions de conteneurs en 2017 (en hausse de +15 pour cent), Le Havre ne figure qu’à la 56e place mondiale (3). Devant, les ports de la mer du Nord comme Rotterdam, Anvers et Hambourg figurent dans le top 20 ; Rotterdam gérant presque cinq fois plus de conteneurs que le port normand (13 millions par an). Marseille, premier port français en termes de marchandises, a vu passer en 2016, 5,7 fois moins de marchandises que le port de Rotterdam, mais aussi 22 pour cent de moins que dix ans auparavant, en 2006 (2).

Avec la perspective du Brexit, l’avenir n’en est pas moins sombre. Dans la perspective d’un “Brexit dur”, sans accord, les contrôles douaniers ralentiraient très fortement la durée des échanges entre le Royaume-Uni et la France. Ainsi, la commissaire européenne aux Transports, Violeta Bulc, a proposé de nouveaux itinéraires pour le corridor maritime qui relie l’Irlande au continent, faisant l’impasse sur les ports français (5). Or, la France est la destination de près de 40 pour cent des échanges avec l’Irlande, et cette possibilité serait une très mauvaise nouvelle pour les ports tricolores.

Pour faire face à cette éventualité, de nombreux projets ont été mis en place : automatisation de la logistique, agrandissements des surfaces d’accueil, renforcement de la connexion avec l’Hinterland. Car les zones portuaires sont confrontées aux mêmes enjeux que les hubs aériens pour la capacité d’accueil, la modernisation de leurs équipements et la connexion avec les infrastructures du pays, voire du continent, auquel elles servent de porte d’entrée. Ainsi, l’axe Le Havre – Paris représente 50 pour cent du trafic fluvial français (4). Et dans ce domaine, que ce soit pour les ports de l’ouest ou du sud de la France, du retard a été pris. Paradoxalement, c’est la région Grand Est qui a la plus forte disponibilité globale portuaire, car très bien reliée aux ports d’Anvers ou Hambourg par le Rhin et les autoroutes (3).

Ainsi, les ports de Marseille-Fos, Le Havre et Naviland Cargo, filiale de transport combiné de la SNCF, vont remettre en service une navette ferroviaire de conteneurs avec la Suisse qui effectue trois rotations par semaine. Au Havre, a été décidé la dépense de 150 millions d’euros pour l’augmentation des capacités d’accueil (1). Enfin, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé en octobre la nomination d’un coordinateur national, Vincent Pourquery de Boisserin, pour préparer au Brexit les ports de la Manche.

Perspectives :

  • En attente de la fin des négociations du Brexit, les ports français de Normandie et des Hauts-de-France se préparent à un “Brexit dur”. L’avenir leur dira si cette stratégie est la bonne.
  • À moyen terme, le développement économique de l’Afrique pourrait s’avérer bénéfique pour la France. Du fait de ses liens anciens avec ses pays, la France aurait une carte à jouer dans ce futur et cette carte devrait passer par ses ports.

Sources :

  1. CASTETZ Natalie, Le Havre : 2018, l’année des grandes décisions, L’antenne, 23 octobre 2018.
  2. DUVAL Guillaume, Le déclin des ports français, Alternatives économiques, 12 octobre 2018.
  3. MALIGORNE Clémentine, Avec leur port 2.0, le Havre et Marseille rêvent d’égaler les géants du nord, Le Figaro, 10 septembre 2018.
  4. PIALOT Dominique, Les paris gagnants des villes portuaires, La Tribune, 13 juin 2018.
  5. POMMIER Sébastien, Brexit, la grande inquiétude des ports français, L’Expansion¸16 octobre 2018.

Matthieu Caillaud