Paris. La sortie du livre Inch’Allah, l’islamisation à visage découvert a créé la polémique, replaçant une nouvelle fois le débat identitaire au coeur de la place publique. Dirigés par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux figures respectées de l’investigation, cinq étudiants en école de journalisme se sont immergés huit mois durant pour enquêter sur un sujet explosif (3).

Pour 1,6 millions d’âmes, le plus pauvre territoire de France métropolitaine compte la plus forte proportion d’immigrés. Certains officiels estiment que les fidèles musulmans représentent la moitié des habitants, soit la plus forte concentration nationale. Les émeutes de 2005, déclenchées à Clichy-Montfermeil, ont depuis longtemps accolé à ce territoire l’étiquette de laboratoire des passions françaises (4). Pourtant, l’exposé clair des motifs et enjeux peine à se faire entendre dans le débat public. Le principal mérite de l’enquête Inch’Allah est de présenter une somme de faits et témoignages afin de rendre compte d’une réalité. Force est toutefois de constater que l’enquête enterre les statistiques et l’analyse des choix de politiques publiques (1) au profit d’une accumulation de points de vue subjectifs, sans de réelle mise en perspective.

Chacun des 21 chapitres brosse le portrait d’un individu (sous-préfète, gynécologue, barman, policier retraité du renseignement territorial, directrice d’école, syndicaliste … )  et s’agence aux autres pour former le puzzle inquiétant de la progression du fait islamique. Le Président du Conseil départemental Stéphane Troussel a beau crier gare à la stigmatisation, rappelant la priorité des revendications sociales (5), l’image du territoire se trouve une nouvelle fois noircie. Le rapport d’information des députés Kokouendo et Cornut-Gentille dévoilé le 31 mai 2018 confirmait pour la première fois de manière chiffrée la carence de l’action de l’État en Seine-Saint-Denis (2). À titre symbolique, des élus de gauche ont récemment annoncé le dépôt d’une plainte devant le tribunal administratif en invoquant une rupture d’égalité devant le service public. Les auteurs de l’enquête ne manquent d’ailleurs pas de remarquer dans leur préface que “si la loi islamique gagne des parts de marché, c’est souvent pour combler un vide, pallier des carences inacceptables, remédier aux errements de la puissance publique, autant de maux dont souffre la population locale”.

Perspectives :

  • L’organisation des Jeux Olympiques de 2024, la répartition des richesses au sein de la Métropole du Grand Paris et la tension identitaire croissante irriguant l’ensemble de la société feront dans les années à venir du 9-3 le nom d’une bataille. Elle sera républicaine pour les uns, civilisationnelle pour les autres.

Sources :

  1. BAFOIL Pierre, Que penser d’ « Inch’Allah », le livre polémique sur l’islamisation de la Seine-Saint-Denis ? Les Inrocks, 25 octobre 2018.
  2. CORNUT-GENTILLE François et KOKOUENDO Rodrigue, Rapport d’information n°1014 sur l’évaluation de l’Etat dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine Saint Denis, Assemblée nationale, 31 mai 2018.
  3. DEFFONTAINES Cécile, Le 9-3, terre d’islam ou d’islamisme ? L’Obs, 16 octobre 2018.
  4. KEPEL Gilles, Quatre-vingt-treize Gallimard, 2012.
  5. TROUSSEL Stéphane, « Islamisation » de la Seine-Saint-Denis ? À Davet et Lhomme comme aux autres : stop à la stigmatisation de notre territoire  ! 23 octobre 2018.

Yannis Boustani